RETRAITE, des questions se posent…

REFORME DES RETRAITES : DES QUESTIONS QUI SE POSENT

Après notre analyse du texte du projet de loi, quelques questions se posent et appellent éclaircissements…

La France n’est – elle pas, en Europe, l’un des pays où l’âge d’ouverture des droits (AOD) à retraite ou pension est le plus faible ?

Avec un âge légal de liquidation de 62 ans (AOD), la France se situe en effet, en apparence, dans le groupe des pays de retraite possible précoce.

Mais la précocité ne doit pas faire oublier que le fait de solliciter la liquidation pose notamment la question de la perception de la retraite complémentaire, alors dépendante de la durée d’assurance.

On sait que cette distinction entre âge légal et durée d’assurance est précisément le motif qui pousse nombre de personnes à prolonger leur carrière…

Des pays voisins de la France ont engagé des réformes de leur système de retraite, toutes allant d’ailleurs dans le sens d’un recul de l’âge d’ouverture des droits et d’un accroissement, parfois, de la durée d’assurance nécessaire.

En Allemagne, nous sommes en route pour les 67 ans à l’horizon 2031, le pays étant marqué par le vieillissement de sa population (AOD actuel 65 ans et 10 mois)

En Belgique, les salariés vont passer de 65 ans à 66 ans en février 2025 et 67 dès février 2030.

A noter cependant que si la durée d’assurance peut atteindre 45 ans dans le royaume fédéral, la retraite anticipée est possible à 60 ans (et 44 ans de carrière), 61 ou 62 ans (pour 43 ans de carrière) et 63 ans (pour 42 ans de carrière).

En Espagne, l’AOD est de 65 ans, mais la durée d’affiliation requise est de … 37,5 annuités !

Ce qui doit résoudre sans doute une bonne partie des problèmes liés aux carrières accomplies par les femmes…

Aux Pays Bas, l’AOD augmente à raison de l’espérance de vie.

Ainsi, un assuré social né le 30 décembre 1964 sera autorisé à liquider sa pension de base à compter du 30 juin 2032 (67 ans et 6 mois) tandis qu’un assuré né le 3 janvier 1970 devra attendre le 3 octobre 2037 ( 67 ans et 9 mois).

En Suède et en Norvège, l’âge requis se situe toujours à 62 ans, mais la pension est moindre que si l’on décide de partir plus tard.

Dans le cas de la Norvège, l’existence du Fonds de pension national (Folketrygdfondet,) fondé sur les revenus du pétrole de la Mer du Nord change évidemment les données et permet de garantir les pensions de base dont le montant progresse entre 62 et 67 ans, véritable âge pivot du système local.

En fait, seule la Grèce, avec une retraite possible à 62 ans et 40 années d’assurance accomplies, voire par anticipation en cas d’exposition à des travaux pénibles ou insalubres, semble plus “favorable”

Quelle place est faite aux femmes, souvent contraintes de travailler au-delà de l’AOD en France pour ne pas souffrir de décote, dans les autres pays d’Europe ?

L’Union Européenne semble avoir une étrange conception de l’égalité, consistant en fait à réduire les “avantages” jusqu’ici accordés aux femmes.

Ainsi, dans plusieurs pays, elles bénéficiaient d’un AOD différent de celui des hommes.

Ce qui s’accompagnait bien souvent de durées d’assurance plus courtes.

Aujourd’hui, les réformes en cours reculent l’AOD des femmes plus vite encore que celui des hommes, notamment en Autriche (où tout le monde sera bientôt soumis à l’AOD des hommes à 65 ans), mais surtout dans les anciens pays de l’Est où cette différenciation était la règle commune (Bulgarie, Croatie, Lituanie, Tchéquie, Roumanie).

L’Europe et donc l’adhésion aux canons économiques libéraux se traduit par le recul des garanties sociales des peuples de ces pays…

Les régimes de base y sont souvent flanqués d’un système par capitalisation…

Quel problème pose l’allongement de la durée d’assurance associée à la présente réforme ?

