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RETRAITE – INSERTION DES JEUNES

APPRENTISSAGE : LA MARTINGALE STATISTIQUE DE MACRON ?

Cela fait quelques temps que nous sommes face à une profonde interrogation.

En effet, alors que le Gouvernement comprend aujourd’hui un Ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, la réforme des retraites a été présentée comme permettant de répondre au déficit des comptes sociaux et de les prévenir à l’avenir.

Dans le même temps, les media audiovisuels, singulièrement ceux plus ou moins contrôlés par le pouvoir, nous annoncent chaque mois une baisse du nombre des chômeurs.

La France serait même sur la voie du plein emploi, et le taux de chômage n’aurait pas été aussi faible depuis plusieurs décennies.

Le paradoxe entre ces créations d’emplois et la perspective annoncée d’un plein emploi, qui amènerait le taux de chômage aux alentours de 5 % de la population active (sic), d’un côté et tensions sur les comptes sociaux appelle à la réflexion et à la recherche des facteurs générant cette situation.

La formation professionnelle qui, à l’évidence, constitue un des centres d’intérêt fondamentaux de la politique macronarde, semble pouvoir nous fournir quelques éléments d’appréciation de la réalité de la situation.

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RETRAITE – les régimes spéciaux

QUELQUES ELEMENTS SUR LES REGIMES SPECIAUX

Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale rectificative qui comporte les paramètres financiers de la réforme des retraites (dont nous verrons peut être dans l’année le second volet) s’attaque à la situation de cinq régimes spéciaux.

On rappellera ici que les régimes spéciaux, selon les données 2021, concernent au total rien moins que près de 6,8 millions de cotisants mais surtout 8,6 millions de retraités (pratiquement un sur deux en France) et plus de 600 000 personnes en invalidité.

C’est à dire plus de 40 % des assurés sociaux, hors fonctionnaires d’État.

Cinq de ces régimes vont faire l’objet d’une mise en extinction progressive.

Elle vise le régime de retraite de la RATP (un peu plus de 42 000 cotisants, un peu plus de 50 000 retraités), celui des personnels du comité économique social et environnemental (effectifs réduits), celui des Industries Electriques et Gazières (plus de 135 000 cotisants pour 180 000 bénéficiaires de prestations), la Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires (un peu moins de 63 000 cotisants pour environ 80 000 bénéficiaires) et le régime de la Banque de France (moins de 8 000 cotisants et près de 18 000 retraités).

On notera ici, pour rire un brin, que si le rapport Rist de l’Assemblée Nationale parle de la « fermeture des principaux régimes spéciaux », on est bien loin du total rappelé ci dessus.

250 000 cotisants sur un ensemble de 6,8 million, on est loin du compte…

La méthode mise en œuvre est, à chaque fois, la même.

La loi va fermer l’accès aux différents régimes spéciaux à compter du 1er septembre prochain.

Cette situation ne fait aucun cas de l’Histoire, comme des conditions de développement de régimes qui, pour une bonne part, ont été créés avant le régime général comme, d’ailleurs, d’autres régimes aujourd’hui disparus ou presque (on pense à celui des Mineurs).

Ces régimes ont, pour certains, des recettes qui leur sont spécifiques et une situation financière plutôt saine, bien éloignée, par exemple, de ce qu’était devenu le régime social des indépendants qui a explosé avec la sur pression des auto entrepreneurs il y a moins de quatre ans.

Ainsi, faisant partie intégrante du modus vivendi entre l’État et les entreprises publiques EDF et GDF, la contribution tarifaire d’acheminement permet l’équilibre de la Caisse des Industries Electriques et Gazières.

De même, une partie des ressources de la CRPCEN provient de l’activité des offices.

Plus les offices notariaux enregistrent d’actes, plus ces actes portent sur des biens dont la valeur est appréciée ou élevée et plus les recettes de la Caisse progressent.

En 2020, avec le Covid, la CRPCEN s’est retrouvée en difficulté financière.

Par contre, en 2021, elle a présenté un excédent de 308 millions d’euros (soit près de 4 000 euros par bénéficiaire de prestation ou 5 000 par cotisant) dont on peut se demander s’il n’intéresse pas l’État.

Dans le cas de la Banque de France, où l’équilibre est assuré naturellement par les versements de l’employeur, puisant dans la Caisse de réserve, le fait que celle ci est emplie de 15 Mds d’euros accumulés depuis une quinzaine d’années ne semble pas étranger à la manœuvre.

Tout ceci emporte plusieurs conséquences.

Un, le choix opéré va dégrader la situation financière de chaque régime puisque le déséquilibre entre cotisants et retraités est appelé à croître et embellir.

Et il faudra plusieurs dizaines d’années pour que disparaisse le dernier retraité de chaque régime ainsi disparu.

Pendant une bonne quinzaine d’années, le déficit de chacun des régimes va s’accroître peu à peu, un peu comme le garrot serrait petit à petit le cou des condamnés à mort dans l’Espagne médiévale.

Deux, si la perception de nouvelles cotisations (celle des nouveaux embauchés) va renforcer le régime général, elle ne va pas empêcher une nouvelle dégradation globale du solde des régimes obligatoires, les cotisations des régimes spéciaux étant, de manière générale, supérieures à celles appelées pour le régime général.

Car ( et ce d’aucuns seront surpris de l’apprendre mais…) les garanties spécifiques accordées aux gaziers, électriciens ou ératépistes, figurez vous qu’elles sont financées par cotisations !

Des cotisations qui sont plus élevées tant sur la part dite « ouvrière » que sur la part dite « patronale ».

Ainsi, le taux de cotisation retraite est de 6,9 % pour la part ouvrière et 8,55 % pour la part dite patronale, soit au total 15,45 %.

Pour la RATP, les taux sont, cette année, de 12,95 % côté salariés et 19,13 % pour la part patronale.

Soit un total de 32,08 %, deux fois plus élevé que le taux du régime général.

Nous aurons donc une croissance des recettes du régime général inférieure à ce qu’elle aurait pu être avec le maintien des régimes spéciaux concernés, conduisant du coup à une attrition des recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité Sociale (ou ROBSS).

Mais cette situation qui viendra justifier à l’envi de nouveaux sacrifices ultérieurs se situe surtout dans un contexte nouveau.

Outre l’excellent climat social qui devrait découler de la cohabitation, au sein de la même entreprise, de salariés effectuant les même tâches avec un statut et des garanties sociales différents, le choix opéré par le Gouvernement, pour la CNIEG ou la caisse de retraite de la RATP, participe d’une vision politique de longue haleine.

D’une part, elle conduira à solliciter de nouvelles dépenses budgétaires destinées à couvrir les déficits des régimes qui ne manqueront pas d’émerger.

La RATP qui fait déjà l’objet du versement d’une subvention d’équilibre de 800 millions d’euros devrait, à moyen terme, nécessiter le versement d’une subvention de 1 200 millions d’euros.

Mais surtout l’entreprise publique a été placée sur l’orbite de l’ouverture à la concurrence des transports urbains comme le rappelait à juste titre le rapport budgétaire sénatorial sur la mission Régimes sociaux et de retraite en indiquant le calendrier de cette ouverture.

