RETRAITE. Cotisations sociales

COTISATIONS SOCIALES, POUR LES SALARIES, LA DOUBLE PEINE

Le débat engagé dans l’ensemble du pays au sujet de la réforme des
retraites glisse peu à peu, et c’est tout à fait naturel, vers la question du
financement du régime et notamment les alternatives au choix opéré par le gouvernement de se contenter d’allonger la durée d’affiliation des salariés (et de raccourcir d’autant celle de perception de la pension, faisant un pari économique sur la létalité ?)

Le cadre du projet de loi est fixé.
On cotisera bientôt 43 ans au lieu de 42, et les retraites continueront
d’être indexées sur les prix et calculées, pour le régime général, sur les
vingt cinq meilleures années, ce qui conduira naturellement à la réduction du taux de remplacement des pensions et retraites au regard du dernier salaire perçu.

Cette règle, fixée par la réforme Balladur de 1993 (celle ci avait été
votée dans la masse des lois défendues pendant l’été par le Gouvernement de « l’ami de trente ans » de Chirac) est l’un des éléments clé de la situation d’aujourd’hui.

Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, ce sont quatre points de
PIB (c’est à dire qu’aujourd’hui, plus ou moins 100 Mds d’euros qui ne sont pas consacrés aux retraites) que l’on ne retrouve pas dans les comptes sociaux…

100 Mds d’euros, cela représente près de 30 % de perte de pouvoir
d’achat pour les 18 millions de retraités de notre pays.

On pourra ajouter, au tableau de la réforme Borne Dussopt Véran, la
« modération salariale » difficile à maintenir dans le secteur privé de plus
en plus secoué par l’annonce de résultats financiers très favorables de nos grands groupes, mais néanmoins encouragée par une gestion des
rémunérations publiques qui a littéralement constitutionnalisé le gel du
point d’indice et pratique de plus en plus intensivement la précarité de
l’emploi, le recours aux contractuels et, de fait, l’absence de déroulement
de carrière.

L’un des problèmes de la Sécurité Sociale, ceci posé, est bien celui du
statut accordé aux cotisations sociales, prélevées dans l’entreprise sur la
richesse créée (biens produits ou services rendus) et basées sur les salaires.

Ce problème affecte sensiblement moins l’assurance vieillesse que les
autres, ainsi que nous avions pu le pointer lors de l’analyse de la fiscalité
(dont les cotisations sociales ne sont qu’une sorte de cousines) et
notamment de la contribution sociale généralisée.
Tout simplement, parce que la CSG finance l’assurance maladie, les
allocations familiales, quasi exclusivement la nouvelle branche autonomie mais aussi, depuis assez peu, la dette sociale (en sus de la CRDS) et, plus étonnant, l’UNEDIC, confronté à une dette conséquente, issue de lapériode Covid.

Mais on relèvera cependant que cette utilisation de la Contribution
Sociale Généralisée a remplacé la cotisation maladie résiduelle sur la part dite « salariale », une bonne partie des cotisations famille et la cotisation chômage sur la toujours dite « part salariale ».

Notre bulletin de paie laisse d’ailleurs apparaître le montant que nous
devons, en termes de salaire net, à la disparition de ces cotisations sociales maladie et chômage.

Ce tour de passe passe, qui assure la persistance du taux de la CSG
au niveau actuel (9,2%), nous a permis de bénéficier d’une réforme
imposée de l’assurance chômage, d’une réduction des allocations logement et du développement de la crise des urgences à l’hôpital et des déserts médicaux en médecine de ville…

Toujours est il que l’assurance vieillesse est le seul champ de la
Sécurité Sociale à ne pas être financé de manière importante par la CSG et d’être ainsi, de fait, le plus proche de la Sécurité Sociale d’origine, financée par la voie de cotisations.

Dire qu’il s’agit là d’une des raisons profondes de cette insistance du
Gouvernement à réformer notre régime de retraite me semble assez
évident.

Et que ce n’est sans doute pas pour rien que l’ensemble des
partenaires sociaux de la « partie patronale » (MEDEF, CPME, U2P) est
favorable au texte actuellement en discussion.

Parce que si les « charges sociales «  (traduction de cotisations) sont
lourdes à payer pour les entreprises, il n’en est pas de même lorsqu’elles
sont supprimées et remplacées par des compensations fiscales…
Les exonérations sociales sont, depuis une trentaine d’années, un des
éléments des politiques publiques.

Mais les dernières années ont connu une très sensible accélération du
processus, notamment avec la transformation du Crédit d’impôt
Compétitivité Emploi (CICE) en allégement pérenne de cotisations
sociales.

En 2016, on comptait rien moins que 37,3 Mds d’euros
d’exonérations sociales dans les comptes de l’Etat (compensées par
affectation de produits fiscaux tels une part de la TVA) dont 3,7 Mds
restaient en pertes de recettes sociales.

Le basculement du CICE en allégement de cotisations a porté en
2022 le total des exonérations à 78,8 Mds d’euros dont 2,6 Mds non
compensés.

Ce sont donc plus de 75 Mds d’euros qui sont ainsi mobilisés, au sein
des ressources fiscales, pour compenser le « cadeau «  ainsi fait aux
entreprises.

