UKRAINE

L’UKRAINE NE PAIE PAS

Après la pandémie Covid, l’économie mondiale a connu un rebond plutôt vif dont l’une des conséquences a consisté à voir les marges commerciales des entreprises se redresser, au fil de la progression de l’activité et de la pression de la demande.

Une pression de la demande intervenant au bon moment pour un certain nombre d’entreprises pour pratiquer effectivement un réajustement de leur marge, et générer de fait une part non négligeable de l’inflation constatée en bout de chaîne par les consommateurs individuels.

Les incertitudes de la situation géopolitique internationale (Ukraine, Proche Orient) ont toujours bon dos pour justifier de la poursuite des tendances inflationnistes qui entament le pouvoir d’achat des ménages salariés, faisant exploser les factures énergétiques, les pleins d’essence et les dépenses alimentaires.

Le problème, c’est que la recherche de la rentabilité, inscrite dans la démarche globale de « restauration des marges » adoptée par les entreprises, a rencontré la législation relative au salaire minimum interprofessionnel de croissance, autrement appelé SMIC.

Ce fameux SMIC est appelé, a priori, à être revalorisé au 1er janvier de chaque année civile en tenant compte de l’évolution de l’indice des prix de la consommation intégré par l’INSEE dans le cadrage macro économique de la loi de finances initiale.

Ceci étant le cas général, puisque, selon l’article L 3231-5 du code du travail, a été inscrit dans la loi le principe suivant

Lorsque l’indice national des prix à la consommation atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur, le salaire minimum de croissance est relevé dans la même proportion à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement.

(fin de citation).

Ensuite, on réunit une sorte de commission des Sages et ceux ci proposent une revalorisation qu’un décret vient confirmer.

C’est ce qui s’est passé dans la dernière période, conduisant ce salaire de référence d’une valeur horaire de 10,03 euros au 1er janvier 2019 à une valeur de 11,65 euros au 1er janvier 2024.

Il était à 9,53 euros au 1er janvier 2014, ce qui signifie que le SMIC avait progressé de 50 centimes d’euro en cinq ans et qu’il s’est accru de 1,62 euro ces cinq dernières années.

Si l’on se situe à 1,2 SMIC, on se trouvait avec un salaire brut horaire de 11,44 euros en 2014, de 12,04 euros en 2019 et désormais 13,98 euros.

On rappellera que le SMIC est le seul type de rémunération, dans le secteur privé, fixé indépendamment des négociations collectives de branche ou d’entreprise.

Bref, quand la négociation collective patine, côté salaires, promotion, rémunérations, formation et autres thématiques pourtant obligatoires, le SMIC poursuit son processus de rattrapage des minima conventionnels les plus faibles, provoquant d’ailleurs en général des négociations subites conduisant au redressement de ces minima.

Le problème, c’est que le SMIC est aussi un élément de définition des politiques publiques, puisqu’une bonne partie des aides publiques aux entreprises réside dans les allégements de cotisations sociales appliqués sur les salaires les plus faibles et allant jusqu’à l’exonération au niveau du salaire minimum.

Comme il faut bien compenser les sommes que les entreprises ne versent plus à la Sécurité Sociale, la loi a prévu que 28 % des recettes de TVA seraient virés au compte de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale.

Seulement voilà, le nombre des SMICards est de plus en plus élevé, comme d’ailleurs celui des salariés dont la rémunération s’en rapproche.

Les salariés rémunérés au salaire minimum sont un million de plus depuis deux ans, constituant désormais une masse de plus de trois millions de personnes.

Une situation qui coûte aux salariés eux mêmes, mais aussi à l’État (prise en charge de cotisations sociales, financement de la prime pour l’emploi, moindres recettes d’impôt sur le revenu, contraction des recettes des impôts de consommation) devenu victime de la mécanique des politiques mises en place dans le passé.

On se souviendra que la politique d’allégement des cotisations sociales avait été initiée en 1993 par le gouvernement Balladur I, visant à « réduire le coin fiscalo social » qui aurait pesé sur la « compétitivité » de notre économie

La persistance d’un chômage élevé, trente ans plus tard, et le délabrement de nos capacités industrielles (comme nous l’avons vu pendant la pandémie) sont là pour témoigner de la justesse du choix alors opéré.

L’un des résultats des processus que nous venons de décrire consiste dans l’écrasement de la hiérarchie des salaires, singulièrement vers le bas, puisqu’il semble bien que les salariés les mieux payés (et parfois ceux exerçant des fonctions dirigeantes) soient ceux qui ont le mieux tiré parti de la situation actuelle.

Il y a urgence à trouver une autre voie pour les aides publiques aux entreprises que celles consistant, in fine, à valider les stratégies de faible rémunération des salariés poursuivies par de trop nombreuses entreprises.

Et il y a surtout nécessité à conditionner ces aides à la mise en œuvre de nouvelles dispositions en termes d’emploi, de salaires, de formation, toutes questions clé à l’ordre du jour.