La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a prévu la mise en concurrence de l’exploitation des réseaux de la RATP à compter du :

– 1er janvier 2021 pour les lignes de moyenne et grande couronnes (réseau de bus OPTILE) ;

– 1er janvier 2025 pour les services réguliers de transport routier (réseau historique RATP) ;

– 1er janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2032 pour le réseau Transilien ;

– 1er janvier 2030 pour les services réguliers par tramway ;

– 1er janvier 2033 jusqu’au 31 décembre 2039 pour les RER C et D, et entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2039 pour le RER E ;

– 1er janvier 2040 pour les autres services réguliers de transport guidé (métro et RER A et B).

La rapporteure des crédits, l’élue de droite Sylvie Vermeillet, représentant le Jura, décrit ensuite « les solutions » acceptables.

S’agissant du mode Bus, la RATP devra donc assurer le service jusqu’au 31 décembre 2024, et transférer dans les entreprises ayant gagné les lots les effectifs nécessaires à la continuité du service.

Ainsi, tous les salariés concourant à l’activité Bus (directement ou indirectement soit environ 19 000 salariés) seront transférés dans les sociétés ayant remporté les appels d’offres. L’activité Bus de la RATP sera de son côté transférée au sein de sa filiale Cap Ile-de-France. Les salariés concernés par ces mouvements ne seront par conséquent plus sous contrat avec l’EPIC RATP, et ne bénéficieront plus du statut du personnel et de l’ensemble des dispositions de l’EPIC. Le « sac à dos social », mis en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), prévoit cependant que les agents RATP transférés au sein des entreprises concurrentes ou de la filiale Cap-Ile-de-France, ainsi que leurs nouveaux employeurs, restent contributeurs du régime de retraite de la RATP.

Les conséquences en termes de collecte n’ont pas encore été détaillées, la CRP RATP restant dans l’attente du contenu d’un décret d’application.

Le transfert des agents de la RATP affectés au mode bus met en effet en lumière la question de la pénibilité. L’existence de contraintes spécifiques d’exploitation a conduit à la mise en place d’un cadre social territorialisé (CST), commun à tous les conducteurs opérant sur les lignes RATP appelées à être ouvertes à la concurrence. Sans mésestimer la spécificité du transport parisien, il convient cependant de la remettre en perspective en rappelant les difficultés rencontrées par les chauffeurs de transports de personnes, en particulier scolaires, dans les territoires. La durée moyenne de versement des pensions directes servies aux conducteurs RATP est d’ailleurs relativement élevée : 26,1 années en 2020. Au regard des données disponibles en matière d’espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d’autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d’un maintien du régime spécial de la RATP.

Sylvie Vermeillet a raison !

Le problème c’est la pénibilité des conditions de travail des chauffeurs de bus des autres opérateurs du secteur et non le « privilège » dont les chauffeurs RATP jouiraient en pouvant partir en retraite à 57,3 ans …

Une fermeture du régime conduirait à un double mouvement :

– d’une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par la CRP-RATP ;

– d’autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d’équilibre de l’État.

(merci de confirmer l’analyse que nous avons produite ici)

Ce scénario, coûteux à court terme pour les finances publiques, pourrait cependant être contourné par la mise en place d’une compensation financière versée par le régime général et l’Agirc-Arrco, à l’instar de celle mise en place pour le régime spécial de la SNCF (cf supra). Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés de la RATP qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que la CRP-RATP devrait pour sa part continuer d’assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuels ou à venir, mais en ne percevant plus qu’un flux de cotisation en attrition. L’impact financier d’une fermeture du régime de la RATP pour l’État serait alors nul ou quasi nul.

(fin de citation)

C’est vrai qu’il suffisait d’y penser.

Solliciter le régime général et les réserves de l’AGIRC ARRCO pour faire reculer les garanties collectives des salariés et privatiser le service public des transports parisiens avec le risque de se retrouver avec le syndrome londonien d’explosion des tarifs, c’est tout de même génial !

Pour le secteur de l’énergie, je n’ose rappeler ici que ce qui a construit en partie le déficit 2022 d’Electricité de France provient de la sous – traitance d’une partie des activités de l’opérateur historique, notamment en matière de maintenance des installations et que l’abandon du statut risque donc de renforcer.

Ajoutons les obligations qui ont été imposées à l’entreprise publique de prendre à sa charge les conséquences du désordre du marché de l’électricité (dont le coût est estimé à 8 Mds d’euro sur les 17,9 Mds du résultat négatif 2022 d’EDF).

Pour Engie, devenu un élément du groupe Suez, l’affaire n’a pas été la même.

Pas d’obligation de contenir les prix.

Et une ouverture à la concurrence favorisée autant que possible.

Pour quels motifs ?

Peut être d’obscures raisons de rentabilité financière, alors.

Engie a enregistré une hausse de 62 % de son chiffre d’affaires en 2022, passant de 58 à 94 Mds d’euros…

Le conseil d’administration du Groupe a proposé un dividende de 1,40 euro par action, soit la modeste somme de 3,4 Mds d’euros au total…

Un peu comme si la hausse des prix du gaz que vous avez pu constater sur votre facture était consacrée, pour environ 4 %, à rémunérer les actionnaires d’Engie.

L’État français va ainsi percevoir environ 800 millions d’euros, tandis que les fonds d’investissement Capital Group et BlackRock mettront la main sur 165 et 150 millions d’euros.

Ah oui, le montant des cotisations encaissées par la Caisse de retraite des gaziers et électriciens est de … 3,4 Mds d’euros.

Et une dernière question pour la route, que nous allons traiter bientôt

Pourquoi la fièvre uniformisatrice des régimes de retraite n’affecte aucunement, dans le texte gouvernemental, le régime des exploitants agricoles (1 250 000 retraités), celui des salariés agricoles (2 335 000 retraités) ou la caisse des professions libérales (435 000 retraités) ?

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RETRAITE, il est temps de remplir la caisse.

Ce qu’a d’ores et déjà montré le mouvement en cours sur les retraites, c’est qu’il est essentiel, pour une Sécurité Sociale fondée sur la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle, de disposer de ressources stables et, autant que possible, abondantes.

Dans le cas de l’assurance vieillesse, financée de manière principale par des cotisations sociales, la questions pourrait être résolue en grande partie pour peu qu’on décide d’agir avec vigueur pour promouvoir la création d’emplois.

Petite (façon de parler) opération arithmétique.

Soit un SMIC de 1 709,28 euros brut par mois.

Générant 264,08 euros de cotisation sociale retraite (6,9 % pour la part dite ouvrière et 8,55 % pour la part dite patronale).

Rappelons ici que cette part patronale est une vue de l’esprit, puisque cette cotisation est totalement prise en charge par l’Etat aujourd’hui.

Pôle Emploi, de son côté, a enrôlé rien moins que 3 049 800 privés d’emploi en fin d’année 2022.

Si, par je ne sais quel miracle, ces privés d’emploi étaient tous embauchés, nous disposerions, chaque mois, de plus de 800 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’assurance vieillesse et d’un total supérieur à 9,6 Mds d’euros pour l’ensemble de l’année.

La même démonstration vaut pour le travail à temps partiel imposé, dont on peut estimer les pertes entre 1 et 2 millions d’emplois en équivalent temps plein, ce qui pourrait conduire à une déperdition de ressources comprise entre 3,2 et 6,4 Mds d’euros.

Enfin, pour appréhender les conséquences de la discrimination salariale dont les femmes demeurent les victimes en France, on soulignera que chaque salaire féminin moyen génère, chaque année, du fait des décisions des employeurs, 700 à 750 euros de pertes de financement pour l’assurance vieillesse.

Le combat pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est l’un de ceux qui comptent le plus puisque ses prolongements sont multiples, d’autant qu’il rencontre naturellement celui pour l’emploi et celui pour l’extension des droits sociaux.

