AMENDEMENT N o CL1403 – présenté par M. Lépinau et les membres du groupe Rassemblement National.

APRÈS ART. 8 N° CL1403

ASSEMBLÉE NATIONALE

23 novembre 2023

POUR CONTRÔLER L’IMMIGRATION, AMÉLIORER L’INTÉGRATION – (N° 1855)

AMENDEMENT N o CL1403

présenté par

M. de Lépinau et les membres du groupe Rassemblement National

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ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L’ARTICLE 8, insérer l’article suivant:

Au premier alinéa de l’article L. 8222-1 du code du travail, après le mot : « personne », sont insérés les mots : « morale employant plus de 11 salariés ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

La lutte contre le travail dissimulé d’étrangers en situation irrégulière est évidemment une bonne chose et la responsabilisation du donneur d’ordre est un des leviers dans cette lutte.

Néanmoins certains donneurs d’ordres n’ont ni les moyens ni le temps de vérifier les déclarations fournies par leur prestataires (c’est particulièrement vrai pour les agriculteurs employant des saisonniers).

Cet amendement vise donc à ce que l’obligation du donneur de d’ordre d’un contrat de prestation de service de vérifier si les personnes employées par son prestataire sont en règle au regard des lois sur l’immigration, ne s’applique pas pour les entreprises de moins de 11 salariés.

(fin de citation)

Le projet de loi sur l’immigration a constitué un des éléments les plus significatifs de l’actualité politique récente de notre pays, un certain battage médiatique venant alimenter, avec force sondages de commande et déclarations péremptoires diverses, le débat parlementaire.

On se souviendra ici que le projet de loi en tant que tel avait été déposé dès le mois de février dernier sur le bureau du Sénat (en l’espèce le 1er février) aux fins de confier la première lecture du texte à la dite Haute Assemblée.

Manifestement, le Gouvernement escomptait que le Sénat, de par sa composition politique assez largement dominée par le groupe des Républicains et les groupes centristes, mette sa patte « conservatrice » sur le texte et permette, par effet d’optique si l’on peut dire, à l’Assemblée Nationale d’apparaître plus « modérée » et plus « progressiste » avant l’adoption définitive du texte, dans le cadre d’une commission mixte paritaire conclusive.

Bien entendu, le risque pendant existait, au Palais Bourbon, d’une forme de surenchère entre le groupe des Républicains, fort affaibli après le scrutin de 2022 (62 députés restants sur 577), et celui du Rassemblement National (88 membres), dont les votes et l’adhésion au projet de loi pouvaient toutefois s’avérer plus que nécessaires.

Le problème, c’est que la majorité sénatoriale, malgré la quasi absence de sénateurs d’obédience lepéniste (ils ne sont que 4 à être ou avoir été élus du RN et n’ont pas voté en faveur du texte issu des travaux du Sénat) s’est particulièrement laissée aller, le projet de loi connaissant une inflation du nombre initial de ses articles, de 27 à 95 !

Et la commission des Lois de l’Assemblée Nationale, sous la houlette de son Président Sacha Houlié, présenté depuis son élection comme un « macroniste de gauche », a commencé de procéder à une revue de détail des dispositions votées par le Sénat, conduisant à présenter à la discussion un texte certes édulcoré au regard de ce qui arrivait du Luxembourg mais guère plus chargé d’humanité que la philosophie initiale du projet.

Le texte soumis au débat ce 11 décembre n’avait cependant pas gagné en lisibilité et le nombre de 110 articles avait été atteint.

Notons quand même que le débat en commission des Lois, marqué par le dépôt de 1 717 amendements, avait réservé aux observateurs attentifs quelques petits moments d’amusement.

Et notamment cet amendement du député RN Hervé de Lépinau, ancien étudiant en droit à Paris Panthéon Assas et à Aix en Provence, devenu avocat au barreau de Carpentras, ville du Vaucluse devenue son terrain d’élection.

Il a été élu député en 2022, sur le siège gagné en 2017 par l’ancienne Ministre macroniste Brune Poirson, en écrasant le remplaçant de l’intéressée de près de 6 000 voix au second tour…

Dans cet amendement, Hervé de Lépinau, membre d’un groupe parlementaire prônant par ailleurs une « immigration zéro » et dont certains laissent entendre depuis trop longtemps qu’il est le seul à même d’apporter des solutions au « problème de l’immigration », nous propose de créer rien de plus qu’un appel d’air…

En effet, le droit du travail, attaché à lutter contre le travail dissimulé, fait désormais obligation aux parties prenantes d’un contrat (de prestation de services et plus encore de sous – traitance) de vérifier si les salariés des entreprises contractantes sont en règle administrativement parler.

Ce qui ne vaut d’ailleurs pas uniquement pour les salariés d’origine étrangère mais soit.

Hervé de Lépinau a, sans l’ombre d’un doute, voulu incarner les préoccupations de sa clientèle carpentrassienne, faite notamment de viticulteurs et d’exploitants agricoles fruiticulteurs, quelque peu « ennuyée » par la « paperasse officielle ».

La solution est donc toute trouvée.

Levons l’obligation légale et tant pis si cela se conclut, au bout du compte, par l’emploi de saisonniers ou de salariés sans droits, attendu que le contrôle porte notamment sur le respect des règles sociales.

Parce que s’informer de la situation administrative de quatre salariés est « chronophage », il faut donc libérer l’employeur tant de cette tâche que des sanctions (prises par l’URSSAF) y afférent.

Un député RN qui valide le recrutement illégal de salariés au milieu d’un texte sur l’immigration, c’est tout de même disons quelque peu contradictoire avec la ligne générale du mouvement.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais ?

On connaît toutefois la conclusion.

L’amendement n’a pas été adopté et le texte du projet a été victime d’une motion de rejet préalable, votée hier avec cinq voix de majorité, motion emportant les 110 articles du texte et ses 2 621 amendements…