Financement de la sécurité sociale

QUELQUES REPERES SUR LA PROCEDURE PARLEMENTAIRE

La discussion de la loi de financement de la Sécurité Sociale rectificative, qui comprenait entre autres mesures le dispositif de la réforme des retraites, a sans doute constitué, pour nombre de personnes, l’occasion de découvrir les arcanes de la procédure parlementaire.

La présente note vise donc à pointer les aspects saillants de cette procédure et de ce que cela peut avoir comme incidences sur le déroulement du débat.

Le choix d’une loi de financement de la Sécurité Sociale présentait du point de vue du Gouvernement, plusieurs avantages.

Elle permettait de pratiquer de manière plus large que dans une loi ordinaire le recours aux irrecevabilités financières à l’endroit des amendements déposés par l’opposition.

Le débat en loi de financement emportait une autre conséquence : celle de réduire d’office le nombre de « lectures «  du texte par chaque Assemblée (en l’espèce un seul examen).

Sans oublier le recours possible au 49 – 3 en principe limité d’application durant la session mais applicable au cas d’espèce.

Le texte constitutionnel indique en effet

Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Et pour conclure, dans le cadre d’une loi de financement, cela permettait de faire « passer «  des mesures d’application immédiate.

L’outil valant, dans le cas précis, pour mettre en œuvre la fameuse « accélération » de l’application du texte au 1er septembre 2023 pour l’ensemble des natifs du second semestre 1961, premières victimes de la réforme Macron – Borne – Dussopt – Marchés financiers.

Mais les précautions prises par le Gouvernement ne se sont pas arrêtées là.

Puisque la discussion a été placée sous les augures de l’article 47 – 1 de la Constitution qui stipule (je cite)

Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique.

Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28.

(fin de citation)

Comme dirait l’autre, c’est un peu « ceinture et bretelles » du point de vue gouvernemental.

Et le troisième alinéa est bien entendu le plus incroyable dans ce schéma…

Pas d’accord du Parlement ?

Pas de souci, le recours aux ordonnances, sans même la présentation d’un projet de loi d’habilitation à utiliser la procédure de l’article 38 (le recours aux ordonnances justement) viendra faire la maille…

En pratique, on sait que le débat mené à l’Assemblée Nationale a surtout été marqué par une profusion d’utilisation des instruments du règlement régissant les activités législatives au Palais Bourbon, les travaux menés ne parvenant pas à dépasser les « articles additionnels après l’article 2 », le texte ne comprenant alors que l’article premier et trois dispositions additionnelles, l’article 2, relatif à l’emploi des seniors ayant été supprimé.

A la surprise générale, le texte transmis au Sénat comprenait l’article 2, rétabli dans son texte original, ce qui constitue une anomalie au regard du droit.

Le principe étant de transmettre un texte identique à ce qu’il était lors de la fin de la première lecture.

Bien évidemment, l’opposition, lors de la discussion au Palais Bourbon, a usé de l’ensemble des motions de procédure existantes (irrecevabilité sous les auspices du respect du droit constitutionnel, rejet préalable pour désaccord politique fondamental et renvoi à la commission pour examen plus approfondi du texte en commission avant discussion en séance publique), tous instruments repoussés par la majorité de circonstance entre les macronards et la droite.

Le débat sur la motion référendaire, qui s’entend comme le moyen de repousser le texte en convoquant les électeurs selon la procédure de l’article 11 de la Constitution, a été biaisé par une manœuvre de la Présidence de l’Assemblée Nationale qui a offert la motion au groupe du Rassemblement National.

Et ce, alors même que les groupes de gauche avaient déposé une motion avant le RN.

Rappel du contenu de l’article 11

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. (…)

(…) Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

(fin de citation)

A ce point, on soulignera que la motion référendaire de la gauche a été déposée le 23 janvier dernier à 20 h 10 et que celle du groupe RN l’a été le 24 janvier à 18 h.

Le fait que la conférence des Présidents de l’Assemblée Nationale ait donné priorité au texte de Marine Le Pen et de ses acolytes est une violation pure et simple de la pratique.

L’examen du projet de loi par le Sénat s’est produit dans un cadre exceptionnel, puisque dix jours consécutifs (du 2 au 12 mars), ont été inscrits par la Conférence des Présidents, rappelant aux journalistes parlementaires les périodes budgétaires mais aussi, il y a plus longtemps, la discussion du texte sur « l’égalité des chances » qui comprenait, entre autres mesures, le « contrat première embauche » qui mit dans la rue des centaines de milliers de jeunes et de salariés, conduisant au retrait de ce dispositif, par l’adoption d’une proposition de loi déposée en catastrophe par les présidents de groupe de la majorité d’alors au Sénat, à l’expresse demande du regretté Président Chirac…

Le texte a fait l’objet au Palais de Luxembourg de plus de cent heures de débats, avec une gauche combattant pied à pied chaque disposition du projet de loi, le groupe socialiste semblant vouloir faire oublier son propre soutien passé à la réforme Touraine de 2014 qui était revenue sur la retraite à 60 ans et avait programmé l’augmentation progressive de la durée d’assurance d’ici 2030 ; les groupes communiste et écologiste ont pris leur place dans le débat avec force amendements, sous amendements et prises de parole diverses.

Devant le risque croissant d’un échec de l’aboutissement du débat (c’est à dire un vote sur le projet de loi) et après avoir utilisé les armes de la recevabilité des amendements (1 125 des 6 012 amendements déposés ont été déclarés comme tels, permettant « d’économiser » au bas mot 40 heures de débat ), la majorité a multiplié les priorités avant d’effectuer des modifications de texte de dernière minute puis, enfin, d’invoquer l’article 38 du Réglement du Sénat.

Un article qui dispose

1. – Lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus dans la discussion générale d’un texte, sauf application de l’article 29 ter, sur l’ensemble d’un article ou dans les explications de vote portant sur un amendement, un article ou l’ensemble du texte en discussion, le président, un président de groupe ou le président de la commission saisie au fond peut proposer la clôture de ladite discussion.

2. – La parole est donnée sur cette proposition, à sa demande à un orateur par groupe et un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

3. – Le président consulte le Sénat à main levée. S’il y a doute sur le vote du Sénat, il est consulté par assis et levé. Si le doute persiste, la discussion continue. Si la proposition est adoptée, la clôture prend effet immédiatement.