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RETRAITE. Cotisations sociales

COTISATIONS SOCIALES, POUR LES SALARIES, LA DOUBLE PEINE

Le débat engagé dans l’ensemble du pays au sujet de la réforme des
retraites glisse peu à peu, et c’est tout à fait naturel, vers la question du
financement du régime et notamment les alternatives au choix opéré par le gouvernement de se contenter d’allonger la durée d’affiliation des salariés (et de raccourcir d’autant celle de perception de la pension, faisant un pari économique sur la létalité ?)

Le cadre du projet de loi est fixé.
On cotisera bientôt 43 ans au lieu de 42, et les retraites continueront
d’être indexées sur les prix et calculées, pour le régime général, sur les
vingt cinq meilleures années, ce qui conduira naturellement à la réduction du taux de remplacement des pensions et retraites au regard du dernier salaire perçu.

Cette règle, fixée par la réforme Balladur de 1993 (celle ci avait été
votée dans la masse des lois défendues pendant l’été par le Gouvernement de « l’ami de trente ans » de Chirac) est l’un des éléments clé de la situation d’aujourd’hui.

Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, ce sont quatre points de
PIB (c’est à dire qu’aujourd’hui, plus ou moins 100 Mds d’euros qui ne sont pas consacrés aux retraites) que l’on ne retrouve pas dans les comptes sociaux…

100 Mds d’euros, cela représente près de 30 % de perte de pouvoir
d’achat pour les 18 millions de retraités de notre pays.

On pourra ajouter, au tableau de la réforme Borne Dussopt Véran, la
« modération salariale » difficile à maintenir dans le secteur privé de plus
en plus secoué par l’annonce de résultats financiers très favorables de nos grands groupes, mais néanmoins encouragée par une gestion des
rémunérations publiques qui a littéralement constitutionnalisé le gel du
point d’indice et pratique de plus en plus intensivement la précarité de
l’emploi, le recours aux contractuels et, de fait, l’absence de déroulement
de carrière.

L’un des problèmes de la Sécurité Sociale, ceci posé, est bien celui du
statut accordé aux cotisations sociales, prélevées dans l’entreprise sur la
richesse créée (biens produits ou services rendus) et basées sur les salaires.

Ce problème affecte sensiblement moins l’assurance vieillesse que les
autres, ainsi que nous avions pu le pointer lors de l’analyse de la fiscalité
(dont les cotisations sociales ne sont qu’une sorte de cousines) et
notamment de la contribution sociale généralisée.
Tout simplement, parce que la CSG finance l’assurance maladie, les
allocations familiales, quasi exclusivement la nouvelle branche autonomie mais aussi, depuis assez peu, la dette sociale (en sus de la CRDS) et, plus étonnant, l’UNEDIC, confronté à une dette conséquente, issue de lapériode Covid.

Mais on relèvera cependant que cette utilisation de la Contribution
Sociale Généralisée a remplacé la cotisation maladie résiduelle sur la part dite « salariale », une bonne partie des cotisations famille et la cotisation chômage sur la toujours dite « part salariale ».

Notre bulletin de paie laisse d’ailleurs apparaître le montant que nous
devons, en termes de salaire net, à la disparition de ces cotisations sociales maladie et chômage.

Ce tour de passe passe, qui assure la persistance du taux de la CSG
au niveau actuel (9,2%), nous a permis de bénéficier d’une réforme
imposée de l’assurance chômage, d’une réduction des allocations logement et du développement de la crise des urgences à l’hôpital et des déserts médicaux en médecine de ville…

Toujours est il que l’assurance vieillesse est le seul champ de la
Sécurité Sociale à ne pas être financé de manière importante par la CSG et d’être ainsi, de fait, le plus proche de la Sécurité Sociale d’origine, financée par la voie de cotisations.

Dire qu’il s’agit là d’une des raisons profondes de cette insistance du
Gouvernement à réformer notre régime de retraite me semble assez
évident.

Et que ce n’est sans doute pas pour rien que l’ensemble des
partenaires sociaux de la « partie patronale » (MEDEF, CPME, U2P) est
favorable au texte actuellement en discussion.

Parce que si les « charges sociales «  (traduction de cotisations) sont
lourdes à payer pour les entreprises, il n’en est pas de même lorsqu’elles
sont supprimées et remplacées par des compensations fiscales…
Les exonérations sociales sont, depuis une trentaine d’années, un des
éléments des politiques publiques.

Mais les dernières années ont connu une très sensible accélération du
processus, notamment avec la transformation du Crédit d’impôt
Compétitivité Emploi (CICE) en allégement pérenne de cotisations
sociales.

En 2016, on comptait rien moins que 37,3 Mds d’euros
d’exonérations sociales dans les comptes de l’Etat (compensées par
affectation de produits fiscaux tels une part de la TVA) dont 3,7 Mds
restaient en pertes de recettes sociales.

Le basculement du CICE en allégement de cotisations a porté en
2022 le total des exonérations à 78,8 Mds d’euros dont 2,6 Mds non
compensés.

Ce sont donc plus de 75 Mds d’euros qui sont ainsi mobilisés, au sein
des ressources fiscales, pour compenser le « cadeau «  ainsi fait aux
entreprises.

Comme nous l’avons indiqué, c’est la TVA qui est le principal produit
fiscal qui est sollicité, pour plus de 60 Mds d’euros au total.
La TVA prend notamment à sa charge l’allégement général sur les bas
salaires (34,9 Mds d’euros pour 2022) et la bascule CICE/allègement
pérenne (22,9 Mds d’euros, finançant en totalité l’assurance maladie).

On notera aussi que le régime social des indépendants, que Macron a
finalement décidé « d’aligner «  et « d’adosser » au régime général, après sa véritable explosion liée au développement des auto entrepreneurs, a généré 1,8 Md d’euros d’allégements de cotisations.
Que provoque ce processus ?

Pour les salariés, c’est la double peine.
Les cotisations sociales constituent en effet, qu’on le veuille ou non,
un élément de rémunération du travail.
Quand elles sont « exonérées », c’est donc une partie du salaire qui
n’est pas payée.
Et la compensation, que ce soit par la TVA, les droits sur l’alcool ou
ceux sur le tabac, étant fondée d’abord et avant tout par affectation d’un
impôt de consommation, est de fait payée par les mêmes…

On n’a pas vraiment mesuré, jusqu’ici, les conséquences de ces
politiques d’allégement du « coût du travail », au delà de la considération
générique qui voudrait que la part des salaires dans la richesse créée par le travail ait baissé.
Car ce qui pèse, à mon avis, dans cette affaire, c’est que les
allégements de cotisations participent à l’attrition et la diminution
« systémique » des ressources de la Sécurité Sociale, et singulièrement de l’assurance vieillesse par contagion de la pratique des bas salaires, sans reconnaissance réelle des niveaux de qualification entre autres méfaits.

Les métiers dits en tension sont, de ce point de vue, le témoignage de
la rupture entre une logique d’allégements dépassés et une aspiration
nouvelle, de plus en plus développée, pour une activité professionnelle
digne, respectueuse du salarié et logiquement mieux rémunérée.

Toujours est il que trouver sans trop d’efforts des ressources
nouvelles pour la Sécurité Sociale passe clairement par la mise en cause de ces politiques d’exonérations sociales coûteuses et socialement nuisibles.

