Aide médicale d’état : Sortir du fantasme

Cela fait quelque temps que le débat sur l’immigration est marqué par la présence d’un certain nombre de présupposés en général utilisés

comme support pour discours nauséeux et définitifs, où le fantasme le dispute au racisme à peine voilé.

Parmi cet appareillage idéologique et argumentaire prêt à l’emploi, se situe en bonne place la question de l’aide médicale d’État, dont le coût grandissant est, pour des raisons qui dépassent les limites admises de l’intolérance, mis en évidence comme avantage exorbitant au plan de la solidarité nationale.

Pour tenter de couper court à ce débat à un milliard d’euros de dépenses environ (ce qui, par exemple, représente environ le tiers des dividendes que la famille Arnault s’est auto accordée en 2022 grâce au travail des petites mains de Sephora, Dior ou Louis Vuitton), le Gouvernement avait missionné un ancien Ministre de la Santé, Claude Evin, et un membre du Conseil d’État jadis engagé plus profondément en politique, Patrick Stef anini, pour mener toutes investigation sur le sujet et rendre un rapport, le plus précis possible, assorti de propositions, permettant à tout un chacun de se faire une opinion plus précise de la question.

La reddition de ce rapport a produit un certain nombre de réactions, d’autant qu’elle est intervenue entre les deux lectures de la loi sur l’immigration présentée par le Gouvernement.

Le rapport publié compte, avec ses annexes et notamment son annexe statistique, un peu plus d’une centaine de pages et présente une conclusion rappelée dans les pages initiales.

Il nous est dit, entre autres

L’AME, un dispositif sanitaire utile et globalement maîtrisé mais qui subit l’augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires et mérite d’être adapté .

A l’appui de ce point de vue, il nous est précisé (je cite)

Objectiver les réalités et enjeux concernant l’AME passe par une analyse des flux des bénéficiaires et des divers paramètres les accompagnant. Les observations de la mission se sont basées sur les éléments fournis par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et la direction générale des étrangers en France (DGEF) entre le 31/12/2015 et le 30/06/2023.

Le terme « bénéficiaires «  de l’AME recouvre deux populations : les assurés et les ayants-droits.

Les assurés sont les personnes qui portent directement les droits, les ayants-droits sont leursenfants (mineurs et potentiellement jusqu’à l’âge de 20 ans), leurs conjoints, partenaires de PACS ou concubins, ainsi qu’une personne majeure cohabitante à charge.

Les statistiques identifient les bénéficiaires, les assurés et les ayants-droits dont les mineurs.

L’observation des 7,5 dernières années montrent des évolutions contrastées selon les analyses géographiques, par tranche d’âge, par sexe ou des bénéficiaires/ayants-droit.

(fin de citation)

Ainsi, entre 2015 et mi 2023, c’est à dire la période sous revue dans le rapport, le nombre global de bénéficiaires de l’AME est passé de 316 000 environ à 439 000 personnes.

Cette hausse du recours à l’AME (+ 123 000 dossiers ) est importante au regard de la population statistique observée appelle une première observation.

En 2015, on comptait en effet 239 000 « assurés » pris en charge par l’AME en qualité d’adultes et 77 000 ayants droit.

C’est à dire un rapport approximatif 75/25.

Mi 2023, le rapport est de 315 000 assurés pour 124 000 ayants droit, soit un rapport 72/28 qui montre une sorte de « familialisation » de l’AME.

On retrouve d’ailleurs la tendance quand on regarde les régions et départements où l’on comptabilise le plus grand nombre de demandes d’aide.

En 2015, les cinq premiers départements pour le nombre de demandeurs étaient Paris (environ 55 000 dossiers, notamment de par la présence de grands établissements hospitaliers susceptibles de réaliser certains examens spécifiques), la Seine Saint Denis (environ 53 700 dossiers), le Val de Marne (un peu plus de 19 600 dossiers, un département où il convient de prendre en compte la réalité d’un réseau d’établissements travaillant sur les cancers), la Guyane (un peu plus de 17 300 dossiers) et les Hauts de Seine (un peu au-delà de 14 300).

Ces cinq départements réunissaient 50,6 % des aides accordées sur l’ensemble du territoire.

Mi 2023, Paris se positionne en tête avec un peu moins de 61 900 dossiers, contre 54 400 pour la Seine Saint Denis (quasi stable), 39 800 pour la Guyane, 23 700 pour le Val de Marne et plus de 19 700 pour les Bouches du Rhône.

Ces cinq départements, aux évolutions contrastées, réunissent au total de 45,4 % des demandeurs.

Nous sommes donc en présence d’une relative nationalisation de l’AME, même si d’apparence, elle semble fort concentrée dans les départements de la France urbaine.

En atteste par exemple l’évolution de la Bretagne, passée de 3 952 dossiers à 8 599.

La situation de la Seine Saint Denis est marquée par une stabilisation du nombre total de dossiers fondée sur la baisse du nombre d’adultes traités.

En Guyane, hausse là aussi des ayants droit (de 7 700 à 18 800) faisant de la maternité de Saint Laurent du Maroni l’une des plus importantes du pays.

Car il se trouve que l’obstétrique est, dans la longue liste des spécialités médicales et hospitalières, la plus pratiquée au titre de l’AME, au-delà de la cinquantaine de milliers de séances d’examens divers comprise dans le champ de l’aide publique.

On compte ainsi plus de 10 000 accouchements et 3 700 césariennes effectués au titre de l’aide.

La patientèle de l’AME est donc plus jeune que celle des hôpitaux stricto sensu.

En 2022, les mineurs constituaient 25,5 % des patients hospitalisés en termes de journées.

En regard, les jeunes bénéficiaires de l’AME mobilisaient 19 % des journées.

Pour les plus de 60 ans, on se retrouve avec 11,6 % des journées d’hôpital sous régime AME.

Pour le cas général, on se retrouve avec 53 % de sexagénaires (au moins) hospitalisés.

Peut on réellement croire qu’une population jeune, venant en France pour y subir des examens ineffectués dans le pays d’origine, y accoucher dans des conditions sanitaires plus conformes à notre époque, peuplée d’insuffisants rénaux ou de malades pulmonaires, puisse être une menace pour notre pays ?