Ce dimanche 24 septembre, avaient lieu, dans environ la moitié de la France les élections sénatoriales pour la série courant (en prenant la liste alphabétique des départements) de l’Indre et Loire (37) aux Pyrénées Orientales (66), le tout augmenté par l’Ile de France, la moitié des représentants des Français de l’Etranger et les élus de la Guadeloupe, de la Martinique, de Mayotte, de la Nouvelle Calédonie et de Saint Pierre et Miquelon.
Ce scrutin obéit à des règles complexes, avec un recours au mode de désignation majoritaire quand il s’agit d’élire un ou deux parlementaires et un mode proportionnel à partir de trois sièges.
Le collège électoral est l’autre spécificité d’un scrutin au suffrage dit indirect, la composition de ce collège comprenant les parlementaires, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et, surtout, les délégués des conseils municipaux, déterminés le 9 juin dernier dans l’ensemble des communes des départements de la série renouvelable.
Autant dire que ce sont les plus récentes élections municipales (celles de 2020) qui constituent la base du collège électoral sénatorial 2023.
Et que les scrutins municipaux de 2026 pèseront sur le renouvellement de l’autre série au mois de septembre suivant.
On rappellera ici que, malgré quelques succès significatifs dans plusieurs grandes villes du pays ( Marseille, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Nancy, Tours), le scrutin 2020 n’avait pas été très bon pour les partis de gauche et que cela s’était matérialisé, lors du renouvellement de septembre 2020, par un recul global du nombre des membres des groupes Socialiste, Communiste et Ecologiste au Palais du Luxembourg.
Au terme du scrutin 2020, il y avait 64 sénateurs inscrits au groupe Socialiste et Républicain (SER), 15 au groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste (CRCE), 12 au Groupe Ecologiste Solidarité et Territoires (GEST), 10 au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE, sénateurs de centre gauche et membres du PRG) et 1 non inscrite, soit un total de 102 parlementaires sur 348.
A noter toutefois qu’assez souvent, les élus RDSE ne votaient qu’en partie comme le reste de la gauche.
LE SCRUTIN 2023
Pour les groupes de gauche, le scrutin 2023 ne concernait pas un certain nombre d’élus.
En l’espèce, 31 membres du groupe SER, 4 du groupe CRCE, 8 GEST et 5 RDSE
Soit un bloc de 48 mandats.
Au centre et à droite, les sénateurs non renouvelables étaient ainsi répartis
Groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants (macronistes) : 12
Groupe Indépendants République et Territoires : 7
Groupe Union Centriste (UDI, Modem) : 28
Groupe Les Républicains : 80
Le tout majoré par 2 élus de centre droit du groupe RDSE et un non inscrit, soit un total de 130 élus.
LES RESULTATS GLOBAUX
A gauche, le renouvellement sénatorial a conduit au succès de 33 élus socialistes, 11 élus communistes, 7 élus Verts, 3 radicaux de gauche et 10 divers gauche, soit le total de 64 mandats.
On peut aussi rattacher au bloc de gauche l’élu du FLNKS au second tour du scrutin néo calédonien.
Les élus divers gauche sont issus de dissidences à gauche mais devraient, pour l’essentiel, se retrouver dans les groupes de l’opposition sénatoriale.
Ce qui pourrait porter nettement au dessus de 100 sièges le total de la gauche sénatoriale.
Au centre et à droite, nous avons les données suivantes :
Groupe RDPI : 4 élus
Groupe UC : 13 élus
Soit un ensemble de 17 élus, majorés de 12 divers centre, 7 Horizons et 3 Modem.
Ce qui mène le centre à 39 élus et à 86 membres pour les groupes UC, RDPI et LIRT (au lieu de 95 dans le bloc sortant.)
Pour le groupe principal, celui des Républicains, on compte 47 élus et 16 divers droite, soit 63 élus au total, conduisant à un ensemble de 143 sièges, très proche des 145 mandats initiaux.
Bien évidemment, des reclassements sont à attendre à gauche (positionnement des DVG), au centre et à droite pour définir le nombre définitif des membres de chaque groupe et, par voie de conséquence, des fonctions au sein de la nouvelle Haute Assemblée.
On notera que les trois élus du RN siègeront probablement dans la réunion administrative des sénateurs non inscrits avec leur ex camarade Stéphane Ravier, sénateur des Bouches du Rhône.
QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LE SCRUTIN
Le scrutin de ce 24 septembre a été marqué, entre autres phénomènes, par une inflation des listes de candidats, singulièrement dans les départements votant à la proportionnelle, inflation conduisant parfois jusqu’au dépôt de seize listes…
Conséquences : cela a eu tendance à «écraser » le nombre de voix et le pourcentage des listes arrivées en tête, tout en conduisant au « gel » d’un certain nombre de suffrages, accordés à des listes dépourvues d’élus.
Le cas du département du Nord est intéressant de ce point de vue.
La liste parvenue en tête (celle du centriste Dany Wattebled, comprenant deux sortants, mais aussi le Président de la Métropole européenne de Lille et le Président du Conseil départemental du Nord) n’a ainsi réuni que 889 voix et 15,60 % des suffrages.
Elle a devancé la liste du PS, conduite par Patrick Kanner, Président du groupe SER, dotée de 810 votes (14,21%).
