Discours de Robespierre (23/12/1789)

Il y a plus de deux cents ans, un de membres de la Constituante, Maximilien Robespierre, prenait la parole pour défendre le droit à la citoyenneté et à l’exercice des libertés et de toute activité sociale pour les Juifs de France.

Le texte de de ce discours, ici reproduit, est l’illustration d’un moment historique se situant clairement en rupture avec l’antisémitisme d’Etat qui avait prévalu depuis le XIIIe siècle, notamment.

Et, singulièrement, la destruction en autodafé des exemplaires alors disponibles du Talmud sous Louis IX (futur Saint Louis).

Tout citoyen qui a rempli les conditions d’éligibilité que vous avez prescrites a droit aux fonctions publiques. Quand vous avez discuté ces conditions, vous avez traité grande cause de l’humanité. Le préopinant a voulu faire de quelques circonstances particulières trois causes différentes. Toutes trois elles sont renfermées dans le principe, mais, pour l’honneur de la raison et de la vérité, vais les examiner succinctement.

On ne dira jamais avec succès dans cette Assemblée qu’une fonction nécessaire de la loi peut être flétrie par à loi. II faut changer cette loi, et le préjugé n’ayant plus de bases disparaîtra.

Je ne crois pas que vous ayez besoin d’une loi au sujet des comédiens. Ceux qui ne sont pas exclus sont appelés. Il était bon cependant qu’un membre de cette Assemblée vint réclamer en faveur d’une classe trop longtemps opprimée. Les comédiens mériteront davantage l’estime publique quand un absurde préjugé ne s’opposera plus à ce qu’ils l’obtiennent : alors les vertus des individus contribueront à épurer les spectacles, et les théâtres deviendront des écoles publiques de principes, de bonnes mœurs et de patriotisme.

On vous a dit sur les Juifs des choses infiniment exagérées et souvent contraires à l’histoire. Comment peut-on leur opposer les persécutions dont ils ont été les victimes chez différents peuples ? Ce sont au contraire des crimes nationaux que nous devons expier, en leur rendant les droits imprescriptibles de l’homme dont aucune puissance humaine ne pouvait les dépouiller.

On leur impute encore des vices, des préjugés, l’esprit de secte et d’intérêt les exagère. Mais à qui pouvons-nous les imputer si ce n’est à nos propres injustices ?

Après les avoir exclus de tous les honneurs, même des droits à l’estime publique, nous ne leur avons laissé que les objets de spéculation lucrative. Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d’hommes et de citoyens ; songeons qu’il ne peut jamais être politique, quoi qu’on puisse dire, de condamner à l’avilissement et à l’oppression une multitude d’hommes qui vivent au milieu de nous. Comment l’intérêt social pourrait-il être fondé sur la violation des principes éternels de la justice et de la raison qui sont les bases de toute société humaine ?