(fin de citation)

Le Conseil Constitutionnel a néanmoins assorti l’application de cette mesure d’une réserve d’interprétation ainsi formulée « il appartiendra au président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(fin de citation)

Une réserve qui pourrait trouver à s’appliquer en cas de recours devant l’instance présidée par Laurent Fabius…

Mais comme cela n’a pas encore suffi, le Gouvernement a fini par user du « feu nucléaire », c’est à dire de l’article 44, alinéa 3 de la Constitution, véritable 49 – 3 pour application au Sénat.

L’article 44, qui donne vertu constitutionnelle au droit d’amendement, en réduit cependant le champ avec cette disposition ainsi rédigée (je cite)

« Si le Gouvernement le demande, l’Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. « 

Et, dans ce cadre là, tous les amendements refusés a priori par le Gouvernement sont présentés mais ne peuvent donner lieu ni à débat, ni à vote.

Ce que l’on appelle le « parlementarisme rationalisé ».

Dans cette affaire, seuls 70 du millier d’amendements qui demeurait à examiner ont trouvé grâce et ont été intégrés au texte.

Une bonne partie provenant de la commission saisie au fond, celle des affaires sociales.

Au stade actuel du débat, avant la réunion de la commission mixte paritaire qui, de par sa composition, devrait aboutir à un texte commun, proche évidemment de celui adopté au Sénat, l’incertitude demeure sur le vote final de l’Assemblée Nationale, l’équilibre politique du Palais Bourbon n’étant pas celui de la « maison de retraite » de Marie de Médicis.

Le recours au 49 – 3 n’est, in fine, pas exclu et avec lui le péril d’une conjonction de forces conduisant à la chute du Gouvernement Borne.

L’affaire n’est donc pas close…

Petit manuel de survie 2023 dans la jungle des impôts et taxes

Cette note de caractère informatif tend, dans un premier temps, à offrir tant aux lecteurs qu’aux lectrices une idée des ordres de grandeur des principales recettes fiscales perçues par l’Etat.

1- LA TVA

A tout seigneur tout honneur, l’impôt le plus rentable de notre législation fiscale française est la Taxe sur la Valeur Ajoutée ou TVA.

Les recettes brutes de cette taxe sont d’un montant significatif et atteignent en effet la somme de 284,8 Mds d’euros.

Rapporté à la population de notre pays, cela représente une somme de plus de 4 000 euros par habitant.

Mais la TVA est un impôt collecté par les entreprises et celles-ci jouissent d’une différence de traitement avec nous autres, pauvres consommateurs aux prises avec l’inflation.

C’est que la taxe « pesant » sur les achats de biens et de services desdites entreprises collectrices leur est remboursée par l’Etat.

D’où une TVA nette estimée pour 2023 à 215 Mds d’euros.

La différence (soit 69,8 Mds d’euros) alimente la trésorerie des « collecteurs ».

Mais cet ensemble de 215 Mds ne va pas en totalité dans les caisses de l’Etat et sert, désormais, de « couteau suisse » pour bien des politiques publiques.

Première affectation : le versement de 61,2 Mds prévus l’an prochain pour compenser aux organismes sociaux les allégements et exonérations de cotisations sociales accordés au fil du temps aux entreprises (allégement réduction du temps de travail, ristourne Fillon, pérennisation du CICE, etc…)

Deuxième affectation : 52,7 Mds en direction des collectivités locales pour compenser la réduction de leurs recettes fiscales (entre autres) et singulièrement la disparition programmée de la taxe d’habitation et celle de l’essentiel de ce qu’il restait de contribution des entreprises aux finances locales.

Troisième affectation : 3,8 Mds pour 2023 destinés à solder la disparition de la redevance audiovisuelle.

Remarquons en ce domaine que la disparition de la redevance emporte aussi celle de la charge du dégrèvement dont bénéficiaient un certain nombre de téléspectateurs, notamment les plus modestes et les plus âgés.

Ce n’est donc qu’au terme de ce processus que le solde de TVA, soit 97,4 Mds d’euros, parvient dans les caisses de l’Etat.

Résumons – nous avec un cas pratique.

Vous achetez un bien grevé de 1 000 euros de TVA.

Là-dessus, donc, si on applique le cheminement décrit plus haut, nous aurions la répartition suivante :

245 euros pour l’entreprise où vous achetez le bien

215 euros pour la Sécurité Sociale en lieu et place de votre employeur et de tout autre employeur de droit commercial

185 euros pour les budgets des collectivités locales (sur cette somme, on peut estimer à 81 euros la somme consacrée par l’Etat à compenser aux collectivités locales la disparition de la taxe d’habitation).

13 euros pour l’audiovisuel public.

Et donc, 342 euros pour le budget général.

Dont 13 seront d’ailleurs consacrés à financer le budget de l’Union Européenne.

On aura juste remarqué ici que certains étaient dispensés, il fut un temps, de payer la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle.

Il s’agit concrètement des 5,125 millions de foyers fiscaux qui, avant même la réforme de 2018, ne payaient pas la taxe d’habitation et des 4,57 millions de foyers exonérés de la redevance audiovisuelle (ce sont, en grande partie, les mêmes et on trouve aussi parmi eux les retraités et privés d’emploi dispensés de CSG).

Ils sont aujourd’hui autorisés à financer la télé publique et les différentes collectivités (Ville, Plaine commune, Département, Ile de France) avec leurs achats.

2- LA CSG

Sur la deuxième marche des Olympiades de la fiscalité, nous trouvons la Contribution Sociale Généralisée ou CSG, recette de l’Etat rétrocédée à la Sécurité Sociale, entre autres…

Inventée par Michel Rocard, au taux de 1,1 % pour financer la réduction des cotisations dites patronales destinées au financement des allocations familiales (déjà !), la CSG n’a fait depuis que croître et embellir, remplaçant par exemple pour les salariés les cotisations d’assurance maladie, processus mis en œuvre lors de la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 1998.

On rappellera ici, pour aller un peu vite, que la contribution dont le Conseil Constitutionnel a estimé qu’elle était plus proche d’un impôt que d’une cotisation sociale a priori (la retenue à la source, au titre de l’impôt sur le revenu, prouve a posteriori cette option, la CSG ayant la même caractéristique) et qu’elle présente la particularité de ne pas être totalement déductible du revenu imposable.