En troisième position, arrive la liste du PCF, conduite par le sortant Eric Bocquet, spécialiste de la fraude et de l’évasion fiscale, avec 639 voix et 11,21 %.
Ces trois listes ont obtenu, chacune, deux sièges.
Cinq autres listes, dans ce département comptant 5 899 électeurs sénatoriaux, ont obtenu un siège.
Deux listes à égalité parfaite de voix (472 chacune!) ont donc obtenu 8,28 % des voix, celle de Guislain Cambier, maire de la commune de Potelle, plus ou moins soutenue par l’ex Vice Présidente centriste du Sénat Valérie Létard et celle, issue des Républicains, menée par Marc Philippe Daubresse.
Vient ensuite la liste du Rassemblement National avec 433 voix (7,6%) qui obtient un siège pour Joshua Hochart, conseiller municipal de Denain et proche collaborateur de Sebastien Chenu.
Ensuite figure la liste « Le Nord pour Horizon(s)» avec 407 voix (7,14%) et l’élection de Franck Dhersin, ancien député et maire de Teteghem, à côté de Dunkerque.
Enfin, une liste plutôt centriste, menée par le sénateur sortant Olivier Henno, a réuni 320 voix et 5,61 %.
Pour donner une idée de la dispersion des votes, en 2017, 742 votes s’étaient éparpillés sur 5 listes privées d’élus.
La liste (de centre droit) arrivée en tête était proche des 18 % et la dernière liste ayant obtenu un siège avait recueilli 435 voix et 7,8 %.
La derniidat ùmare élue (la sénatrice UMP Brigitte Lherbier) avait été élue avec 339,5 voix de moyenne.
Cette année, donc, 8 listes n’ont pas recueilli assez de voix pour décrocher le moindre élu.
Elles ont tout de même attiré 1 258 électeurs, soit 22 % du corps électoral.
Notons ici que Michelle Gréaume, sénatrice PCF, a été réélue avec une moyenne de 319,5 votes avec, donc, la liste Henno à 320 voix et une liste EELV à 315 suffrages.
Prenons maintenant le cas de l’Isère, département devant élire 5 parlementaires.
En 2020, y avaient été élus 2 sénateurs de droite, 2 de gauche et 1 macroniste.
1 237 voix de droite, 90 du Modem, 122 du FN d’un côté.
Plus 413 pour le candidat macroniste.
A gauche, 546 pour la liste EELV – PCF et 474 pour la liste PS.
Cette année, la gauche s’était a priori rassemblée sur une liste EELV – PCF – PS et la droite avait fait taire une partie de ses divisions sur une liste conduite par les sortants.
Le candidat macroniste, le RN étaient également en lice.
Mais aussi trois listes divers droite et centre, et surtout, une liste de la France Insoumise et une autre liste divers gauche, pilotée par les élus socialistes de la Métropole de Grenoble.
Un choix à hauts risques, au regard des rapports de forces dans le département, animé manifestement par l’envie d’avoir un élu socialiste.
Bilan des courses maintenant.
La liste de droite arrive largement en tête avec 1 215 voix et 39,84 %.
Les autres listes du centre et de droite n’ont recueilli que 143 voix, soit 4,69 %.
La liste RN a été dotée de 145 suffrages, soit 4,75 %.
Ce qui constitue une relative contre performance au regard d’autres résultats mais peut s’expliquer par la présence d’une liste de droite et même « extrêmement de droite » menée par Gérard Dezempte, élu de Pont de Chéruy.
Le candidat macroniste, le sénateur Didier Rambaud (ex PS), a obtenu 377 votes (12,36%), et réussi à préserver son siège malgré le tassement de ses voix.
A gauche, la liste de la France Insoumise a obtenu 133 voix, soit 4,36%.
La liste de Guillaume Gontard (EELV – PCF – PS – DVG) a réuni 714 voix (23,41%), en progression de 168 voix et 4,3 % sur le vote de 2017.
Mais cette progression a été rendue inopérante par la liste dissidente du PS isérois qui a réuni 323 votes et 10,59 %.
Assez pour largement priver la liste d’union de la gauche d’un deuxième siège mais aussi pour faire réélire le macroniste très en péril.
La même observation vaut avec la liste LFI puisqu’une quarantaine de ses votes aurait suffi à éliminer le sortant Renaissance.
Ce sont donc, au total, 744 électeurs (sur 3 048 exprimés, soit 24,4%) dont la voix n’a pas trouvé de traduction en termes d’élus.
UNE EVALUATION DES RAPPORTS DE FORCES
Elle se fond sur l’analyse du vote par listes des départements métropolitains élisant leurs sénateurs au scrutin proportionnel, soit 24 circonscriptions.
Dans ces départements, 58 253 grands électeurs ont manifesté un choix lors du scrutin.
La gauche a recueilli 21 110 voix, soit 36,2 % des votes.
Les listes centristes (Horizons, Renaissance, UDI, Modem, etc.) ont réuni 10 109 voix, soit 17,3 % des suffrages.
Les listes de droite sont arrivées en tête, avec 23 297 voix, soit 40 %.
Enfin, le RN et quelques autres listes d’extrême droite ont totalisé 3 640 voix, soit 6,2 %
Encore loin, tout de même, d’une véritable percée.