Comme nous l’avons indiqué, c’est la TVA qui est le principal produit
fiscal qui est sollicité, pour plus de 60 Mds d’euros au total.
La TVA prend notamment à sa charge l’allégement général sur les bas
salaires (34,9 Mds d’euros pour 2022) et la bascule CICE/allègement
pérenne (22,9 Mds d’euros, finançant en totalité l’assurance maladie).

On notera aussi que le régime social des indépendants, que Macron a
finalement décidé « d’aligner «  et « d’adosser » au régime général, après sa véritable explosion liée au développement des auto entrepreneurs, a généré 1,8 Md d’euros d’allégements de cotisations.
Que provoque ce processus ?

Pour les salariés, c’est la double peine.
Les cotisations sociales constituent en effet, qu’on le veuille ou non,
un élément de rémunération du travail.
Quand elles sont « exonérées », c’est donc une partie du salaire qui
n’est pas payée.
Et la compensation, que ce soit par la TVA, les droits sur l’alcool ou
ceux sur le tabac, étant fondée d’abord et avant tout par affectation d’un
impôt de consommation, est de fait payée par les mêmes…

On n’a pas vraiment mesuré, jusqu’ici, les conséquences de ces
politiques d’allégement du « coût du travail », au delà de la considération
générique qui voudrait que la part des salaires dans la richesse créée par le travail ait baissé.
Car ce qui pèse, à mon avis, dans cette affaire, c’est que les
allégements de cotisations participent à l’attrition et la diminution
« systémique » des ressources de la Sécurité Sociale, et singulièrement de l’assurance vieillesse par contagion de la pratique des bas salaires, sans reconnaissance réelle des niveaux de qualification entre autres méfaits.

Les métiers dits en tension sont, de ce point de vue, le témoignage de
la rupture entre une logique d’allégements dépassés et une aspiration
nouvelle, de plus en plus développée, pour une activité professionnelle
digne, respectueuse du salarié et logiquement mieux rémunérée.

Toujours est il que trouver sans trop d’efforts des ressources
nouvelles pour la Sécurité Sociale passe clairement par la mise en cause de ces politiques d’exonérations sociales coûteuses et socialement nuisibles.

De plus, l’affectation de taxes comme la TVA au financement de la
Sécurité Sociale constitue un obstacle majeur à toute réduction éventuelle de son taux normal…

Ou au maintien de certains taux réduits…
C’est à dire d’une atteinte au pouvoir d’achat.
Vous avez envie, vous aussi, d’une TVA à 25 % et d’une CSG se
rapprochant de 15 %

RETRAITE

LES INVISIBLES, LA SUITE

Parmi les découvertes de ce conflit social majeur provoqué par
l’annonce de la réforme des retraites, figure au plus haut point la véritable
révélation de la présence massive des femmes dans la vie économique et
sociale des entreprises et de fait, du pays.
Le lycéen des années soixante dix l’apprenait, ne serait ce qu’au
contact d’un corps professoral de plus en plus féminisé (en 2019, plus de
70 % des enseignants sont des femmes, dont près de 84 % dans le premier
degré de l’enseignement public), mais cette place des femmes dans
l’activité économique est devenue décisive, se rapprochant de plus en plus
de celle des hommes, et contestant à juste titre sa primauté.
Ce n’est pas par hasard ni pour rien que se posent les questions de
l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, ni celles de la
promotion des travailleuses salariées dans les hiérarchies et les fonctions.
Cette situation a évidemment trouvé une illustration dans la situation
des retraites, avec une évolution que même le COR, dans ses touffus
rapports, ne peut qu’attester.
Ainsi, une retraitée née en 1940 disposait d’une pension représentant
60 % d’une pension attribuée à un retraité né la même année.
Pour la génération 1953, et donc âgée de 67 ans en 2020, la pension
d’une retraitée se situe à 63 % de celle d’un homme de la même génération.
Le mouvement est d’ailleurs continu et devrait, en l’état actuel des
choses, conduire, à horizon 2070 (pour une bonne part, nous ne le verrions
donc pas), à ce que la retraite d’une femme représentera 92 ou 93 % de
celle d’un homme.
Le fait qu’il demeurât, alors, tendanciellement, un « gap » entre
salaires féminins et salaires masculins montre, de mon point de vue, la
tâche qui incombe aux salarié(e)s d’aujourd’hui pour une véritable
pratique de la non discrimination.
Les sources de l’évolution sont connues et identifiées.

Il s’agit essentiellement de la progression de l’emploi féminin (nous
venons de le voir avec le mouvement de la fonction publique), et de la
progression d’un emploi de plus en plus « longue durée », même si les
carrières ne sont pas toutes linéaires.
A preuve, le fait que le COR constate désormais que les carrières
accomplies par les femmes sont d’une durée très proche de celle des
hommes, atteignant en effet plus de 39 ans désormais pour une moyenne
de 39,6 ans.
Au delà de cette moyenne, la tendance de long terme est
l’accroissement de la durée d’assurance des femmes et leur « égalité «  de
fait avec la situation des hommes.
Le COR, lui même, annonce tranquillement qu’à partir des natifs de
1970 (qui commenceront à partir en retraite dans les années 2030), les
durées d’assurance seront les mêmes…
Tout simplement parce que le taux d’activité féminin continue de
monter et rattrape celui des hommes.
Mais ce qui fait obstacle à l’égalité réelle, c’est, évidemment, le
niveau des salaires et la question de la position des femmes dans l’échelle
hiérarchique.
En témoigne une administration féminisée comme l’Education
Nationale (les personnels non enseignants sont encore plus féminins que
les personnels enseignants) où seulement 42 % des postes de direction
d’administration centrale ou déconcentrés sont attribués à des femmes.
De fait, la différence persistante entre salaires féminins et salaires
masculins tient, dans le secteur public comme dans le secteur privé, à cette
incapacité des dirigeants publics ou privés de confier à des femmes
certains postes dits à responsabilité.
Comme la carrière est déterminante pour fixer le montant de la
pension et/ou de la retraite, on mesure que la lutte est encore nécessaire
pour réduire aussi les 4 à 500 euros d’écart mensuel qui demeurent entre