Effet immédiat : 25,8 Mds de CSG constituent le produit de cette double imposition des revenus d’activité (salaires surtout).

Cette somme représente en moyenne, de fait, une base d’imposition par actif située entre 900 et 1 000 euros par an.

Message à faire passer à ceux qui, ne payant pas d’impôt sur le revenu, croient ne pas payer d’impôt.

Et, si on regarde les revenus globalement soumis au taux de double imposition (2,4 %), surtout constitués de retraites et pensions (pour 90 %), on se retrouve avec un rendement de CSG de 7,1 Mds d’euros non déductible de l’impôt sur le revenu.

Maintenant, regardons un peu ce qu’il en est de l’utilisation de la manne céleste de la contribution.

Si la TVA est une sorte de couteau suisse pour les dépenses de l’Etat, la CSG est celui des dépenses sociales.

Le produit attendu pour 2023 pour la contribution serait ainsi réparti :

Caisse nationale d’assurance maladie 52 987 millions d’euros

Caisse nationale pour l’autonomie 31 739 millions d’euros

Caisse nationale d’allocations familiales 13 741 millions d’euros

Caisse nationale d’assurance vieillesse 0 euros

Mais il y a trois autres « récipiendaires » de la contribution, à savoir

Fonds de solidarité vieillesse 20 337 millions d’euros

UNEDIC 16 441 millions d’euros

Caisse d’amortissement de la dette sociale 9 885 millions d’euros

Soit un total de 145 130 millions d’euros.

Deux, trois observations, vite fait, bien fait.

Un, le premier quinquennat Macron a supprimé les cotisations dites salariales pour les allocations familiales et l’assurance chômage.

Mais il semble bien, avec la répartition de la CSG, que ces « cotisations » soient revenues sous forme de contribution sociale généralisée…

Le produit de CSG destiné à l’UNEDIC, d’après des documents officiels, constitue en effet environ 40 % des ressources de l’assurance chômage et il a été introduit récemment, postérieurement à la suppression de la cotisation chômage dite salariale.

Il semble qu’il permette à l’institution de dégager, dès cette année, un excédent de 2,5 Mds d’euros (ce qui pose la question de connaître l’utilité de la réforme en cours de l’assurance chômage) dont l’affectation est d’ailleurs toute trouvée.

C’est-à-dire, d’une part, payer 4,3 Mds pour le fonctionnement de Pôle Emploi, en lieu et place du budget du Ministère du Travail et, d’autre part, de participer au remboursement de la dette UNEDIC qui a explosé avec le Covid et atteint, fin 2021, 63,6 Mds.

Deux, le financement du Fonds de solidarité vieillesse (20,3 Mds) est quasi exclusivement assuré par la CSG.

Celle concernant les revenus de remplacement et celle frappant les revenus du capital et du patrimoine.

Concrètement, les prévisions portent sur 8,7 Mds perçus sur les retraites, pensions, indemnités journalières de maladie et allocations chômage et 11,6 Mds pour les revenus du capital.

Cela aboutit en fait à faire payer les retraités d’aujourd’hui pour les retraités de demain, puisque le FSV a vocation à combler les cotisations non perçues pour cause de chômage, de maladie mais aussi ceux d’aujourd’hui qui sont au « minimum vieillesse ».

On notera cependant, s’agissant des revenus de capitaux que, malgré la modification de la clé de répartition des prélèvements fiscaux les concernant, le rendement a repris sa marche en avant.

Les 11,6 Mds d’euros attendus pour 2023 constituent une somme supérieure de 1,4 Md à celle perçue en 2021…

Trois, la CSG constitue la recette essentielle de la caisse autonomie.

Pour 2023, la branche devrait disposer de 36,06 Mds de ressources dont, donc, 31,74 Mds de CSG.

Dans cet ensemble, les revenus d’activité (salariés essentiellement) vont apporter 21,58 Mds.

L’apport se double du rendement de la CSA (le machin qui recueille les sommes prélevées pour non – paiement du Lundi de Pentecôte) pour 2,38 Mds et sa cotisation additionnelle pour 0,86 Md.

Quatre, on a vu que dix milliards de CSG (ou presque) servent à amortir la dette sociale.

Cet apport vient compléter le rendement de la petite sœur de la CSG, la fameuse contribution de remboursement de la dette sociale (ou CRDS), cette taxe quasi invisible qui devrait rapporter en 2023 rien moins que 8 716 millions d’euros.

Faut dire qu’il reste 115 Mds d’euros à amortir, pour cause de crise sanitaire récente, entre autres.

Nous rappellerons ici que, le fameux « quoi qu’il en coûte » de la phase Covid a autorisé la prolongation de la perception de la CRDS jusqu’en 2034…

Cinq, en 2023, selon la commission des comptes de la Sécurité Sociale, les branches accidents du travail/maladies professionnelles, famille et le FSV devraient se situer à l’excédent.

Des ajustements à la marge de la répartition de la CSG pourraient déjà rectifier à la baisse le déficit de la branche maladie (qui prend souvent à son compte des affections non reconnues au titre des maladies professionnelles) comme celui de la branche vieillesse en réduisant la part de CSG attribuée au FSV.

3- L’IMPÔT SUR LE REVENU

Troisième marche du podium : l’impôt sur le revenu.

L’impôt 2023 sera marqué par un sensible ajustement du barème de l’imposition puisque les différentes bornes des tranches d’imposition sont relevées, dans le projet de loi de finances initiale, de 5,4 %, c’est-à-dire le taux d’inflation estimé pour l’année par l’INSEE au mois de juillet.

Ainsi, le seuil de la tranche taxée à 11 % est porté à 10 777 euros au lieu de 10 225 euros.

Pour le rendement de l’impôt, il est estimé à 109,8 Mds d’euros par les services du Ministère des Finances.

83,6 Mds d’euros seraient collectés au travers de la retenue à la source et du versement des acomptes dits contemporains.

Il y a donc 26,1 Mds d’euros qui rentreraient dans les caisses en dehors de ce processus.

Cela concerne à la fois les gens en situation de dette fiscale, la remboursant au fil du temps (pour environ 3,6 Mds) mais également des contribuables soldant l’impôt de revenus placés en attente d’imposition (plus – values), des contribuables devant corriger leur imposition en vertu de leurs acomptes passés et de la réalité de leurs revenus de l’année n (cela constitue une masse de plus de 15 Mds d’euros) été, pour conclure sur ce chapitre, des plus – values immobilières (estimation 1,3 Md) et produit du prélèvement forfaitaire unique (estimation 6,1 Mds).