Elle situe la France au sein des pays exigeant la plus longue durée d’affiliation au régime de base ou général de l’assurance vieillesse, puisque les autres pays, malgré des AOD parfois plus tardifs, présentent des durées parfois sensiblement plus courtes.

Ainsi, en Tchéquie (pays à la démographie dégradée, au faible taux de chômage, dont l’économie vaut environ le dixième de celle de la France), les mères de famille qui peuvent “gagner”jusqu’à trois ans de versement de leur retraite par anticipation (huit mois pour le premier enfant puis un an à compter du deuxième) n’ont à justifier que de 35 ans d’assurance.

Nous avons vu plus haut ce qu’il en était en Espagne, vu que le pays est pour l’heure sur la base de 37,5 annuités.

Même dans un pays aussi peu riche que la Bulgarie (le PIB par habitant y représentant environ 30 % du PIB français et la production annuelle environ deux semaines de production française), la durée d’affiliation nécessaire sera, en 2027, de 37 ans pour les femmes et de 40 ans pour les hommes.

Qu’en est – il pour le rachat d’annuités ?

Des dispositifs de cette nature existent dans le droit social français mais leur coût demeure élevé, puisque différence est faite entre rachat destiné à la simple validation de trimestres manquants et rachat également dévolu à l’amélioration du montant de la pension ou de la retraite.

C’est notamment vrai pour les années d’étude qui sont, de notre point de vue, au cœur du débat sur les retraites du futur, eu égard à la hausse constante du nombre de jeunes engagés dans un parcours de formation et notamment en milieu universitaire.

L’Allemagne fédérale reconnaît les années d’études (ce qui relativise la question de l’AOD), même si le corollaire de cette situation vient de la faiblesse relative des pensions fédérales qui ne sont pas financées sur les mêmes bases que les retraites françaises.

Le droit social français, avec l’existence du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), dispose peut – être de l’outil permettant la prise en compte des années d’études.

Ce Fonds qui intervient déjà au regard des périodes de chômage, vient de retrouver la voie des excédents de trésorerie.

IL faut dire qu’il est surtout financé par l’affectation de la CSG sur les revenus de placement et du patrimoine, qui a beaucoup progressé ces derniers temps, signe que tout ne va pas si mal en France…

Les retraités seront-ils ou non mis à contribution pour “financer “ la réforme en cours ?

Oui, c’est déjà le cas.

Et la situation ne vient pas forcément de l’application de la CSG sur les pensions et retraites.

Mais plus insidieusement, de l’ensemble des mesures contenues dans les lois votées sur le sujet depuis 1993 et notamment la désindexation entre niveau des pensions et retraites et évolution des salaires et simple référencement à l’évolution des prix.

Cette règle, qui n’a d’ailleurs même pas été respectée, est limpide.

Une fois fixé le niveau de la pension lors de sa liquidation, elle se trouve bloquée, de fait, au “pouvoir d’achat” à la date n et dérive donc, peu à peu, de un à deux points par an par rapport aux salaires.

Selon la DREES, le taux de remplacement (pension/salaire) est passé de 79,2 % pour un retraité à carrière complète né en 1938 à un taux de 74,7 % pour un retraité né en 1950.

Le taux de remplacement des retraités à venir sera plus mauvais encore, notamment dans le secteur public où se fait et fera ressentir l’effet de plusieurs années de gel du point d’indice.

Dans le privé, le relèvement continu et poursuivi du nombre des retraités à carrière complète contrebalance le mouvement inexorable de réduction du niveau de vie relatif des pensionnés et retraités.

Cette dégradation devrait d’ailleurs s’accroître avec le recul de l’AOD et le rétrécissement entre celui-ci et l’âge de suppression de la décote.

Et donc de la réduction des surcotes et de la progression des décotes…

Implicitement, l’encouragement qu’apporte l’article 13 du projet de loi au développement du cumul emploi retraite est le signe qui confirme l’intention profonde du Gouvernement.

A la fois, “cristalliser” le volume des retraites solidaires dans les limites de 14 % du PIB et créer un appel d’air au développement de la retraite par capitalisation.