emploi masculin et emploi féminin.
Un autre facteur aggravant de la situation réside bien entendu dans le
travail à temps partiel, qui frappe bien plus les femmes que les hommes
dans ce pays puisqu’il concerne près de 4,2 millions de salariés, et donc
essentiellement des salariées.
En l’espèce, il s’agit même de 3,26 millions de femmes et d’un peu
moins d’un million d’hommes
Assez peu choisi et souvent imposé (notamment dans les secteurs du
commerce, des services et de la restauration), le travail à temps partiel
frappe donc près de 30 % des femmes (28,1 % en 2021 selon la DARES),
mais moins de 10 % des hommes (7,6%).
Le travail à temps partiel frappe notamment les seniors en fin de
carrière professionnelle qui décident ainsi, d’une certaine manière, de
terminer « en roue libre » avant la retraite.
Mais il est sans doute abusivement pratiqué pour les jeunes (26,7 %
pour les moins de 24 ans, ce qui fait litière de l’autosatisfecit officiel sur
l’emploi des jeunes) et les salarié(e)s embauché(e)s sous statut
« d’employé » (près de 32%).
Et comme le souligne le Ministère du Travail, au vu de leurs
conditions d’emploi, on peut distinguer trois types d’emplois à temps
partiel.
30 % des emplois à temps partiel, dits « courts », cumulent des
facteurs de précarité. Ces emplois sont caractérisés par des durées de
travail hebdomadaires réduites (souvent inférieures à 15 heures) et
davantage de contrats à durée limitée (contrat à durée déterminée, intérim
ou saisonnier).
29 % des temps partiels sont « atypiques », occupés par des salariés
travaillant plus souvent le samedi, le dimanche, le soir ou encore la nuit de
manière régulière.
Enfin, 41 % des emplois à temps partiel peuvent être qualifiés de
« stables ». Ces emplois sont en contrat à durée indéterminée, ont des
durées hebdomadaires de travail majoritairement supérieures à 24 heures

et s’exercent peu en horaires atypiques.
Toujours est il que le travail à temps partiel est une mine de cadeaux
fiscaux et sociaux pour les entreprises, qui allie faible pression sur la
masse salariale et productivité exacerbée…
Comme quoi, à parler retraite, on finit toujours par parler travail…

RETRAITE, des questions se posent…

REFORME DES RETRAITES : DES QUESTIONS QUI SE POSENT

Après notre analyse du texte du projet de loi, quelques questions se posent et appellent éclaircissements…

La France n’est – elle pas, en Europe, l’un des pays où l’âge d’ouverture des droits (AOD) à retraite ou pension est le plus faible ?

Avec un âge légal de liquidation de 62 ans (AOD), la France se situe en effet, en apparence, dans le groupe des pays de retraite possible précoce.

Mais la précocité ne doit pas faire oublier que le fait de solliciter la liquidation pose notamment la question de la perception de la retraite complémentaire, alors dépendante de la durée d’assurance.

On sait que cette distinction entre âge légal et durée d’assurance est précisément le motif qui pousse nombre de personnes à prolonger leur carrière…

Des pays voisins de la France ont engagé des réformes de leur système de retraite, toutes allant d’ailleurs dans le sens d’un recul de l’âge d’ouverture des droits et d’un accroissement, parfois, de la durée d’assurance nécessaire.

En Allemagne, nous sommes en route pour les 67 ans à l’horizon 2031, le pays étant marqué par le vieillissement de sa population (AOD actuel 65 ans et 10 mois)

En Belgique, les salariés vont passer de 65 ans à 66 ans en février 2025 et 67 dès février 2030.

A noter cependant que si la durée d’assurance peut atteindre 45 ans dans le royaume fédéral, la retraite anticipée est possible à 60 ans (et 44 ans de carrière), 61 ou 62 ans (pour 43 ans de carrière) et 63 ans (pour 42 ans de carrière).

En Espagne, l’AOD est de 65 ans, mais la durée d’affiliation requise est de … 37,5 annuités !

Ce qui doit résoudre sans doute une bonne partie des problèmes liés aux carrières accomplies par les femmes…

Aux Pays Bas, l’AOD augmente à raison de l’espérance de vie.

Ainsi, un assuré social né le 30 décembre 1964 sera autorisé à liquider sa pension de base à compter du 30 juin 2032 (67 ans et 6 mois) tandis qu’un assuré né le 3 janvier 1970 devra attendre le 3 octobre 2037 ( 67 ans et 9 mois).