Arrêtons – nous un instant sur le cas de ce prélèvement.

Il s’agit du fameux prélèvement de 12,8 % qui a été mis en place au début du premier quinquennat Macron et qui visait à intéresser les contribuables au financement de l’économie en développant l’actionnariat « populaire ».

La réalité conduit à rappeler ici que tout contribuable dont le taux d’imposition apparent (soit le pourcentage découlant du rapport impôt/revenu déclaré) était supérieur à 12,8 % pouvait avoir quelque intérêt à solliciter ce dispositif.

Autant dire que cela n’intéresse guère les contribuables non imposables, modestes et même moyens.

Parce que les seuls dont le taux d’imposition apparent dépasse 12,8 % sont les 930 847 contribuables (sur 39 887 586) dont le revenu imposable par foyer dépasse les 100 000 euros annuels.

Le revenu moyen, national, de ces foyers se situe à quelques euros près à 196 400 euros.

Et donc fort susceptibles d’être en grande partie soumis au taux maximal d’imposition à 45 %.

Seuil qui serait probablement franchi si ces revenus étaient intégrés à l’assiette fiscale imposée au barème, comme c’était le cas sous la présidence de François Hollande.

Le bénéfice de la non – imposition est donc net : il peut être estimé à 45 – 12,8 = 32,2 %.

Si 6,1 Mds d’euros représentent le produit de 12,8 % d’imposition forfaitaire, soit 476 millions par point, une petite règle de trois nous permet de définir :

476 x 32,2 = 15,34 Mds d’euros de recettes fiscales abandonnés.

Ceci constituerait l’estimation haute d’une dépense fiscale pas vraiment chiffrée.

Et l’hypothèse basse, c’est le décalage entre taux apparent moyen d’imposition et taux d’imposition forfaitaire.

Les hauts revenus ont un taux d’imposition apparent de 18,6 %.

Il s’agit, concrètement, de la situation de ces 930 000 foyers fiscaux (soit 2,3 % du total des contribuables), disposant de 182,8 Mds d’euros de revenus imposables (soit 16,5 % du total) et payant 34,03 Mds (soit 46 % du total).

Leur économie d’impôt semble donc, au minimum, constituer 5,8 % de la valeur de leurs revenus de capitaux, soit une moins – value fiscale pour l’Etat de 476 x 5,8 = 2,76 Mds.

La réalité de la perte de recettes est probablement entre les deux bornes ainsi définies.

On notera cependant que, par la grâce de moult mesures et modalités de fixation de la cotisation, un peu plus de 25 000 de ces foyers fiscaux sont dispensés de payer l’impôt sur le revenu.

De pauvres contribuables dont le revenu moyen est de 154 270 euros environ par an.

On rappellera ici que les revenus du capital et du patrimoine sollicités pour financer la Sécurité Sociale en 2023 s’élèveraient à 175 Mds d’euros environ.

Une fois cependant parvenus au produit brut de l’impôt, il reste à définir le produit net qui est estimé pour 2023 à 86,9 Mds d’euros.

Dans cet ensemble, pèle – mêle, les remboursements de prélèvement à la source excessif, les dépenses fiscales diverses et variées, etc, etc…

La dépense relative à l’emploi de salariés à domicile, avec un coût de 7,95 Mds d’euros, se positionne d’ailleurs en première position parmi les dépenses fiscales de notre législation.

Sur la base de 2022, cela représente toutefois un crédit d’impôt de 1 334 euros par contribuable.

Rien à voir avec l’aide aux investissements Outre – Mer, qui s’établirait à 19 600 euros environ cette année…

Ou les 5 100 euros des investissements sous régime Duflot Pinel et même les 8 250 euros du peu connu et avantageux régime immobilier Denormandie.

Vous en reprendrez une tranche, histoire d’artificialiser encore un peu plus les sols et de densifier les centres villes de logements inaccessibles aux demandeurs de logement ?

(la suite au prochain numéro)

A gauche, rien de nouveau ?

Nous avons reçu ce texte d’un ami de banlieue Nord.

Cela fait quelques jours qu’à l’initiative de l’un de nos amis les plus chers, le débat s’est ouvert sur le petit événement politique que va constituer la « Primaire populaire ».

Promue à l’initiative de jeunes trentenaires par ailleurs eux mêmes engagés dans certains combats (singulièrement ici le dialogue inter religieux et la lutte contre le changement climatique), cette Primaire vise l’intention de départager, si l’on peut dire, les candidats et aspirants candidats de la présidentielle venus du flanc gauche de l’échiquier politique.

Une visite du site de l’initiative nous indique qu’à partir d’un socle commun reprenant des propositions de treize partis et mouvements de gauche et écologistes (je cite)

130.000 citoyens et citoyennes parrainant et proposent les personnalités qu’ils et elles veulent voir au vote de la Primaire Populaire.

Le 11 octobre, la Primaire Populaire présente les 5 hommes et les 5 femmes ayant reçu le plus de parrainages : Anna Agueb-Porterie, Clémentine Autain, Gaël Giraud, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Pierre Larrouturou, Charlotte Marchandise, Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et Christiane Taubira.

C’est parmi cette liste que figurent les personnalités présentées au vote final, du 27 au 30 janvier.

( fin de citation).

Ce simple rappel, faut il le dire, montre déjà une partie des limites de l’exercice puisqu’il s’agit, de fait, de se conformer aux contraintes mêmes du cadre institutionnel de notre pays.

Car c’est d’abord au regard de ce cadre que l’on peut interroger le processus de la Primaire populaire.

Le socle commun est certes une chose et mérite d’être regardé avec intérêt.

Sans préjuger de ce que je pourrais être amené à dire dessus, et bien que je ne sois pas du tout professeur de mathématiques, disons qu’il se rapproche plus du plus petit commun multiple que de la base d’un large rassemblement.

Mais revenons en au cadre institutionnel.

La Constitution a beau affirmer que (je cite de nouveau)

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (article premier)

(fin de citation)

Elle se trouve engoncée dans un cadre institutionnel qui a donné au Président de la République un rôle quasi monarchique, comme si nous n’avions pu, plus de deux cents ans après la Grande Révolution de 1789, réussi à nous débarrasser de la nécessité d’une figure tutélaire de représentation du pouvoir.