De plus, l’affectation de taxes comme la TVA au financement de la
Sécurité Sociale constitue un obstacle majeur à toute réduction éventuelle de son taux normal…

Ou au maintien de certains taux réduits…
C’est à dire d’une atteinte au pouvoir d’achat.
Vous avez envie, vous aussi, d’une TVA à 25 % et d’une CSG se
rapprochant de 15 %

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RETRAITE

LES INVISIBLES, LA SUITE

Parmi les découvertes de ce conflit social majeur provoqué par
l’annonce de la réforme des retraites, figure au plus haut point la véritable
révélation de la présence massive des femmes dans la vie économique et
sociale des entreprises et de fait, du pays.
Le lycéen des années soixante dix l’apprenait, ne serait ce qu’au
contact d’un corps professoral de plus en plus féminisé (en 2019, plus de
70 % des enseignants sont des femmes, dont près de 84 % dans le premier
degré de l’enseignement public), mais cette place des femmes dans
l’activité économique est devenue décisive, se rapprochant de plus en plus
de celle des hommes, et contestant à juste titre sa primauté.
Ce n’est pas par hasard ni pour rien que se posent les questions de
l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, ni celles de la
promotion des travailleuses salariées dans les hiérarchies et les fonctions.
Cette situation a évidemment trouvé une illustration dans la situation
des retraites, avec une évolution que même le COR, dans ses touffus
rapports, ne peut qu’attester.
Ainsi, une retraitée née en 1940 disposait d’une pension représentant
60 % d’une pension attribuée à un retraité né la même année.
Pour la génération 1953, et donc âgée de 67 ans en 2020, la pension
d’une retraitée se situe à 63 % de celle d’un homme de la même génération.
Le mouvement est d’ailleurs continu et devrait, en l’état actuel des
choses, conduire, à horizon 2070 (pour une bonne part, nous ne le verrions
donc pas), à ce que la retraite d’une femme représentera 92 ou 93 % de
celle d’un homme.
Le fait qu’il demeurât, alors, tendanciellement, un « gap » entre
salaires féminins et salaires masculins montre, de mon point de vue, la
tâche qui incombe aux salarié(e)s d’aujourd’hui pour une véritable
pratique de la non discrimination.
Les sources de l’évolution sont connues et identifiées.

Il s’agit essentiellement de la progression de l’emploi féminin (nous
venons de le voir avec le mouvement de la fonction publique), et de la
progression d’un emploi de plus en plus « longue durée », même si les
carrières ne sont pas toutes linéaires.
A preuve, le fait que le COR constate désormais que les carrières
accomplies par les femmes sont d’une durée très proche de celle des
hommes, atteignant en effet plus de 39 ans désormais pour une moyenne
de 39,6 ans.
Au delà de cette moyenne, la tendance de long terme est
l’accroissement de la durée d’assurance des femmes et leur « égalité «  de
fait avec la situation des hommes.
Le COR, lui même, annonce tranquillement qu’à partir des natifs de
1970 (qui commenceront à partir en retraite dans les années 2030), les
durées d’assurance seront les mêmes…
Tout simplement parce que le taux d’activité féminin continue de
monter et rattrape celui des hommes.
Mais ce qui fait obstacle à l’égalité réelle, c’est, évidemment, le
niveau des salaires et la question de la position des femmes dans l’échelle
hiérarchique.
En témoigne une administration féminisée comme l’Education
Nationale (les personnels non enseignants sont encore plus féminins que
les personnels enseignants) où seulement 42 % des postes de direction
d’administration centrale ou déconcentrés sont attribués à des femmes.
De fait, la différence persistante entre salaires féminins et salaires
masculins tient, dans le secteur public comme dans le secteur privé, à cette
incapacité des dirigeants publics ou privés de confier à des femmes
certains postes dits à responsabilité.
Comme la carrière est déterminante pour fixer le montant de la
pension et/ou de la retraite, on mesure que la lutte est encore nécessaire
pour réduire aussi les 4 à 500 euros d’écart mensuel qui demeurent entre

emploi masculin et emploi féminin.
Un autre facteur aggravant de la situation réside bien entendu dans le
travail à temps partiel, qui frappe bien plus les femmes que les hommes
dans ce pays puisqu’il concerne près de 4,2 millions de salariés, et donc
essentiellement des salariées.
En l’espèce, il s’agit même de 3,26 millions de femmes et d’un peu
moins d’un million d’hommes
Assez peu choisi et souvent imposé (notamment dans les secteurs du
commerce, des services et de la restauration), le travail à temps partiel
frappe donc près de 30 % des femmes (28,1 % en 2021 selon la DARES),
mais moins de 10 % des hommes (7,6%).
Le travail à temps partiel frappe notamment les seniors en fin de
carrière professionnelle qui décident ainsi, d’une certaine manière, de
terminer « en roue libre » avant la retraite.
Mais il est sans doute abusivement pratiqué pour les jeunes (26,7 %
pour les moins de 24 ans, ce qui fait litière de l’autosatisfecit officiel sur
l’emploi des jeunes) et les salarié(e)s embauché(e)s sous statut
« d’employé » (près de 32%).
Et comme le souligne le Ministère du Travail, au vu de leurs
conditions d’emploi, on peut distinguer trois types d’emplois à temps
partiel.
30 % des emplois à temps partiel, dits « courts », cumulent des
facteurs de précarité. Ces emplois sont caractérisés par des durées de
travail hebdomadaires réduites (souvent inférieures à 15 heures) et
davantage de contrats à durée limitée (contrat à durée déterminée, intérim
ou saisonnier).
29 % des temps partiels sont « atypiques », occupés par des salariés
travaillant plus souvent le samedi, le dimanche, le soir ou encore la nuit de
manière régulière.
Enfin, 41 % des emplois à temps partiel peuvent être qualifiés de
« stables ». Ces emplois sont en contrat à durée indéterminée, ont des
durées hebdomadaires de travail majoritairement supérieures à 24 heures

et s’exercent peu en horaires atypiques.
Toujours est il que le travail à temps partiel est une mine de cadeaux
fiscaux et sociaux pour les entreprises, qui allie faible pression sur la
masse salariale et productivité exacerbée…
Comme quoi, à parler retraite, on finit toujours par parler travail…

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RETRAITE, travailler les apparences pour masquer le fond

PROJET DE LOI DE REFORME DES RETRAITES TRAVAILLER LES APPARENCES POUR MASQUER LE FOND

Ainsi, pour des raisons liées aux règles de fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement vient de déposer un « projet de loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale pour 2023 » comprenant la plupart des mesures destinées à réaliser quelques « économies » au compte des retraites, pour « réduire les déficits » et ainsi « préserver le régime de retraite par répartition auquel tous les Français sont attachés ».

Comme cela fait le huitième texte, depuis 1993 et la loi Balladur, portant sur le sujet, que l’on sait qu’il y aura un second texte dans l’année pour résoudre certains aspects du dossier et qu’il est probable que l’on aura un neuvième texte avant cinq ans, on peut légitimement nourrir quelques interrogations, si ce n’est inquiétudes.

LE DECOR DE FOND

Le projet de loi est donc une loi de financement de la Sécurité Sociale.

On observera de suite que ce choix, guidé par le souci de « gagner du temps » du point de vue du Gouvernement, n’est pas sans présenter quelques risques.

Ce qui a évidemment provoqué l’invocation de l’article 47 de la Constitution ci après reproduit

Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique.

Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

(fin de citation)

Ce choix peut se trouver justifié puisque l’article LO 111-3-12 du code de la Sécurité Sociale stipule (je cite de nouveau)

Peuvent figurer dans la loi de financement rectificative les dispositions relatives à l’année en cours :

1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes ;

2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves ;

5° Si elles ont pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, ayant un effet sur :

a) La dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier ;

b) La dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses ;

6° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;

7° Rectifiant la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ;

8° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

(fin de citation)

Sans commenter l’ensemble des points ici relevés en détail, il suffit juste de se dire qu’une loi de financement rectificative peut très bien porter sur autre chose que le seul champ de l’assurance vieillesse et, partant, que l’opposition parlementaire peut opter pour une « obstruction intelligente » revenant sur les enjeux de santé publique par propositions sur l’assurance maladie, de politique familiale avec les allocations familiales ou encore les recettes de la Sécurité Sociale, notamment les allégements et exonérations de cotisations sociales dont le coût se mesure aujourd’hui en bas salaires et, apparemment, de faible productivité du travail…

Quant à la forme de « priorité » accordée au traitement de la question de l’assurance vieillesse, on relèvera ici qu’il s’agit de la branche de la Sécurité Sociale la moins « fiscalisée », le principal des recettes des régimes légaux obligataires (pour ne pas oublier les fonctionnaires d’État ou des collectivités locales par exemple) est constitué de cotisations.

Ainsi, le régime général, qui devrait encaisser 126 Mds de cotisations cette année pour un ensemble de 156 Mds d’euros de ressources.

On est loin de la branche autonomie, financée à près de 90 % par la CSG et pour le solde par d’autres impôts (notamment la contribution générée par le Lundi de Pentecôte)

Cette orientation est, de mon point de vue, porteuse de sens.

Il va sans dire que le choix du Gouvernement est également guidé par la volonté politique de « doubler «  le mouvement de contestation sociale qui monte et s’est déjà exprimé depuis l’annonce de la « réforme ».

Réforme, une sorte de gros mot dont certains devraient songer à réduire l’usage, la notion de recul social ayant quelque peu tendance à en devenir l’homonyme.

LE PROJET DE LOI

Le texte soumis au Parlement comprend vingt articles et obéit aux règles fixées par les lois de financement de la Sécurité Sociale ;

De manière liminaire, examen du cadrage macro économique du texte, avec les variations qu’il implique dans les comptes de la Sécurité Sociale tels que votés en loi de financement initiale.

Puis mesures relatives aux recettes.

Ainsi, l’article premier supprime, pour l’assurance vieillesse, la spécificité de cinq régimes spéciaux, à savoir celui des industries électriques et gazières (en gros, la retraite des agents d’EDF GDF), celui de la RATP, celui de la Banque de France, celui des agents du Comité Economique Social et Environnemental et celui de la CRPCEN (Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires).

Le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que ces cinq régimes dégagent aujourd’hui des excédents et qu’ils seront donc dégradés au fil du temps, puisque les personnels actuellement placés sous statut vont progressivement faire valoir leurs droits à pension et que la cotisation des nouveaux entrants va alimenter le régime général.

On notera par ailleurs que plusieurs de ces régimes disposent de ressources fiscales affectées.

C’est le cas pour la CRPCEN, puisque la Caisse perçoit une partie des « frais de notaire » affectant les opérations de rédaction des actes notariés. 

C’est aussi le cas pour le régime des industries électriques et gazières puisque la Caisse de retraite perçoit, pour son compte, la Contribution Tarifaire d’Acheminement (plus d’1,1 Md d’euros) qui pourra de fait être « acheminée «  vers sa disparition, puisqu’elle faisait partie du mode de financement des droits spécifiques des agents avant la réforme de 2004 qui a modifié le statut d’EDF.

Quant il n’y aura plus d’agents EDF sous statut 1946 en activité, ce sera plus facile…

Le cas du régime de la Banque de France est plus complexe, puisqu’il comporte une part non négligeable de « capitalisation », celle ci représentant en effet le quart des ressources du régime.

La caisse a provisionné ses engagements depuis 2006, notamment parce qu’une partie des résultats (qui auraient pu être distribués aux agents de la Banque) a été capitalisée dans l’institution de retraite.

Elle dispose aujourd’hui de 15 Mds d’euros de réserves, selon un rapport de la Cour des Comptes, ce qui semble motiver l’initiative gouvernementale.

Notons également que d’autres régimes spéciaux ne sont pas ainsi « captés » par la réforme.

Il s’agit notamment du régime géré par l’Etablissement National des Invalides de la Marine (retraités de la marine marchande), régime très largement fiscalisé puisque 80 % de son budget découle d’une subvention d’équilibre de l’État.

Le régime présente une situation très déséquilibrée avec un peu plus de 25 000 cotisants et plus de 100 000 retraités.

Comme la France a, il y a quelques années, fait le choix de développer un « pavillon de complaisance » (en l’espèce le fameux pavillon Kerguelen), les navires battant pavillon français sont de plus en plus rares.

Autres régimes non concernés par le texte : celui de la Comédie Française et celui de l’Opéra de Paris.

Il s’agit de régimes à faible niveau de cotisants (moins de 2 000) qui tiennent compte des spécificités des métiers.

Imagine t on le Cygne Noir du Lac des Cygnes ou le Prince Charmant de la Belle au bois dormant interprétés par un danseur de 62 ans ?

Enfin, deux régimes sont situés hors champ de la réforme, à savoir celui des professions libérales et, surtout, celui de l’agriculture (régime des exploitants comme celui des salariés).

Concession probable au fonds de commerce électoral de Renaissance et des Républicains…

L’article 2 du projet de loi crée le fameux « index de l’emploi des seniors »censé mesurer les conditions du maintien dans l’emploi des salariés âgés.

La mesure n’est guère contraignante, l’article laissant même aux partenaires sociaux le choix des critères de mesure retenus et ne prévoyant comme sanction que … la non publication de l’index.

A noter que l’index est limité aux entreprises de plus de 300 salariés, ce qui réduit d’autant plus le champ de l’affaire, d’autant que ne semble pas posée la question des établissements secondaires de groupes comptant plus de 300 salariés.

Ceci posé, cet index ne sera pas obligatoire avant juin 2024…

L’article 3 consacre l’abandon de la réforme consistant à inclure le recouvrement des cotisations AGIRC ARRCO dans le champ de compétences des URSSAF. Il n’appelle donc pas de commentaire particulier.

Sinon que les partenaires sociaux, gestionnaires des caisses de retraite complémentaires, ne semblent pas avoir eu confiance…

Et que les réserves des régimes complémentaires obligatoires sont assez bien garnies (environ 70 Mds d’euros) et le résultat 2022 largement positif (près de 4 Mds d’euros)

L’article 4 présente un tableau d’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale, détérioré de 400 millions d’euros par les premiers effets de la réforme présente.

Et l’article 5 consacre l’objectif d’amortissement de la dette sociale à hauteur de 17,7 Mds d’euros, payés à la fois par la CRDS et une part de la CSG.

Notons ici ce que dit l’exposé des motifs de l’article.

En 2023, la dette restant à amortir par la caisse d’amortissement de la
dette sociale (CADES) devrait s’élever à 146,1 milliards d’euros,
241,6 milliards d’euros ayant déjà été amortis par la caisse.


Le transfert de dette sociale à la CADES prévu par l’article 1er de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie s’est poursuivi en 2022 à hauteur de 40 milliards d’euros, venant réduire le besoin de financement induit par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19

( fin de citation)

En français courant, cela signifie que la « dette sociale » est maîtrisée malgré un accroissement lié au virement, au passif de la CADES, des déficits sociaux enregistrés notamment pendant la crise sanitaire.