En Suède et en Norvège, l’âge requis se situe toujours à 62 ans, mais la pension est moindre que si l’on décide de partir plus tard.

Dans le cas de la Norvège, l’existence du Fonds de pension national (Folketrygdfondet,) fondé sur les revenus du pétrole de la Mer du Nord change évidemment les données et permet de garantir les pensions de base dont le montant progresse entre 62 et 67 ans, véritable âge pivot du système local.

En fait, seule la Grèce, avec une retraite possible à 62 ans et 40 années d’assurance accomplies, voire par anticipation en cas d’exposition à des travaux pénibles ou insalubres, semble plus “favorable”

Quelle place est faite aux femmes, souvent contraintes de travailler au-delà de l’AOD en France pour ne pas souffrir de décote, dans les autres pays d’Europe ?

L’Union Européenne semble avoir une étrange conception de l’égalité, consistant en fait à réduire les “avantages” jusqu’ici accordés aux femmes.

Ainsi, dans plusieurs pays, elles bénéficiaient d’un AOD différent de celui des hommes.

Ce qui s’accompagnait bien souvent de durées d’assurance plus courtes.

Aujourd’hui, les réformes en cours reculent l’AOD des femmes plus vite encore que celui des hommes, notamment en Autriche (où tout le monde sera bientôt soumis à l’AOD des hommes à 65 ans), mais surtout dans les anciens pays de l’Est où cette différenciation était la règle commune (Bulgarie, Croatie, Lituanie, Tchéquie, Roumanie).

L’Europe et donc l’adhésion aux canons économiques libéraux se traduit par le recul des garanties sociales des peuples de ces pays…

Les régimes de base y sont souvent flanqués d’un système par capitalisation…

Quel problème pose l’allongement de la durée d’assurance associée à la présente réforme ?

Elle situe la France au sein des pays exigeant la plus longue durée d’affiliation au régime de base ou général de l’assurance vieillesse, puisque les autres pays, malgré des AOD parfois plus tardifs, présentent des durées parfois sensiblement plus courtes.

Ainsi, en Tchéquie (pays à la démographie dégradée, au faible taux de chômage, dont l’économie vaut environ le dixième de celle de la France), les mères de famille qui peuvent “gagner”jusqu’à trois ans de versement de leur retraite par anticipation (huit mois pour le premier enfant puis un an à compter du deuxième) n’ont à justifier que de 35 ans d’assurance.

Nous avons vu plus haut ce qu’il en était en Espagne, vu que le pays est pour l’heure sur la base de 37,5 annuités.

Même dans un pays aussi peu riche que la Bulgarie (le PIB par habitant y représentant environ 30 % du PIB français et la production annuelle environ deux semaines de production française), la durée d’affiliation nécessaire sera, en 2027, de 37 ans pour les femmes et de 40 ans pour les hommes.

Qu’en est – il pour le rachat d’annuités ?

Des dispositifs de cette nature existent dans le droit social français mais leur coût demeure élevé, puisque différence est faite entre rachat destiné à la simple validation de trimestres manquants et rachat également dévolu à l’amélioration du montant de la pension ou de la retraite.

C’est notamment vrai pour les années d’étude qui sont, de notre point de vue, au cœur du débat sur les retraites du futur, eu égard à la hausse constante du nombre de jeunes engagés dans un parcours de formation et notamment en milieu universitaire.

L’Allemagne fédérale reconnaît les années d’études (ce qui relativise la question de l’AOD), même si le corollaire de cette situation vient de la faiblesse relative des pensions fédérales qui ne sont pas financées sur les mêmes bases que les retraites françaises.

Le droit social français, avec l’existence du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), dispose peut – être de l’outil permettant la prise en compte des années d’études.

Ce Fonds qui intervient déjà au regard des périodes de chômage, vient de retrouver la voie des excédents de trésorerie.

IL faut dire qu’il est surtout financé par l’affectation de la CSG sur les revenus de placement et du patrimoine, qui a beaucoup progressé ces derniers temps, signe que tout ne va pas si mal en France…

Les retraités seront-ils ou non mis à contribution pour “financer “ la réforme en cours ?

Oui, c’est déjà le cas.

Et la situation ne vient pas forcément de l’application de la CSG sur les pensions et retraites.

Mais plus insidieusement, de l’ensemble des mesures contenues dans les lois votées sur le sujet depuis 1993 et notamment la désindexation entre niveau des pensions et retraites et évolution des salaires et simple référencement à l’évolution des prix.

Cette règle, qui n’a d’ailleurs même pas été respectée, est limpide.

Une fois fixé le niveau de la pension lors de sa liquidation, elle se trouve bloquée, de fait, au “pouvoir d’achat” à la date n et dérive donc, peu à peu, de un à deux points par an par rapport aux salaires.

Selon la DREES, le taux de remplacement (pension/salaire) est passé de 79,2 % pour un retraité à carrière complète né en 1938 à un taux de 74,7 % pour un retraité né en 1950.

Le taux de remplacement des retraités à venir sera plus mauvais encore, notamment dans le secteur public où se fait et fera ressentir l’effet de plusieurs années de gel du point d’indice.

Dans le privé, le relèvement continu et poursuivi du nombre des retraités à carrière complète contrebalance le mouvement inexorable de réduction du niveau de vie relatif des pensionnés et retraités.