Et l’évolution des choses a d’ailleurs fait que cette orientation s’est renforcée avec le temps.

Les phases furent relativement distinctes sur la durée commençant avec le referendum conduisant à l’élection du Président de la République au suffrage universel et, dès le départ, la définition même de modalités peu ordinaires du scrutin.

Car le principe de ne retenir que deux candidats au second tour n’existe alors dans aucun autre scrutin où, sous des conditions diverses, les électeurs disposent d’un choix plus élargi…

La bipolarisation favorisée par l’élection présidentielle va commencer de durablement structurer la vie politique de notre pays, conduisant notamment la gauche, alors divisée fondamentalement entre trois forces politiques d’importance variable, à rechercher les voies et moyens d’une union politique, voire programmatique.

La France des années 60, c’est celle d’un Parti communiste disposant du soutien d’un électeur sur cinq ou sur quatre, selon les scrutins, et gestionnaire d’un certain nombre de villes plus ou moins importantes du pays, à commencer par ce que l’on appelait alors la « banlieue rouge » et qui recoupait, notamment, quasiment tout le territoire de Plaine Commune.

C’est aussi celle d’une SFIO à la recherche d’une forme de renouvellement, la rapprochant des jours heureux de 1936 où Léon Blum en avait fait la première force politique du pays, sujette aux soubresauts des aventures coloniales, conduisant à l’émiettement des forces militantes et aux scissions.

La SFIO, ne l’oublions pas, avait accepté l’arrivée de De Gaulle et Guy Mollet, entre autres, Ministre d’Etat, a apposé sa signature au bas du document constitutionnel originel.

Les socialistes avaient ainsi gagné à cette affaire de ne pas tout à fait disparaître de l’Assemblée Nationale, mais les pertes de certaines places fortes socialistes aux municipales de 1959 et la scission du PSU avaient consommé l’amorce du déclin du « mollettisme ».

A gauche, le PSU était devenu une petite force montante, tandis qu’une nébuleuse de mouvements, clubs et autres tentaient d’entretenir la flamme du « socialisme démocratique à la française ».

A commencer par le Club des Jacobins, le CERES ou encore la Convention des Institutions Républicaines, mouvement lancé par François Mitterrand et Charles Hernu (animateur du Club des Jacobins) pour oeuvrer à la réunion des différentes chapelles de tendance socialiste.

La gauche comportait également à l’époque une composante « radicale et radicale socialiste », bien loin de son aura de la IIIe République, mais qui tenait encore un certain nombre de positions électives importantes et présidait, en la personne de Gaston Monnerville, sénateur du Lot, aux affaires du Palais du Luxembourg.

Souvent opposé au gaullisme pur et dur, le Sénat était aussi un lieu de compromis entre radicaux (réunis dans le défunt groupe de la Gauche Démocratique) et centristes de diverses obédiences.

Dès la première élection présidentielle, faut – il le rappeler, se pose la question de la présence d’un seul candidat de gauche.

L’analyse, tant de la direction de la SFIO que de celle du PCF, est la suivante : l’aura historique du sortant ne laisse en effet a priori aucune chance à une gauche divisée de jouer le moindre rôle dans le scrutin.

D’aucuns sont même convaincus que «le Grand Charles » sera élu sans difficulté dès le premier tour, au bout d’une sorte de scrutin plébiscitaire.

C’est en vertu de ces principes qu’une sorte de modus vivendi est arrêté entre le Carrefour Châteaudun (siège du PCF) et la cité Malesherbes (siège de la SFIO) pour définir une forme de position commune s’arrêtant sur un candidat « commun » acceptable par les deux partis.

C’est donc un tiers candidat, ni PCF, ni SFIO, qui fut choisi pour faire affaire, et ce fut en l’espèce un certain François Mitterrand.

On sait que De Gaulle fut mis en ballottage avant d’être réélu avec 55 % des suffrages, chant du cygne d’un gaullisme intégral qui subira l’affront du referendum d’avril 1969, sorte de prolongement électoral du grand mouvement social du millésime précédent qui n’avait pas trouvé de traduction au fil des élections anticipées de juin, sans doute faute d’un minimum d’accord programmatique entre les forces de gauche.

Ceux et celles qui, comme moi, ont connu cette époque (et l’ont parfois étudié), se souviennent sans doute encore de la gauche divisée au printemps 69 entre plusieurs candidats, à savoir le communiste historique Jacques Duclos, le socialiste SFIO Gaston Defferre, alors Maire de Marseille depuis plus de quinze ans, le PSU Michel Rocard et un jeune candidat d’extrême gauche nommé Alain Krivine, résident de notre ville depuis un certain temps…

Une part non négligeable de l’électorat comme des responsables SFIO, nourris au lait de l’anticommunisme militant, n’a pas voté en faveur de Gaston Defferre, celui – ci étant tombé en effet à … 5,01 % des votes, soit exactement 3 023 voix au – dessus de la barre qui aurait conduit la SFIO à « bouillonner » l’ensemble des dépenses électorales de la campagne.

Ils ont préféré le vote Poher, en faveur du Président du Sénat, d’obédience centriste, élu en 1968 avec le soutien de la droite aux dépens de Monnerville.

Et faisaient d’une pierre deux coups en évitant de permettre au candidat communiste de se retrouver au second tour face à Pompidou.

Notons cependant qu’à la fois en 1968 comme au fil des premières années de la décennie 70, la droite au pouvoir a consenti un certain nombre de réformes diverses et loin d’être secondaires, nonobstant un cadre politique où le parti présidentiel disposait de la majorité absolue au Palais Bourbon.

Il suffit de penser aux textes relatifs aux universités, à l’apprentissage, à la lutte contre le racisme, à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la formation professionnelle continue, sans parler des conquêtes sociales issues de mai 68 et traduites dans le code du travail, notamment.

L’aspiration à l’unité des forces de gauche a continué de se manifester, en particulier portée par un mouvement social où le paysage syndical avait été modifié en 1964 par la « déconfessionnalisation » de la CFTC, dont la majorité avait constitué la CFDT, tandis que le mouvement de mai 1968 avait conduit au renforcement massif des organisations.