L’autre aspect, c’est qu’il reste du grain à moudre pour « consolider » la dette ultérieure qui proviendrait de déficits constatés sur l’assurance maladie ou l’assurance vieillesse.

On relèvera que le montant du passif de la CADES (141,6 Mds d’euros) constitue l’équivalent du versement de 8,3 années.

Ce qui donne les années 2024, 2025, 2026, 2027, 2028, 2029, 2030, 2031 alors que la disparition de la CRDS est prévue en 2033.

Comme le disait le rapport sur les comptes de la Sécurité Sociale en 2020 dans l’un des scenarii d’amortissement.

En clair, avec sa réforme des retraites, le Gouvernement a l’intention de faire payer deux fois aux assurés sociaux le même déficit, outre de verser 2 à 3 Mds par an d’intérêts…

L’article 6 consiste à valider le rapport annexe rattaché au projet de loi, retraçant les conséquences des mesures contenues dans les différents articles.

La lecture de ce rapport donne quelques indications supplémentaires sur le sens profond de la réforme.

Je cite

Dans le champ des régimes de base de retraite, la trajectoire intègre les dispositions présentées dans la présente loi, portant une hausse progressive de l’âge d’ouverture des droits (AOD) de soixante deux à soixante quatre ans, au rythme d’un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération de la durée d’assurance requise (DAR), au rythme d’un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations jusqu’à présent. La trajectoire intègre également des mesures d’accompagnement et de hausse des minima de pensions. Ces mesures viseront en premier lieu à dispenser de la hausse de l’AOD les personnes inaptes au travail ou reconnues invalides. Elles permettront également aux assurés ayant commencé à travailler précocement de partir plus tôt que l’âge de droit commun avec notamment un renforcement du dispositif « carrières longues », développeront les transitions entre l’activité et la retraite et amélioreront les dispositifs de prévention et de réparation de l’usure professionnelle.

Enfin, les minima de pension seront revalorisés pour les nouveaux retraités à partir de 2023 mais également pour ceux déjà partis à la retraite et bénéficiant du minimum contributif.

La réforme emporte également des mesures en recettes, avec des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs publics (CNRACL) et par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations AT MP. La présente annexe porte sur le champ des régimes obligatoires de base et du FSV à l’horizon 2026, mais la réforme des retraites présentée dans la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale aura des impacts financiers qui monteront en charge au delà de 2026, ainsi que sur les régimes complémentaires. Le système de retraite pris dans son ensemble retournera ainsi à l’équilibre à l’horizon 2030. Une étude d’impact financière spécifique a été jointe au projet de loi.

(fin de citation)

On aura donc en ces quelques lignes un intéressant résumé du texte.

Pivots de la réforme : recul de l’âge de départ de deux ans, augmentation de la durée d’affiliation.

Conséquences : l’ensemble des dispositifs de départ anticipé eset repoussé de deux ans, ce qui signifie que l’âge légal actuel va être présenté demain comme une sorte de « privilège ».

Quant à l’affaire des 1 200 euros (revalorisation des minima), elle va se trouver financée par deux voies.

Un, une contribution des entreprises d’environ 1 Md d’euros qui sera compensée, à due concurrence, par une réduction de la contribution due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ou comment l’on branche des tuyaux imprévus entre les branches de la Sécurité Sociale…

L’autre affaire, c’est la hausse de la cotisation CNRACL, c’est à dire le régime de retraite des agents des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers.

Cela fait pas loin de 40 ans que cette Caisse de retraite est « mise à toutes les sauces » pour prendre en charge une partie de la politique sociale du pays, au-delà de sa mission naturelle, c’est à dire solder les pensions des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

La Caisse est un organisme où le ratio démographique est encore nettement positif (on se situe à deux cotisants pour un retraité) qui encaisse près de 23 Mds d’euros de cotisations et verse 22,8 Mds d’euros en prestations.

Elle se retrouve en déficit parce qu’elle est particulièrement sollicitée au titre de la compensation démographique inter régimes où elle a laissé, en 2021, 959 millions d’euros, après 1,25 Md l’année d’avant.

La hausse prévue de la cotisation employeur de la CNRACL n’a donc comme raison d’être que de permettre à l’État de se défausser sur les collectivités locales du financement des minima de pension.

Avec l’article 7, nous entrons enfin dans le vif du sujet avec la disposition prévoyant le recul de l’âge de la retraite à soixante quatre ans et l’accélération du passage aux quarante trois annuités.

Le principe est si simple qu’il faut ensuite vingt cinq paragraphes et cent soixante deux alinéas pour tirer les conséquences, dans un certain nombre de professions (et notamment les catégories actives de la Fonction Publique), de la modification des règles du jeu.

Je fais observer ici que le recul de l’âge de la retraite emporte, entre autres effets, un rétrécissement du délai entre âge légal d’ouverture des droits (AOD) et âge de mise en retraite d’office et/ou d’annulation de la décote.

Ce qui veut dire que, tendanciellement, les comptes de l’assurance vieillesse vont s’améliorer par une augmentation du montant des décotes sur pensions et une réduction du montant des surcotes.

Une sorte « d’effet ciseau » ou de supplice chinois assurant la réduction de la pension moyenne en valeur relative de remplacement des revenus d’activité.

L’autre effet systémique, c’est évidemment, l’amélioration du rapport années cotisées/années de perception de la pension.

Ou comment la réforme joue une partie de son équilibre sur les tables de létalité…

L’article 8 porte sur la question de la retraite anticipée des personnes handicapées, invalides du travail et autres catégories d’assurés souffrant de problèmes de santé récurrents.

L’article crée un droit à la retraite anticipée qui n’est que le maintien de l’âge de soixante deux ans pour faire jouer son droit à pension.

La grande avancée sociale de l’article est donc de porter de l’âge de 60 ans à celui de 62 ans le droit à retraite anticipée.

Un bel exemple de justice et d’équité, non ?

L’article 9 concerne la question de l’usure professionnelle.

Outre qu’il crée un fonds de prévention de l’usure professionnelle, et prévoit un certain nombre de mesures pour le suivi longitudinal des salariés exposés à des risques patents de pénibilité et d’usure, le tout passant entre autres par des accords dont les stipulations seront assez largement dépendantes de l’état des rapports de forces dans certaines professions, l’article vise, manifestement, à éviter autant que faire se peut la sollicitation de la branche AT – MP.

Branche la plus pénalisante et la plus révélatrice des pratiques du patronat…

Accessoirement, pour ceux qui auraient oublié de lire leur fiche de paie, il n’y a pas de « part ouvrière » dans les cotisations AT MP.

L’article 10 se préoccupe de la solidarité entre les régimes de retraite et notamment des moyens de financer le minimum contribution et le « rattrapage » des petites pensions.

La mesure passe entre autres par une réaffectation d’une partie du produit des accises sur les alcools au profit, si l’on peut dire, de la retraite agricole de base des exploitants.

Un même type de mesure est prévu pour le régime général, l’objectif étant de mener les pensions minimales à 85 % du SMIC, c’est à dire environ 1 200 euros.

L’article 11 ouvre droit à validation des périodes d’insertion professionnelle d’un certain nombre de personnes ayant connu, dans le courant des années 80, dans le cadre des politiques publiques de formation professionnelle.