Cette dégradation devrait d’ailleurs s’accroître avec le recul de l’AOD et le rétrécissement entre celui-ci et l’âge de suppression de la décote.

Et donc de la réduction des surcotes et de la progression des décotes…

Implicitement, l’encouragement qu’apporte l’article 13 du projet de loi au développement du cumul emploi retraite est le signe qui confirme l’intention profonde du Gouvernement.

A la fois, “cristalliser” le volume des retraites solidaires dans les limites de 14 % du PIB et créer un appel d’air au développement de la retraite par capitalisation.

RETRAITE, travailler les apparences pour masquer le fond

PROJET DE LOI DE REFORME DES RETRAITES TRAVAILLER LES APPARENCES POUR MASQUER LE FOND

Ainsi, pour des raisons liées aux règles de fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement vient de déposer un « projet de loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale pour 2023 » comprenant la plupart des mesures destinées à réaliser quelques « économies » au compte des retraites, pour « réduire les déficits » et ainsi « préserver le régime de retraite par répartition auquel tous les Français sont attachés ».

Comme cela fait le huitième texte, depuis 1993 et la loi Balladur, portant sur le sujet, que l’on sait qu’il y aura un second texte dans l’année pour résoudre certains aspects du dossier et qu’il est probable que l’on aura un neuvième texte avant cinq ans, on peut légitimement nourrir quelques interrogations, si ce n’est inquiétudes.

LE DECOR DE FOND

Le projet de loi est donc une loi de financement de la Sécurité Sociale.

On observera de suite que ce choix, guidé par le souci de « gagner du temps » du point de vue du Gouvernement, n’est pas sans présenter quelques risques.

Ce qui a évidemment provoqué l’invocation de l’article 47 de la Constitution ci après reproduit

Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique.

Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

(fin de citation)

Ce choix peut se trouver justifié puisque l’article LO 111-3-12 du code de la Sécurité Sociale stipule (je cite de nouveau)

Peuvent figurer dans la loi de financement rectificative les dispositions relatives à l’année en cours :

1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes ;

2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves ;

5° Si elles ont pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, ayant un effet sur :

a) La dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier ;

b) La dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses ;

6° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;

7° Rectifiant la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ;

8° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

(fin de citation)

Sans commenter l’ensemble des points ici relevés en détail, il suffit juste de se dire qu’une loi de financement rectificative peut très bien porter sur autre chose que le seul champ de l’assurance vieillesse et, partant, que l’opposition parlementaire peut opter pour une « obstruction intelligente » revenant sur les enjeux de santé publique par propositions sur l’assurance maladie, de politique familiale avec les allocations familiales ou encore les recettes de la Sécurité Sociale, notamment les allégements et exonérations de cotisations sociales dont le coût se mesure aujourd’hui en bas salaires et, apparemment, de faible productivité du travail…

Quant à la forme de « priorité » accordée au traitement de la question de l’assurance vieillesse, on relèvera ici qu’il s’agit de la branche de la Sécurité Sociale la moins « fiscalisée », le principal des recettes des régimes légaux obligataires (pour ne pas oublier les fonctionnaires d’État ou des collectivités locales par exemple) est constitué de cotisations.

Ainsi, le régime général, qui devrait encaisser 126 Mds de cotisations cette année pour un ensemble de 156 Mds d’euros de ressources.

On est loin de la branche autonomie, financée à près de 90 % par la CSG et pour le solde par d’autres impôts (notamment la contribution générée par le Lundi de Pentecôte)

Cette orientation est, de mon point de vue, porteuse de sens.

Il va sans dire que le choix du Gouvernement est également guidé par la volonté politique de « doubler «  le mouvement de contestation sociale qui monte et s’est déjà exprimé depuis l’annonce de la « réforme ».

Réforme, une sorte de gros mot dont certains devraient songer à réduire l’usage, la notion de recul social ayant quelque peu tendance à en devenir l’homonyme.

LE PROJET DE LOI

Le texte soumis au Parlement comprend vingt articles et obéit aux règles fixées par les lois de financement de la Sécurité Sociale ;

De manière liminaire, examen du cadrage macro économique du texte, avec les variations qu’il implique dans les comptes de la Sécurité Sociale tels que votés en loi de financement initiale.

Puis mesures relatives aux recettes.

Ainsi, l’article premier supprime, pour l’assurance vieillesse, la spécificité de cinq régimes spéciaux, à savoir celui des industries électriques et gazières (en gros, la retraite des agents d’EDF GDF), celui de la RATP, celui de la Banque de France, celui des agents du Comité Economique Social et Environnemental et celui de la CRPCEN (Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires).

Le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que ces cinq régimes dégagent aujourd’hui des excédents et qu’ils seront donc dégradés au fil du temps, puisque les personnels actuellement placés sous statut vont progressivement faire valoir leurs droits à pension et que la cotisation des nouveaux entrants va alimenter le régime général.

On notera par ailleurs que plusieurs de ces régimes disposent de ressources fiscales affectées.

C’est le cas pour la CRPCEN, puisque la Caisse perçoit une partie des « frais de notaire » affectant les opérations de rédaction des actes notariés. 