Le courant socialiste avait continué sa « synthèse », conduisant, au gymnase Léo Lagrange d’Epinay sur Seine (ville devenue socialiste au printemps 71), au « Congrès de l’unité des socialistes ».

Je ne reviendrai pas ici sur la mésaventure de Guy Mollet découvrant au restaurant du Duc d’Enghien une table occupée par Mitterrand, Gaston Defferre, Pierre Mauroy et Jean Pierre Chevènement s’étant accordés sur la manière de prendre en mains le nouveau Parti.

Ainsi réuni, le PS deviendra acteur d’une alliance politique et programmatique avec le PCF, matérialisée en juin 1972, à environ neuf mois du renouvellement de l’Assemblée nationale élue en 1968, par la signature du programme commun de gouvernement de la gauche, comportant un certain nombre de mesures de caractère économique et social tout à fait audacieuses pour l’époque, à commencer par la nationalisation d’une grande partie de l’appareil productif mais aussi du secteur bancaire et financier.

Le scrutin de mars 1973 conduira au renforcement des groupes de l’opposition de gauche au sein de l’Assemblée nationale, la droite étant sauvée en partie par la réalité du découpage électoral, celui ci ayant tendance à la favoriser.

Ainsi, alors que la France connaissait de profondes mutations urbaines, la ville de Paris élisait rien moins que 31 députés pour un peu plus de 2,2 millions d’habitants et la Seine Saint Denis 9 pour 1,3 million.

La circonscription la plus peuplée de France, située dans les Bouches du Rhône, comptait alors environ 190 000 habitants, tandis qu’on avait deux députés en Lozère pour un département comptant au total moins de 75 000 habitants.

Sans parler, évidemment, des élus des archipels de Wallis et Futuna ou de Saint Pierre et Miquelon…

Au plan strictement politique, l’ensemble constitué autour du PS ( l’Union de la Gauche Socialiste et Démocratique) est arrivé légèrement devant le PCF, situation nouvelle au plan des rapports de forces internes à la gauche depuis la Libération.

Lors du scrutin anticipé de 1974, Mitterrand s’imposera a priori comme le candidat le plus à même d’être élu face aux candidats d’une droite divisée entre ses deux courants historiques.

On sait qu’il sera très près d’une élection au second tour, en dépassant les 49 % des votes, n’ayant à gauche que la concurrence des candidats d’extrême gauche, Alain Krivine et Arlette Laguiller, tandis que sera enregistrée la première candidature écologiste, avec René Dumont.

On connait la suite et notamment le scrutin de 1981 conduisant à la victoire de François Mitterrand au second tour d’une élection où s’exprimera la pluralité de la gauche, avec un candidat PS, un candidat PCF, une candidate PSU, un candidat radical de gauche et une candidate LO.

Sans oublier le candidat écologiste désormais habituel.

Un ensemble de facteurs convergents ont mené à la victoire le candidat du PS, et n’en retenir qu’un serait sans doute erroné.

Ce n’est pas seulement parce que certains réseaux chiraquiens ont opté pour le vote révolutionnaire au second tour (contre Giscard) que l’ancien Ministre de la Quatrième République a été élu…

D’autant que la victoire fut d’abord, dans le contexte de la France de 1981, celle de la jeunesse (Mitterrand obtenant plus de 60 % des votes chez les moins de 34 ans) et du monde du travail (les ouvriers et employés ont été, et de loin, les catégories socio professionnelles les plus massivement favorables au vote Mitterrand) face à la France des chefs d’entreprise, du commerce et des patrimoines familiaux jalousement préservés.

Autant dire que la gauche a gagné en 1981 parce qu’elle entretenait un lien particulier, renforcé au fil des luttes et des expériences des années 60 et 70, avec sa base sociale et économique, réunie par l’espérance de lendemains différents…

Dire qu’il conviendrait aujourd’hui, pour la gauche, de débattre, d’agir et de rassembler ce qui lui a permis de l’emporter jadis est une évidence.

Le problème, c’est que 1981 devint, malgré la bonne volonté des uns et des autres, la première expérience du fameux cycle « espérance – illusion – déception » qu’on a pu voir se reproduire entre 1988 et 1993, entre 1997 et 2002 et sans doute pendant le quinquennat de Hollande.

Pourquoi, n’est – ce pas, avoir dénoncé le « monde de la finance » comme principal ennemi, pour finir par mettre en place le crédit d’impôt compétitivité emploi et la loi El Khomri, revenant en bien des points sur les acquis des lois Auroux de 1981 (notamment la création des CHSCT) et même ceux de 1968 et des conquis sociaux obtenus sous des gestions de droite ?

La social – démocratie, en France comme en Europe, est en crise.

J’ai même l’impression que son projet (singulièrement sa dimension européenne) s’est si rudement fracassé à la réalité qu’elle a emporté l’écologie en bagage accompagné pour essayer elle – même de se ressourcer et de se reconstituer.

Si vous voulez mon point de vue, je considère les candidats retenus par l’équipe de la primaire populaire comme autant d’avatars divers de cette recherche de sens, non pas de la gauche au sens strict du mot, mais de la seule social – démocratie.

Cela vaut pour Yannick Jadot, largement gagné par ailleurs à une logique européenne et « internationale » qui fait presque de lui un candidat incongru d’une simple élection présidentielle, comme pour Jean Luc Mélenchon, ancien lambertiste converti au mitterrandisme au tournant des années 80.

Jean Luc Mélenchon dont une militante m’a fait cette réponse ce matin, lors même je lui faisais remarquer que revenir à la retraite à soixante ans était une bonne idée, mais que maintenir le principe des quarante annuités ne permettait pas de résoudre le problème pour les personnes entrant tardivement dans la vie active (notamment les étudiants) « bah, c’est quarante deux ans aujourd’hui. (Merci Hollande et Touraine), ce sera déjà cela de revenir à soixante ans. »

A ma seconde question : « et pourquoi pas 37,5 années ? », j’eus comme réponse « bah, on peut pas, tout de suite ».

Ainsi donc, la France dont le PIB, en 2022, malgré la récession de 2020, est autrement plus élevé qu’en 1981 (nous sommes passés d’un PIB par habitant inférieur à 10 000 euros à un PIB légèrement inférieur à 34 000 euros), ne serait pas ou plus en situation de financer des pensions et retraites liquidables à soixante ans sur la base de 37,5 années…

Il n’y a pas de honte à se dire ou être social – démocrate.

