COMPTES PUBLICS : VERS LA PURGE ?


Depuis le 21 février et la publication du décret interministériel
d’annulation de dix milliards d’euros de crédits votés par le Parlement
moins de deux mois plus tôt, le concours Lépine des bonnes et mauvaises
fausses idées est lancé.
Réduction des allocations chômage, nouveau forfait sur les
médicaments, désindexation des retraites, « taxe lapin » destinée à couvrir
l’abus de Doctolib, les pistes d’économie sont lancées comme autant de
ballons d’essai.
Depuis le 21 février et la publication du décret interministériel
d’annulation de dix milliards d’euros de crédits votés par le Parlement
moins de deux mois plus tôt, le concours Lépine des bonnes et mauvaises
fausses idées est lancé.
Nous voici donc, de nouveau, face au débat à injonctions
contradictoires entre dépenses à réduire et recettes à affecter puisque la
hausse des impôts est, par principe, exclue du champ des solutions
proposées.
Au demeurant, en des temps très difficiles et notamment en 1995,
après le « traitement de choc » du balladurisme, la purge fiscale Juppé,
conclue par la hausse de la TVA, celle de l’ISF et celle de l’impôt sur les
sociétés avait quelque peu « redressé «  les comptes mais pour le moins
posé des problèmes au plein épanouissement de l’activité économique.
Revenons donc un peu sur la question des dépenses qui seraient, pour
certains, la base de tous nos problèmes.
Les plus intéressantes à étudier sont évidemment celles de l’État, qui
sont retracées, chaque année, dans des documents plutôt arides appelés

« bleus budgétaires » qui recoupent le périmètre des différents
« portefeuilles «  ministériels.
Ainsi existe t il certains « gros » bleus, portant sur la Défense,
l’Enseignement Scolaire ou le Travail et l’Emploi et d’autres nettement
moins épais et plus éloignés de l’idée que le citoyen peut se faire de
l’action publique.
Ainsi peut on voir un bleu « Pouvoirs publics » recoupant les
dépenses élyséennes, entre autres ; un autre « Conseil et contrôle de l’État
«  (crédits du conseil d’État notamment), et ainsi de suite.
Mais la réflexion que nous pouvons avoir sur la gestion des deniers
publics ne peut s’abstraire d’une prise en compte de données plus
générales et notamment des effets de la hausse des prix dans la dernière
période.
On ne peut faire aujourd’hui avec 100 euros d’argent public ce que
l’on faisait jadis.
Depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, l’INSEE
estime à 18 % l’érosion monétaire.
Pratiquement, cela veut dire qu’on ne ferait pas plus avec 118 euros
aujourd’hui qu’on ne faisait avec 100 euros en 2017.
Examinons les crédits des Missions et leur évolution.
Sur la période sous revue, les missions « Agriculture », « Anciens
Combattants », « Direction de l’Action du Gouvernement », « Gestion des
finances publiques » et « Régimes sociaux et de retraites », toutes frappées
à la fois par les redécoupages de missions, les suppressions de postes et,
parfois, l’érosion démographique de leur « public »(Agriculteurs, Anciens
Combattants ou retraités des régimes financés par l’État) ont connu une
baisse de leurs crédits.
Ceux ci sont passés de 25 767 millions d’euros à 24 856 millions
d’euros…

Une mission dénommée Cohésion des Territoires et qui regroupe
aujourd’hui les crédits du Logement (construction et financement des aides
personnelles) a relativement stagné autour de 20 Mds d’euros, victime
notamment du très fort ralentissement de la construction neuve et
singulièrement de celle de logements sociaux.
Mais les aides personnelles ont, aussi, été « rectifiées » à la baisse
avec la nouvelle norme fiscale de la retenue à la source qui a supprimé le
décalage entre réalité des revenus des ménages et période de versement
des allocations.
Regardons maintenant les plus grosses enveloppes.

Commençons avec le Ministère de la Défense dont les crédits sont
passés de 42 258 millions d’euros à 56 756 millions, soit une hausse de
plus de 34 % portée par la loi de programmation militaire, les exigences de
l’OTAN et la soutien accordé à l’Ukraine, sans parler de la présence de nos
troupes en maints théâtres d’opérations extérieures.
Ensuite le Ministère de l’Education Nationale, qui pour sa mission
Enseignement scolaire, est passé de 70 329 millions à 87 002 millions
d’euros.
La hausse est donc là de 24 % environ et recoupe entre autres la
revalorisation (incomplète) du traitement des enseignants, masquant de
surcroît assez mal la persistance d’un emploi précaire dans l’enseignement.
La situation est cependant meilleure que celle de la mission
Recherche et Enseignement supérieur, dont les crédits restent calés à la
même valeur en euros constants, à un peu plus de 31,3 Mds d’euros.
Certes, des missions disposant de crédits devenus marginaux
(Investir dans la France de 2030, Plan de relance) peuvent recouper
certains champs de la Recherche mais ils sont utilisés dans le cadre de
coopérations entre secteur public de la recherche et secteur privé industriel
et commercial.
Nous avons ensuite les crédits dits de la Solidarité et de l’Insertion,
passés de 19 à 31 Mds d’euros, une hausse imputable à l’augmentation du

nombre de bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé mais aussi à celle
du nombre des salariés percevant la prime d’activité.
Les dépenses liées à la Sécurité du territoire sont également
dynamiques sur la période, passées de 19,5 Mds d’euros à 24,3 Mds
d’euros.
La mission Travail et Emploi, passée de 15,6 à 22,7 Mds d’euros
notamment sous l’effet du développement de l’apprentissage (y compris
post bac) est une autre source de progression des dépenses publiques
depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
Mais on ne saurait oublier à ce stade les deux missions les plus
coûteuses, sur le fond, pour les finances publiques, et dont la dérive est le
plus sûr moyen de creuser le déficit.
D’une part, la mission « Remboursements et dégrèvements », à
l’enveloppe bien remplie de 140,5 Mds d’euros estimés pour 2024 et,
d’aute part, celle des Engagements financiers de l’État, pourvue d’une
prévision de 60,8 Mds d’euros.
Ces deux ensembles pourraient donc dépasser cette année le total
hallucinant de 200 Mds d’euros.
Pour un peu moins de 155 Mds d’euros en 2017…
Et encore faut il ici rappeler que, malgré son dynamisme, cette
mission ne prend pas en charge la suppression de la taxe d’habitation ou
celle de la redevance audiovisuelle, ces mesures de politique publique
macronienne ayant été résolues par affectation d’une partie du produit de
la TVA ?
De mon point de vue, le dérapage des comptes publics trouve son
origine dans des choix fiscaux coûteux sur le moyen et long terme,
illustrés par cette «  pré affectation » de recettes publiques en
compensation de ces choix.
L’heure ne devrait donc pas être à la purge des dépenses.