C’est aussi le cas pour le régime des industries électriques et gazières puisque la Caisse de retraite perçoit, pour son compte, la Contribution Tarifaire d’Acheminement (plus d’1,1 Md d’euros) qui pourra de fait être « acheminée «  vers sa disparition, puisqu’elle faisait partie du mode de financement des droits spécifiques des agents avant la réforme de 2004 qui a modifié le statut d’EDF.

Quant il n’y aura plus d’agents EDF sous statut 1946 en activité, ce sera plus facile…

Le cas du régime de la Banque de France est plus complexe, puisqu’il comporte une part non négligeable de « capitalisation », celle ci représentant en effet le quart des ressources du régime.

La caisse a provisionné ses engagements depuis 2006, notamment parce qu’une partie des résultats (qui auraient pu être distribués aux agents de la Banque) a été capitalisée dans l’institution de retraite.

Elle dispose aujourd’hui de 15 Mds d’euros de réserves, selon un rapport de la Cour des Comptes, ce qui semble motiver l’initiative gouvernementale.

Notons également que d’autres régimes spéciaux ne sont pas ainsi « captés » par la réforme.

Il s’agit notamment du régime géré par l’Etablissement National des Invalides de la Marine (retraités de la marine marchande), régime très largement fiscalisé puisque 80 % de son budget découle d’une subvention d’équilibre de l’État.

Le régime présente une situation très déséquilibrée avec un peu plus de 25 000 cotisants et plus de 100 000 retraités.

Comme la France a, il y a quelques années, fait le choix de développer un « pavillon de complaisance » (en l’espèce le fameux pavillon Kerguelen), les navires battant pavillon français sont de plus en plus rares.

Autres régimes non concernés par le texte : celui de la Comédie Française et celui de l’Opéra de Paris.

Il s’agit de régimes à faible niveau de cotisants (moins de 2 000) qui tiennent compte des spécificités des métiers.

Imagine t on le Cygne Noir du Lac des Cygnes ou le Prince Charmant de la Belle au bois dormant interprétés par un danseur de 62 ans ?

Enfin, deux régimes sont situés hors champ de la réforme, à savoir celui des professions libérales et, surtout, celui de l’agriculture (régime des exploitants comme celui des salariés).

Concession probable au fonds de commerce électoral de Renaissance et des Républicains…

L’article 2 du projet de loi crée le fameux « index de l’emploi des seniors »censé mesurer les conditions du maintien dans l’emploi des salariés âgés.

La mesure n’est guère contraignante, l’article laissant même aux partenaires sociaux le choix des critères de mesure retenus et ne prévoyant comme sanction que … la non publication de l’index.

A noter que l’index est limité aux entreprises de plus de 300 salariés, ce qui réduit d’autant plus le champ de l’affaire, d’autant que ne semble pas posée la question des établissements secondaires de groupes comptant plus de 300 salariés.

Ceci posé, cet index ne sera pas obligatoire avant juin 2024…

L’article 3 consacre l’abandon de la réforme consistant à inclure le recouvrement des cotisations AGIRC ARRCO dans le champ de compétences des URSSAF. Il n’appelle donc pas de commentaire particulier.

Sinon que les partenaires sociaux, gestionnaires des caisses de retraite complémentaires, ne semblent pas avoir eu confiance…

Et que les réserves des régimes complémentaires obligatoires sont assez bien garnies (environ 70 Mds d’euros) et le résultat 2022 largement positif (près de 4 Mds d’euros)

L’article 4 présente un tableau d’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale, détérioré de 400 millions d’euros par les premiers effets de la réforme présente.

Et l’article 5 consacre l’objectif d’amortissement de la dette sociale à hauteur de 17,7 Mds d’euros, payés à la fois par la CRDS et une part de la CSG.

Notons ici ce que dit l’exposé des motifs de l’article.

En 2023, la dette restant à amortir par la caisse d’amortissement de la
dette sociale (CADES) devrait s’élever à 146,1 milliards d’euros,
241,6 milliards d’euros ayant déjà été amortis par la caisse.


Le transfert de dette sociale à la CADES prévu par l’article 1er de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie s’est poursuivi en 2022 à hauteur de 40 milliards d’euros, venant réduire le besoin de financement induit par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19

( fin de citation)

En français courant, cela signifie que la « dette sociale » est maîtrisée malgré un accroissement lié au virement, au passif de la CADES, des déficits sociaux enregistrés notamment pendant la crise sanitaire.

L’autre aspect, c’est qu’il reste du grain à moudre pour « consolider » la dette ultérieure qui proviendrait de déficits constatés sur l’assurance maladie ou l’assurance vieillesse.

On relèvera que le montant du passif de la CADES (141,6 Mds d’euros) constitue l’équivalent du versement de 8,3 années.

Ce qui donne les années 2024, 2025, 2026, 2027, 2028, 2029, 2030, 2031 alors que la disparition de la CRDS est prévue en 2033.

Comme le disait le rapport sur les comptes de la Sécurité Sociale en 2020 dans l’un des scenarii d’amortissement.

En clair, avec sa réforme des retraites, le Gouvernement a l’intention de faire payer deux fois aux assurés sociaux le même déficit, outre de verser 2 à 3 Mds par an d’intérêts…

L’article 6 consiste à valider le rapport annexe rattaché au projet de loi, retraçant les conséquences des mesures contenues dans les différents articles.