Historiquement, c’est même l’un des courants du socialisme français.

Quand bien même ses prises de position, à plusieurs reprises, ont posé problème aux catégories sociales dont il était censé porter les aspirations.

On peut ici évoquer 1914 et le ralliement à l’Union Sacrée (qui fut aussi le fait d’un certain nombre d’anarchistes engagés dans le mouvement syndical d’alors), comme on peut citer la « non intervention «  en Espagne en 1936, la ratification des accords de Munich en 1938, les aventures coloniales en Indochine et en Algérie et, plus près de nous, la guerre du Golfe en 1990, sans parler de la ratification des Traités européens et du reférendum constitutionnel de 2005.

La vie du courant social – démocrate en France est donc pleine de ces actes, de ces errements, de ces reniements que nous devons garder à l’esprit dès lors que nous interrogeons la situation actuelle.

On pourra d’ailleurs ici souligner que le PS a tenté, au tournant des années 2000, de tirer parti des limites mêmes de la Cinquième République.

Premier temps : le quinquennat avec le referendum du 24 septembre 2000 qui a réduit à cinq ans la durée du mandat présidentiel.

Sur un plan personnel, j’ai voté contre le quinquennat.

Parce que j’étais convaincu à l’époque (et je le suis toujours) que le recours au quinquennat était, a priori, le plus sûr moyen de permettre au même d’exercer le pouvoir pendant dix ans, c’est à dire pendant deux mandats consécutifs.

C’est à dire que l’élection présidentielle pouvait devenir, plus encore qu’elle ne l’était déjà, l’élection pivot des institutions.

Je rappellerai ici que le referendum en question vit la participation de 30 % du corps électoral et que près de deux millions d’électeurs ont voté blanc ou nul.

Le quinquennat a été adopté par un peu plus de 7,4 millions d’électeurs, soit moins d’un électeur sur cinq, alors.

En d’autres démocraties, quelque peu habituées au mode référendaire (la Suisse par exemple), le résultat n’aurait pas été validé…

La seconde phase des errements du PS d’alors, c’est le projet de loi sur l’inversion du calendrier électoral durant l’hiver 2001.

Sortant les règles à calcul, les promoteurs du quinquennat ont découvert qu’au printemps 2002, nous risquions d’avoir un calendrier électoral chargé, avec les élections législatives suivi d’une élection présidentielle, celle – ci portant en elle – même le risque d’une dissolution ultérieure de l’Assemblée, pour peu que le pensionnaire de l’Elysée n’ait pas la couleur politique de la majorité parlementaire.

Peu de gens s’en souviennent mais la droite parlementaire de l’époque, notamment au Sénat, s’est profondément opposée à l’inversion.

Au – delà des conjectures et des arguments plus ou moins fielleux alors sollicités, l’adoption de l’inversion a placé, de fait, les élections législatives sous « domination » de la présidentielle.

Le premier tour des législatives est devenu une forme de « confirmation «  du vote présidentiel.

C’est à dire que les candidats investis par le ou les partis soutenant le Président élu quelques semaines avant bénéficient d’un bonus électoral, en général matérialisé par la désaffection des électorats de leurs adversaires.

Parfois, alors, le second tour « corrige » légèrement le tir et permet d’éviter une Assemblée nationale par trop monocolore (comme on l’a vu en 2007 où les bafouillis de Jean Louis Borloo sur la TVA sociale en pleine soirée électorale ont fouetté la conscience d’un électorat de gauche matraqué par le succès de Sarkozy en mai).

Mais le mal est fait, et les seconds tours sont souvent des duels entre candidats du pouvoir et opposants trop différents pour constituer la moindre alternative.

Ce fut vrai en 2002 comme en 2007 (majorités de droite), en 2012 (majorité PS et apparentés), et, enfin en 2017 (majorité macroniste).

Pour ce millésime, et pour mesurer ce que signifie la démobilisation des électeurs battus de la présidentielle, comment ne pas comparer les 3 113 109 voix des candidats FI et PCF des législatives (les deux partis ayant soutenu le même candidat) et les 7 059 951 suffrages de Jean Luc Mélenchon lors du scrutin présidentiel. ?

C’est sans doute là l’un des éléments du succès des macronistes, ceux ci n’ayant, au demeurant, pas progressé en voix entre les deux scrutins.

Mais comme les candidats Républicains ont perdu la moitié des votes Fillon du premier tour de la présidentielle et que le RN en a également laissé quatre millions et demi, la route de la victoire était ouverte au rassemblement de « l’extrême centre ».

On ne peut que souligner que cette période quinquennale de fièvre électorale, d’abord présidentielle puis parlementaire, participe à « cadenasser « la vie politique du pays, les ressources du droit parlementaire étant suffisantes pour assurer à la majorité de l’Assemblée Nationale, soutenant le Président élu le droit d’avoir le dernier mot.

Quinquennat et inversion du calendrier auront donc conduit à « fermer le jeu », ne faisant d’ailleurs (il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qu’il en est en matière de participation électorale) des autres consultations (régionales, départementales, municipales, sans parler des européennes) que des élections secondaires et confidentielles.

L’éloignement entre le « peuple » dans sa diversité et ses représentants politique n’a, de fait, cessé de s’accroître, la chose étant largement confirmée par le recrutement sociologique des membres des deux Assemblées.

J’ai à l’esprit, au moment où j’écris cela, la situation d’une amie à moi, devenue conseillère départementale dans son Département d’origine, et dont le statut de salarié(e), avec les contraintes que cela lui pose dans l’exercice du mandat électif tiré du suffrage populaire et universel, dépare dans un Conseil départemental empli de retraités, de dames patronnesses et de chefs d’entreprise plus ou moins en activité…

Car, à la réflexion, dans le concept de « Primaire populaire », il y a un mot qui appelle quelques développements.

Celui de « populaire ».

Pour aller vite, d’autant que plein de personnalités tout à fait admirables et sympathiques (Juliette Binoche, Charles Berling, Dominique Méda, Stanislas Nordey, Christophe Alevêque ou Jean Claude Gallotta) nous enjoignent d’y participer, qu’est – ce qu’est le « peuple » aujourd’hui et notamment le « peuple de gauche » ?