Le présent article porte sur cinq dispositifs de stage de la formation professionnelle : les travaux d’utilité collective (TUC), les stages pratiqués en entreprise du plan Barre (1977-1988), les stages « jeunes volontaires » (1982-1987), les stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) et les programmes d’insertion locale (1987-1990). Près de 1,7 million d’assurés ont participé à un contrat TUC entre 1984 et 1990 et près de 1,15 million de personnes ont intégré les quatre autres dispositifs entre 1977 et 1992.

La reconnaissance, même un peu tardive, de ces stages est une bonne mesure mais d’un coût limité et ne risque en fait que de compléter une carrière où il manquerait quelques trimestres.

L’article 12 porte sur la question des aidants.

Il vise, dans un premier temps, à modifier la répartition des ressources fiscalisées de la Sécurité Sociale en faisant glisser quelques éléments de la taxe sur les salaires dédiée à la branche famille vers la branche autonomie.

C’est à dire que la prise en compte du rôle des aidants dans le calcul des pensions et retraites se fera à coût constant, puisque le succès potentiel de la mesure sera probablement gagé, à l’avenir, sur une nouvelle répartition du produit de la taxe sur les salaires.

Et, accessoirement, sur la réduction du crédit d’impôt « emplois à domicile ».

Avec l’article 13, nous sommes au bout des articles « novateurs «  du projet de loi, avec une série de mesures favorisant la transition entre emploi et retraite.

Il s’agit de donner des droits nouveaux aux personnes cumulant emploi et retraite (500 000 aujourd’hui), une situation que la dégradation du taux de remplacement des pensions, induite par le texte, risque de généraliser.

Et, ensuite, de favoriser le développement de la retraite progressive.

On rappellera à ce sujet que des dispositifs de cessation progressive d’activité ont existé, dans le passé, notamment dans la fonction publique et que leur suppression a, manifestement, pesé sur l’évolution de la pyramide des âges dans le secteur public…

Il me semble cependant qu’un tour de négociation collective sur les fins de carrière serait assez bienvenu, plutôt que le bricolage circonstancié prévu par le projet de loi.

Avec les articles 14 à 20, nous voici face aux articles prévoyant les premières conséquences financières de la réforme.

L’article 14 relève ainsi le budget de l’assurance maladie de 100 millions en dépenses, du fait de la prise en compte de « l’usure professionnelle ».

L’article 15 consacre un ONDAM en baisse sur 2022, du fait du moindre impact de la crise sanitaire.

L’article 16 maintient le budget AT MP au niveau voté en loi de financement.

L’article 17 consacre le budget prévisionnel de la caisse nationale d’allocations familiales (55,3 Mds de dépenses prévues) avec une hausse assez sensible, la part des transferts avec l’assurance vieillesse étant loin d’être secondaire pour ce qui concerne les majorations pour enfants ou encore la prise en charge APVF.

L’article 18 consacre l’inscription d’un total de 37,5 Mds au budget d’une branche autonomie qui n’est pas encore parfaitement équilibrée, quelques années après sa création.

L’article 19 précise la charge laissée au compte du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), instrument qui se préoccupe entre autres de solder l’équivalent des cotisations des chômeurs.

La situation du Fonds appelle quelques remarques.

Le Fonds semble revenu à une situation excédentaire en 2022.

Chargé en effet de financer les cotisations théoriques liées au chômage, à la formation, à la maladie et une partie du minimum vieillesse, il a été particulièrement alimenté cette année par la CSG sur les produits de placement et du patrimoine, signe de l’indécence des marchés financiers.

Ainsi, la CSG revenus du capital est passée de 17,9 à 19,5 Mds d’euros…

Le Fonds, dont la dette a été « consolidée «  au passif de la CADES, devrait donc présenter une position de report à nouveau positif, situation inconnue depuis 2001.

Peut être de quoi trouver le financement de nouvelles prestations ou de cotisations fictives ?

Enfin l’article 20 consacre la hausse de 400 millions du budget de l’assurance vieillesse, conséquence du projet de loi.

Mais cela ne durera pas…

(la suite au prochain numéro)

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RETRAITE, contes et mécomptes

RETRAITE : CONTES ET MECOMPTES DE LA REFORME

Dans le projet rétrograde avancé de réforme des retraites que vient de présenter la Première Ministre, l’un des arguments les plus utilisés est celui, usé jusqu’à la corde, de la situation financière de l’assurance vieillesse, qui serait soumise à de sombres prévisions sous le double effet de la raréfaction des actifs et de l’accroissement du nombre de retraités.

On peut d’ailleurs en être d’autant plus surpris que, par le biais de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement se faisait fort, dans les années à venir, de parvenir au “plein emploi”, situation qui ne peut que conduire à l’amélioration de la situation financière des différents organismes sociaux, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse comme de l’assurance maladie ou des prestations familiales.

Ceci dit, le juge de paix, en matière de comptes sociaux, cela demeure le rapport annuel sur les comptes sociaux publié par l’ACOSS, un document disponible par voie électronique mais ne présentant pas le caractère d’une littérature de Franche rigolade.

Que nous dit il sur la caisse nationale d’assurance vieillesse?

(Attention, les chiffres vont suivre. Ils ne concernent que le régime général ici, le régime des fonctionnaires s’équilibrant par lui-même dans le cadre d’une autorisation budgétaire)

Pour ce qui concerne les dernières années, constatées ou probables en termes de comptes, cela donne

2019 : dépenses 137 125 millions d’euros

recettes 135 717 millions d’euros

Déficit – 1 408 millions d’euros (environ 1 %)

2020 : dépenses 139 642 millions d’euros

recettes 135 913 millions d’euros

Déficit – 3 729 millions d’euros (environ 3 %). 2020, c’est l’année COVID

2021 : dépenses 143 903 millions d’euros

recettes 142 799 millions d’euros

Déficit – 1 104 millions d’euros (environ 0,7 à 0,8 %)

2022 : dépenses 150 750 millions d’euros

recettes 148 936 millions d’euros

Déficit – 1 814 millions d’euros (environ 1,2 %)

2023 : dépenses 158 446 millions d’euros

recettes 156 128 millions d’euros

Déficit – 2 318 millions d’euros (environ 1,5 %)

Nous avons donc, constaté ou prévu, un déficit global de 10 373 millions d’euros du régime général d’assurance vieillesse.

Pour plus de 700 Mds d’euros de prestations servies qui ne représentent pour autant qu’une partie des retraites et pensions, puisque l’assiette fiscale de ces revenus est située entre 335 et 350 Mds d’euros par an.

Pour prendre une image rapide, on pourrait dire que la CNAV a des fins de mois difficiles et termine, en général, l’année avec un petit découvert bancaire.

Dans l’absolu, d’ailleurs, on pourrait imputer à la CADES ces cinq années de déficit et résoudre l’affaire avec un point de CSG ou un an de CRDS, sans avoir à réformer les retraites.

Mais le document de l’ACOSS recèle d’autres surprises.

Regardons en particulier la partie du rapport relative aux recettes et notamment les mesures destinées à créer des moins – values de recettes comme les allégements de cotisations sociales (ristourne sur les bas salaires, pérennisation du CICE par exemple, allégements dits ciblés, etc…)

Justement, dans ce cadre, il existe une catégorie d’exonérations qui, contrairement à la lettre du code de la Sécurité Sociale, ne font pas l’objet d’une compensation quelconque et fonctionnent donc, pour la CNAV, “à fonds perdus”.