La lecture de ce rapport donne quelques indications supplémentaires sur le sens profond de la réforme.

Je cite

Dans le champ des régimes de base de retraite, la trajectoire intègre les dispositions présentées dans la présente loi, portant une hausse progressive de l’âge d’ouverture des droits (AOD) de soixante deux à soixante quatre ans, au rythme d’un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération de la durée d’assurance requise (DAR), au rythme d’un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations jusqu’à présent. La trajectoire intègre également des mesures d’accompagnement et de hausse des minima de pensions. Ces mesures viseront en premier lieu à dispenser de la hausse de l’AOD les personnes inaptes au travail ou reconnues invalides. Elles permettront également aux assurés ayant commencé à travailler précocement de partir plus tôt que l’âge de droit commun avec notamment un renforcement du dispositif « carrières longues », développeront les transitions entre l’activité et la retraite et amélioreront les dispositifs de prévention et de réparation de l’usure professionnelle.

Enfin, les minima de pension seront revalorisés pour les nouveaux retraités à partir de 2023 mais également pour ceux déjà partis à la retraite et bénéficiant du minimum contributif.

La réforme emporte également des mesures en recettes, avec des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs publics (CNRACL) et par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations AT MP. La présente annexe porte sur le champ des régimes obligatoires de base et du FSV à l’horizon 2026, mais la réforme des retraites présentée dans la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale aura des impacts financiers qui monteront en charge au delà de 2026, ainsi que sur les régimes complémentaires. Le système de retraite pris dans son ensemble retournera ainsi à l’équilibre à l’horizon 2030. Une étude d’impact financière spécifique a été jointe au projet de loi.

(fin de citation)

On aura donc en ces quelques lignes un intéressant résumé du texte.

Pivots de la réforme : recul de l’âge de départ de deux ans, augmentation de la durée d’affiliation.

Conséquences : l’ensemble des dispositifs de départ anticipé eset repoussé de deux ans, ce qui signifie que l’âge légal actuel va être présenté demain comme une sorte de « privilège ».

Quant à l’affaire des 1 200 euros (revalorisation des minima), elle va se trouver financée par deux voies.

Un, une contribution des entreprises d’environ 1 Md d’euros qui sera compensée, à due concurrence, par une réduction de la contribution due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ou comment l’on branche des tuyaux imprévus entre les branches de la Sécurité Sociale…

L’autre affaire, c’est la hausse de la cotisation CNRACL, c’est à dire le régime de retraite des agents des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers.

Cela fait pas loin de 40 ans que cette Caisse de retraite est « mise à toutes les sauces » pour prendre en charge une partie de la politique sociale du pays, au-delà de sa mission naturelle, c’est à dire solder les pensions des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

La Caisse est un organisme où le ratio démographique est encore nettement positif (on se situe à deux cotisants pour un retraité) qui encaisse près de 23 Mds d’euros de cotisations et verse 22,8 Mds d’euros en prestations.

Elle se retrouve en déficit parce qu’elle est particulièrement sollicitée au titre de la compensation démographique inter régimes où elle a laissé, en 2021, 959 millions d’euros, après 1,25 Md l’année d’avant.

La hausse prévue de la cotisation employeur de la CNRACL n’a donc comme raison d’être que de permettre à l’État de se défausser sur les collectivités locales du financement des minima de pension.

Avec l’article 7, nous entrons enfin dans le vif du sujet avec la disposition prévoyant le recul de l’âge de la retraite à soixante quatre ans et l’accélération du passage aux quarante trois annuités.

Le principe est si simple qu’il faut ensuite vingt cinq paragraphes et cent soixante deux alinéas pour tirer les conséquences, dans un certain nombre de professions (et notamment les catégories actives de la Fonction Publique), de la modification des règles du jeu.

Je fais observer ici que le recul de l’âge de la retraite emporte, entre autres effets, un rétrécissement du délai entre âge légal d’ouverture des droits (AOD) et âge de mise en retraite d’office et/ou d’annulation de la décote.

Ce qui veut dire que, tendanciellement, les comptes de l’assurance vieillesse vont s’améliorer par une augmentation du montant des décotes sur pensions et une réduction du montant des surcotes.

Une sorte « d’effet ciseau » ou de supplice chinois assurant la réduction de la pension moyenne en valeur relative de remplacement des revenus d’activité.

L’autre effet systémique, c’est évidemment, l’amélioration du rapport années cotisées/années de perception de la pension.

Ou comment la réforme joue une partie de son équilibre sur les tables de létalité…

L’article 8 porte sur la question de la retraite anticipée des personnes handicapées, invalides du travail et autres catégories d’assurés souffrant de problèmes de santé récurrents.

L’article crée un droit à la retraite anticipée qui n’est que le maintien de l’âge de soixante deux ans pour faire jouer son droit à pension.

La grande avancée sociale de l’article est donc de porter de l’âge de 60 ans à celui de 62 ans le droit à retraite anticipée.

Un bel exemple de justice et d’équité, non ?

L’article 9 concerne la question de l’usure professionnelle.

