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RETRAITE, contes et mécomptes

RETRAITE : CONTES ET MECOMPTES DE LA REFORME

Dans le projet rétrograde avancé de réforme des retraites que vient de présenter la Première Ministre, l’un des arguments les plus utilisés est celui, usé jusqu’à la corde, de la situation financière de l’assurance vieillesse, qui serait soumise à de sombres prévisions sous le double effet de la raréfaction des actifs et de l’accroissement du nombre de retraités.

On peut d’ailleurs en être d’autant plus surpris que, par le biais de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement se faisait fort, dans les années à venir, de parvenir au “plein emploi”, situation qui ne peut que conduire à l’amélioration de la situation financière des différents organismes sociaux, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse comme de l’assurance maladie ou des prestations familiales.

Ceci dit, le juge de paix, en matière de comptes sociaux, cela demeure le rapport annuel sur les comptes sociaux publié par l’ACOSS, un document disponible par voie électronique mais ne présentant pas le caractère d’une littérature de Franche rigolade.

Que nous dit il sur la caisse nationale d’assurance vieillesse?

(Attention, les chiffres vont suivre. Ils ne concernent que le régime général ici, le régime des fonctionnaires s’équilibrant par lui-même dans le cadre d’une autorisation budgétaire)

Pour ce qui concerne les dernières années, constatées ou probables en termes de comptes, cela donne

2019 : dépenses 137 125 millions d’euros

recettes 135 717 millions d’euros

Déficit – 1 408 millions d’euros (environ 1 %)

2020 : dépenses 139 642 millions d’euros

recettes 135 913 millions d’euros

Déficit – 3 729 millions d’euros (environ 3 %). 2020, c’est l’année COVID

2021 : dépenses 143 903 millions d’euros

recettes 142 799 millions d’euros

Déficit – 1 104 millions d’euros (environ 0,7 à 0,8 %)

2022 : dépenses 150 750 millions d’euros

recettes 148 936 millions d’euros

Déficit – 1 814 millions d’euros (environ 1,2 %)

2023 : dépenses 158 446 millions d’euros

recettes 156 128 millions d’euros

Déficit – 2 318 millions d’euros (environ 1,5 %)

Nous avons donc, constaté ou prévu, un déficit global de 10 373 millions d’euros du régime général d’assurance vieillesse.

Pour plus de 700 Mds d’euros de prestations servies qui ne représentent pour autant qu’une partie des retraites et pensions, puisque l’assiette fiscale de ces revenus est située entre 335 et 350 Mds d’euros par an.

Pour prendre une image rapide, on pourrait dire que la CNAV a des fins de mois difficiles et termine, en général, l’année avec un petit découvert bancaire.

Dans l’absolu, d’ailleurs, on pourrait imputer à la CADES ces cinq années de déficit et résoudre l’affaire avec un point de CSG ou un an de CRDS, sans avoir à réformer les retraites.

Mais le document de l’ACOSS recèle d’autres surprises.

Regardons en particulier la partie du rapport relative aux recettes et notamment les mesures destinées à créer des moins – values de recettes comme les allégements de cotisations sociales (ristourne sur les bas salaires, pérennisation du CICE par exemple, allégements dits ciblés, etc…)

Justement, dans ce cadre, il existe une catégorie d’exonérations qui, contrairement à la lettre du code de la Sécurité Sociale, ne font pas l’objet d’une compensation quelconque et fonctionnent donc, pour la CNAV, “à fonds perdus”.

Ces mesures privent également les travailleurs et travailleuses concerné-e-s du moindre droit.

Puisque pas de cotisation, pas de validation.

Passons en revue le coût de ces mesures.

2019 : 1 838 millions d’euros

2020 : 1 717 millions d’euros

2021 : 2 039 millions d’euros

2022 : 2 339 millions d’euros

2023 : 2 468 millions d’euros.

L’ensemble de ces mesures, qui font participer la CNAV, à son corps défendant, aux politiques publiques de l’emploi, présente donc un coût cumulé, sur la période sous revue, de 10 401 millions d’euros.

Soit un total légèrement supérieur (de 28 millions d’euros) au cumul des déficits.

Et encore ai-je laissé de côté les abandons de créances pour non recouvrement (ou retards de paiement autorisés).

Ainsi, en 2020, fameuse année du “quoi qu’il en coûte”, la CNAV a accepté d’encaisser plus tard 2,8 Mds d’euros de cotisations, soit plus de 70 % du déficit de cette année – là.

What else ?

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RETRAITE : PAS DE TOTEM NI DE TABOU, JUSTE LA TORTURE

On pourrait croire que le débat sur la « réforme des retraites » est somme toute urbain et presque anodin puisque, avec l’objectif d’attirer à soi une partie du mouvement syndical, le Gouvernement a feint de produire quelques avancées sur le sens donné au texte prochainement présenté au Parlement et devant l’opinion séduite et médusée.

A ce stade du débat, rappelons – nous où nous en sommes rendus, au fil des précédentes réformes qui ont, toutes, veillé à « sauvegarder le régime de retraites auxquels nous sommes tous attachés » et qui se sont toutes attachées, finalement, à accroître durée de cotisation et décroître niveau de pensions et de vie.

Oh, attention, les impressions sont souvent trompeuses.

Parce qu’en réalité, quoiqu’on en dise, le niveau des retraites et pensions a constamment progressé depuis la création de la Caisse Nationale d’assurance vieillesse, dans la France de la Libération où tout était à reconstruire, et où le fait de lutter contre la pauvreté des « vieux » a participé au redressement économique et social du pays.