Ces mesures privent également les travailleurs et travailleuses concerné-e-s du moindre droit.

Puisque pas de cotisation, pas de validation.

Passons en revue le coût de ces mesures.

2019 : 1 838 millions d’euros

2020 : 1 717 millions d’euros

2021 : 2 039 millions d’euros

2022 : 2 339 millions d’euros

2023 : 2 468 millions d’euros.

L’ensemble de ces mesures, qui font participer la CNAV, à son corps défendant, aux politiques publiques de l’emploi, présente donc un coût cumulé, sur la période sous revue, de 10 401 millions d’euros.

Soit un total légèrement supérieur (de 28 millions d’euros) au cumul des déficits.

Et encore ai-je laissé de côté les abandons de créances pour non recouvrement (ou retards de paiement autorisés).

Ainsi, en 2020, fameuse année du “quoi qu’il en coûte”, la CNAV a accepté d’encaisser plus tard 2,8 Mds d’euros de cotisations, soit plus de 70 % du déficit de cette année – là.

What else ?

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RETRAITE

RETRAITE : PAS DE TOTEM NI DE TABOU, JUSTE LA TORTURE

On pourrait croire que le débat sur la « réforme des retraites » est somme toute urbain et presque anodin puisque, avec l’objectif d’attirer à soi une partie du mouvement syndical, le Gouvernement a feint de produire quelques avancées sur le sens donné au texte prochainement présenté au Parlement et devant l’opinion séduite et médusée.

A ce stade du débat, rappelons – nous où nous en sommes rendus, au fil des précédentes réformes qui ont, toutes, veillé à « sauvegarder le régime de retraites auxquels nous sommes tous attachés » et qui se sont toutes attachées, finalement, à accroître durée de cotisation et décroître niveau de pensions et de vie.

Oh, attention, les impressions sont souvent trompeuses.

Parce qu’en réalité, quoiqu’on en dise, le niveau des retraites et pensions a constamment progressé depuis la création de la Caisse Nationale d’assurance vieillesse, dans la France de la Libération où tout était à reconstruire, et où le fait de lutter contre la pauvreté des « vieux » a participé au redressement économique et social du pays.

Oui, les retraités de 2023 sont moins pauvres que ceux de 1970, eux mêmes moins pauvres que ceux de 1956 (quand on a créé le minimum vieillesse) et moins pauvres de ceux de 1945.

Oui, ils sont moins pauvres, mais si Balladur n’était pas passé par là, ils seraient assez nettement plus riches…

Au fait qu’un certain nombre de retraités (et notamment des retraitées) vivent encore sous le seuil de pauvreté, s’ajoute désormais le développement d’une masse croissante de salariés sous payés, ce qui pose le problème du financement des retraites d’aujourd’hui (si la base de financement est étroite, comment trouver les recettes?) et, surtout, de la consistance des droits futurs.

Quant les salariés les plus modestes de ce pays tournent en dessous de 17 000 euros annuels de revenus fiscaux, quelle retraite peuvent ils escompter ?

Bon, où en sommes nous ?

Age légal de départ en retraite : 62 ans (réforme Touraine, merci Hollande)

Durée de cotisation pour retraite à taux plein ; 43 ans au terme de la réforme Touraine, mouvement engagé sous Balladur et confirmé par la réforme Fillon de 2003.

(Aparté : il faudra un jour faire le procès de François Fillon dans son action publique. Voilà tout de même un zigue qui a cassé le service public des télécommunications, entrepris la première démolition de la SNCF, attaqué les retraites solidaires, promu la capitalisation et conclu son action, entre autres, par des attaques fondamentales contre le service public de l’éducation, avec son directeur de cabinet, un certain Jean Michel Blanquer avant de couvrir, comme Premier Ministre, la « sociétisation » de la Poste et l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité dont nous constatons ces temps ci les effets ravageurs).

Modalités de calcul de la pension ; les vingt cinq meilleures années et la désindexation des pensions et retraites sur l’inflation (c’est à dire la perte de pouvoir d’achat programmée pour ces revenus), c’est Balladur 1993.

Même si l’affaire peut paraître ancienne, c’est cette réforme qui s’est avérée la plus meurtrière pour la situation sociale et économique des retraités, nonobstant ce que nous avons déjà dit.

Malgré ces embâcles encombrant le fleuve des retraites, ce qui a constitué l’amélioration du niveau global du revenu des retraités et pensionnés, c’est qu’ils ont présenté, pour un certain nombre, et même un nombre certain, des carrières complètes, parfois même des surcotes, avec relativement peu d’accidents de parcours et une promotion sociale globale.

Ce sont les fameux enfants du baby boom entamé durant les dernières années de la Seconde Guerre Mondiale et largement amplifié après la Libération, quand notre pays pouvait encore vivre d’espoir…

Les conventions collectives, le statut de la Fonction Publique, les garanties du droit du travail ont, de manière générale, sécurisé les parcours professionnels (même si du point de vue hommes/femmes, il y avait et il y a encore de la marge) et permis l’atteinte des objectifs généraux du projet d’Ambroise Croizat, visant à faire de la retraite « une nouvelle étape de la vie » et non « l ‘antichambre de la mort ».

On aura remarqué que les atteintes au régime solidaire de retraite vont de pair, depuis une bonne trentaine d’années, avec les attaques menées contre les garanties collectives des travailleurs et travailleuses au quotidien de leur activité.

La mortifère (du point de vue du statut) loi de Montchalin sur la fonction publique, avec sa facilitation forcenée au recrutement de contractuels, de vacataires et de non titulaires divers en est l’une des illustrations les plus éclatantes dans la dernière période.

Elle réduit en effet les êtres vivants, les acteurs du service public, à ne plus être que des chiffres, éléments de l’enveloppe budgétaire octroyée à leur service et/ou leur administration.

L’état de notre Education Nationale en témoigne.

Ceci posé, où en est on pour l’actualité, maintenant qu’Elisabeth Borne, trop bonne, nous a indiqué que le recul de l’âge de départ n’était pas « un totem ».

Sauf que, si j’ai bien suivi, faudra quand même faire entre 42 et 43 ans, d’ici 2030 (année où les effets du baby boom de la Libération sont censés commencer à s’effacer), de cotisation pour partir en retraite à taux plein.

Si on fait 62 ans – 42 ans, on se retrouve avec un début de carrière à 20 ans et même 19 ans pour la dernière génération frappée.

Bon, ne cherchez pas, sauf exceptions et notamment parce que ça couine du côté de la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers, vous pouvez oublier la retraite à 62 ans.

Surtout si vous avez eu l’idée stupide de faire des études, sans passer par la voie de l’apprentissage et de l’alternance, ou sans prendre le temps de vous inscrire à Pôle Emploi, histoire de valider quelques trimestres, même sans gagner le moindre salaire…

Bref, la Première Ministre ne fait rien qu’à habiller d’inacceptable ce qui est une remise en question du droit à pension.

Et tout cela, pourquoi ?

Pour le plaisir de nous faire marner deux trois ans au delà de l’âge légal de liquidation des pensions ?

Nous faire participer au redressement de comptes d’une assurance vieillesse qui n’est d’ailleurs pas vraiment en déficit ?

Non, juste parce qu’il s’agit de maintenir la rentabilité du capital, parce que celle ci exige que les dépenses de retraite soient plafonnées à 14 % du PIB, pour laisser le reste aux actionnaires, autant que possible.

Revenus ou profits, c’est l’enjeu.

Comme souvent.