Outre qu’il crée un fonds de prévention de l’usure professionnelle, et prévoit un certain nombre de mesures pour le suivi longitudinal des salariés exposés à des risques patents de pénibilité et d’usure, le tout passant entre autres par des accords dont les stipulations seront assez largement dépendantes de l’état des rapports de forces dans certaines professions, l’article vise, manifestement, à éviter autant que faire se peut la sollicitation de la branche AT – MP.

Branche la plus pénalisante et la plus révélatrice des pratiques du patronat…

Accessoirement, pour ceux qui auraient oublié de lire leur fiche de paie, il n’y a pas de « part ouvrière » dans les cotisations AT MP.

L’article 10 se préoccupe de la solidarité entre les régimes de retraite et notamment des moyens de financer le minimum contribution et le « rattrapage » des petites pensions.

La mesure passe entre autres par une réaffectation d’une partie du produit des accises sur les alcools au profit, si l’on peut dire, de la retraite agricole de base des exploitants.

Un même type de mesure est prévu pour le régime général, l’objectif étant de mener les pensions minimales à 85 % du SMIC, c’est à dire environ 1 200 euros.

L’article 11 ouvre droit à validation des périodes d’insertion professionnelle d’un certain nombre de personnes ayant connu, dans le courant des années 80, dans le cadre des politiques publiques de formation professionnelle.

Le présent article porte sur cinq dispositifs de stage de la formation professionnelle : les travaux d’utilité collective (TUC), les stages pratiqués en entreprise du plan Barre (1977-1988), les stages « jeunes volontaires » (1982-1987), les stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) et les programmes d’insertion locale (1987-1990). Près de 1,7 million d’assurés ont participé à un contrat TUC entre 1984 et 1990 et près de 1,15 million de personnes ont intégré les quatre autres dispositifs entre 1977 et 1992.

La reconnaissance, même un peu tardive, de ces stages est une bonne mesure mais d’un coût limité et ne risque en fait que de compléter une carrière où il manquerait quelques trimestres.

L’article 12 porte sur la question des aidants.

Il vise, dans un premier temps, à modifier la répartition des ressources fiscalisées de la Sécurité Sociale en faisant glisser quelques éléments de la taxe sur les salaires dédiée à la branche famille vers la branche autonomie.

C’est à dire que la prise en compte du rôle des aidants dans le calcul des pensions et retraites se fera à coût constant, puisque le succès potentiel de la mesure sera probablement gagé, à l’avenir, sur une nouvelle répartition du produit de la taxe sur les salaires.

Et, accessoirement, sur la réduction du crédit d’impôt « emplois à domicile ».

Avec l’article 13, nous sommes au bout des articles « novateurs «  du projet de loi, avec une série de mesures favorisant la transition entre emploi et retraite.

Il s’agit de donner des droits nouveaux aux personnes cumulant emploi et retraite (500 000 aujourd’hui), une situation que la dégradation du taux de remplacement des pensions, induite par le texte, risque de généraliser.

Et, ensuite, de favoriser le développement de la retraite progressive.

On rappellera à ce sujet que des dispositifs de cessation progressive d’activité ont existé, dans le passé, notamment dans la fonction publique et que leur suppression a, manifestement, pesé sur l’évolution de la pyramide des âges dans le secteur public…

Il me semble cependant qu’un tour de négociation collective sur les fins de carrière serait assez bienvenu, plutôt que le bricolage circonstancié prévu par le projet de loi.

Avec les articles 14 à 20, nous voici face aux articles prévoyant les premières conséquences financières de la réforme.

L’article 14 relève ainsi le budget de l’assurance maladie de 100 millions en dépenses, du fait de la prise en compte de « l’usure professionnelle ».

L’article 15 consacre un ONDAM en baisse sur 2022, du fait du moindre impact de la crise sanitaire.

L’article 16 maintient le budget AT MP au niveau voté en loi de financement.

L’article 17 consacre le budget prévisionnel de la caisse nationale d’allocations familiales (55,3 Mds de dépenses prévues) avec une hausse assez sensible, la part des transferts avec l’assurance vieillesse étant loin d’être secondaire pour ce qui concerne les majorations pour enfants ou encore la prise en charge APVF.

L’article 18 consacre l’inscription d’un total de 37,5 Mds au budget d’une branche autonomie qui n’est pas encore parfaitement équilibrée, quelques années après sa création.

L’article 19 précise la charge laissée au compte du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), instrument qui se préoccupe entre autres de solder l’équivalent des cotisations des chômeurs.

La situation du Fonds appelle quelques remarques.

Le Fonds semble revenu à une situation excédentaire en 2022.

Chargé en effet de financer les cotisations théoriques liées au chômage, à la formation, à la maladie et une partie du minimum vieillesse, il a été particulièrement alimenté cette année par la CSG sur les produits de placement et du patrimoine, signe de l’indécence des marchés financiers.

Ainsi, la CSG revenus du capital est passée de 17,9 à 19,5 Mds d’euros…

Le Fonds, dont la dette a été « consolidée «  au passif de la CADES, devrait donc présenter une position de report à nouveau positif, situation inconnue depuis 2001.

Peut être de quoi trouver le financement de nouvelles prestations ou de cotisations fictives ?

Enfin l’article 20 consacre la hausse de 400 millions du budget de l’assurance vieillesse, conséquence du projet de loi.

Mais cela ne durera pas…

(la suite au prochain numéro)