Oui, les retraités de 2023 sont moins pauvres que ceux de 1970, eux mêmes moins pauvres que ceux de 1956 (quand on a créé le minimum vieillesse) et moins pauvres de ceux de 1945.

Oui, ils sont moins pauvres, mais si Balladur n’était pas passé par là, ils seraient assez nettement plus riches…

Au fait qu’un certain nombre de retraités (et notamment des retraitées) vivent encore sous le seuil de pauvreté, s’ajoute désormais le développement d’une masse croissante de salariés sous payés, ce qui pose le problème du financement des retraites d’aujourd’hui (si la base de financement est étroite, comment trouver les recettes?) et, surtout, de la consistance des droits futurs.

Quant les salariés les plus modestes de ce pays tournent en dessous de 17 000 euros annuels de revenus fiscaux, quelle retraite peuvent ils escompter ?

Bon, où en sommes nous ?

Age légal de départ en retraite : 62 ans (réforme Touraine, merci Hollande)

Durée de cotisation pour retraite à taux plein ; 43 ans au terme de la réforme Touraine, mouvement engagé sous Balladur et confirmé par la réforme Fillon de 2003.

(Aparté : il faudra un jour faire le procès de François Fillon dans son action publique. Voilà tout de même un zigue qui a cassé le service public des télécommunications, entrepris la première démolition de la SNCF, attaqué les retraites solidaires, promu la capitalisation et conclu son action, entre autres, par des attaques fondamentales contre le service public de l’éducation, avec son directeur de cabinet, un certain Jean Michel Blanquer avant de couvrir, comme Premier Ministre, la « sociétisation » de la Poste et l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité dont nous constatons ces temps ci les effets ravageurs).

Modalités de calcul de la pension ; les vingt cinq meilleures années et la désindexation des pensions et retraites sur l’inflation (c’est à dire la perte de pouvoir d’achat programmée pour ces revenus), c’est Balladur 1993.

Même si l’affaire peut paraître ancienne, c’est cette réforme qui s’est avérée la plus meurtrière pour la situation sociale et économique des retraités, nonobstant ce que nous avons déjà dit.

Malgré ces embâcles encombrant le fleuve des retraites, ce qui a constitué l’amélioration du niveau global du revenu des retraités et pensionnés, c’est qu’ils ont présenté, pour un certain nombre, et même un nombre certain, des carrières complètes, parfois même des surcotes, avec relativement peu d’accidents de parcours et une promotion sociale globale.

Ce sont les fameux enfants du baby boom entamé durant les dernières années de la Seconde Guerre Mondiale et largement amplifié après la Libération, quand notre pays pouvait encore vivre d’espoir…

Les conventions collectives, le statut de la Fonction Publique, les garanties du droit du travail ont, de manière générale, sécurisé les parcours professionnels (même si du point de vue hommes/femmes, il y avait et il y a encore de la marge) et permis l’atteinte des objectifs généraux du projet d’Ambroise Croizat, visant à faire de la retraite « une nouvelle étape de la vie » et non « l ‘antichambre de la mort ».

On aura remarqué que les atteintes au régime solidaire de retraite vont de pair, depuis une bonne trentaine d’années, avec les attaques menées contre les garanties collectives des travailleurs et travailleuses au quotidien de leur activité.

La mortifère (du point de vue du statut) loi de Montchalin sur la fonction publique, avec sa facilitation forcenée au recrutement de contractuels, de vacataires et de non titulaires divers en est l’une des illustrations les plus éclatantes dans la dernière période.

Elle réduit en effet les êtres vivants, les acteurs du service public, à ne plus être que des chiffres, éléments de l’enveloppe budgétaire octroyée à leur service et/ou leur administration.

L’état de notre Education Nationale en témoigne.

Ceci posé, où en est on pour l’actualité, maintenant qu’Elisabeth Borne, trop bonne, nous a indiqué que le recul de l’âge de départ n’était pas « un totem ».

Sauf que, si j’ai bien suivi, faudra quand même faire entre 42 et 43 ans, d’ici 2030 (année où les effets du baby boom de la Libération sont censés commencer à s’effacer), de cotisation pour partir en retraite à taux plein.

Si on fait 62 ans – 42 ans, on se retrouve avec un début de carrière à 20 ans et même 19 ans pour la dernière génération frappée.

Bon, ne cherchez pas, sauf exceptions et notamment parce que ça couine du côté de la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers, vous pouvez oublier la retraite à 62 ans.

Surtout si vous avez eu l’idée stupide de faire des études, sans passer par la voie de l’apprentissage et de l’alternance, ou sans prendre le temps de vous inscrire à Pôle Emploi, histoire de valider quelques trimestres, même sans gagner le moindre salaire…

Bref, la Première Ministre ne fait rien qu’à habiller d’inacceptable ce qui est une remise en question du droit à pension.

Et tout cela, pourquoi ?

Pour le plaisir de nous faire marner deux trois ans au delà de l’âge légal de liquidation des pensions ?

Nous faire participer au redressement de comptes d’une assurance vieillesse qui n’est d’ailleurs pas vraiment en déficit ?

Non, juste parce qu’il s’agit de maintenir la rentabilité du capital, parce que celle ci exige que les dépenses de retraite soient plafonnées à 14 % du PIB, pour laisser le reste aux actionnaires, autant que possible.

Revenus ou profits, c’est l’enjeu.

Comme souvent.