Pour escamoter le débat, d’une certaine manière, on pourrait reprendre la fameuse formule de Brecht qui disait « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple ».

Et paraphraser en disant « Puisque le peuple ne vote pas pour la gauche, il faut dissoudre le peuple »…

Soyons un poil plus sérieux.

Puisque nous sommes, me semble t il, confrontés à une situation déroutante.

A écouter media publics et privés, ou ce formidable medium de la voie publique, les gens sont préoccupés par la hausse des prix, par leur pouvoir d’achat (que ne viennent ils pas tous et plus dans les coopératives sans marge ?), sur leurs retraites ou encore sur la santé…

Ces thématiques sont, le plus souvent, des « thématiques de gauche » qui semblent montrer, avec évidence, une distorsion entre le niveau des préoccupations « populaires » et leur traduction politique.

La course entre Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Nicolas Dupont Aignan et Eric Zemmour sur le niveau de l’exonération fiscale de l’habitation principale des redevables de l’impôt sur la fortune immobilière n’est pas le sujet le plus en cours.

Il y a clairement une question sur la « consistance » de l’objet peuple.

Certains auront remarqué (je suis mauvaise langue) que les initiateurs de la primaire populaire ont la particularité de ne pas être tout à fait des « perdreaux de l’année » en matière d’engagement politique ou associatif, à commencer par Mathilde Imer (qui a fait partie de la Convention citoyenne pour le Climat) ou Samuel Grzybowski, sans parler des autres membres du bureau de la Primaire, souvent issus du petit monde de la start up Nation…

Le peuple, cela existe, effectivement et je vais même dire, contrairement à certains ouvrages définitifs sur cette thématique, que le « prolétariat » existe et qu’il importe de le sortir de la situation d’invisibilité où il est aujourd’hui entretenu tant par la presse, que par les media audiovisuels, sans parler de la création artistique dans ce pays qui, trop souvent, ne s’intéresse qu’aux petits soucis et petites intrigues de la petite bourgeoisie…

Nous en avons d’ailleurs l’illustration dans l’activité même de notre coopérative, projet d’origine novatrice et aventure passionnante par ailleurs, mais qui semble comme en crise (au sens premier du terme) parce qu’elle se cogne à l’invisible, au mur qui nous sépare d’une bonne partie de la population de notre ville.

Prenons un cas d’espèce.

Dans le prolétariat dionysien, figurent probablement une bonne partie des livreurs à vélo qui assurent de plus en plus, comme on dit, « la logistique du dernier kilomètre »…

On les évalue à 200 000 en France, entre ceux ayant du supporter la situation d’agents commerciaux de Deliveroo, Stuart (filiale de la Poste) ou Frichti et ceux ayant réussi à voir leur contrat requalifié en contrat salarié.

Si tel est le cas, cela signifie que nous en compterions entre 300 et 350 dans notre ville, au regard de sa population…

On se rend compte de la chose… il y aurait l’équivalent des adhérents de deux des coopératives de Saint Denis tentant de gagner sa vie en pédalant sur un vélo ou en le portant jusque dans une rame du RER pour réduire un peu le temps de parcours…

Le prolétariat ou la « classe ouvrière », cela existe.

Et cela recouvre par exemple nos livreurs à vélo, les vigiles et gardiens d’immeuble, ou de centres commerciaux, les démarcheurs téléphoniques des centres d’appel (ceux qui doivent désespérer de me vendre un contrat fibre optique), les ouvriers et surtout ouvrières nettoyeurs(euses) de nos bureaux et institutions, les manutentionnaires de chez Amazon payés au SMIC pour liquider les libraires de quartier, les sans papiers qui font la plonge dans les grands hôtels de luxe accueillant les requins de la finance, les sans papiers ramassant les poubelles à Paris, les sans papiers construisant les grands chantiers publics de France et d’ailleurs…

C’est aussi le petit monde des gérants mandataires de points Relay ou Sitis, les employées à temps partiel contraint de chez Franprix ou Auchan, les distributeurs de journaux gratuits et de prospectus, les mamans africaines vendeuses de manioc et de maïs, tous ceux qui peuplent nos cités, animent nos rues, que nous croisons peut – être sans avoir jamais fait attention réellement à leur situation.

Je dois dire ma surprise constante que de vérifier à quel point le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication ont constitué un support majeur à l’explosion du précariat, ces emplois produit de la parcellisation forcenée des tâches et de la course au moins disant.

Et le peuple, fût – il ou non de gauche, c’est aussi l’enseignant en école maternelle dévoué à sa tâche, c’est l’infirmière attentive à ses patients, le cheminot conduisant son train, le créateur victime de l’intermittence et de la raréfaction des financements désintéressés.

Pour peu que l’on croit à la justice sociale, aux valeurs fondatrices de la République (nous ne sommes ni en Belgique où l’on célèbre « Le Roi, le Droit, la Liberté «  ou aux USA puisque la laïcité nous dispense d’adopter « In God we trust »), que l’on préfère l’égalité des droits à l’incertitude des « chances », on se situe du côté de la défense et de l’approfondissement des statuts et garanties individuels et collectifs, facteurs d’émancipation.

Mais il faut aussi de l’écologie mentale, là – dedans.

Je suis profondément, de longue date et durablement de gauche, mais je n’ai jamais ressenti le sentiment de découragement que certains media essaient ces temps derniers d’instiller, préparant la voie à une abstention massive qui sera l’un des éléments surveillés des prochaines élections.

Et ne pas oublier quelques points historiques récents…

Ceux et celles qui ont des expériences militantes, syndicales ou politiques, ont-ils oublié que la réforme des retraites, interrompue du fait de la pandémie, avait commencé d’animer quelque peu les rues de nos villes et l’action des forces sociales durant les années 2018 et 2019, accompagnées notamment dans l’exercice par les agents et praticiens hospitaliers ?

Avant d’applaudir les « soignants » au printemps 2020, je me souviens qu’on les matraquait dès qu’ils manifestaient…

Le quinquennat de Macron, pour résumer, se sera de fait limité à une série de conflits sociaux plus ou moins sérieux (gilets jaunes entre autres) suivis ou précédés de la mise en œuvre d’états d’urgence, sécuritaire d’abord avant d’être sanitaire, permettant de tester la capacité de nos gouvernants à réduire les libertés publiques.

Quant aux réformes, concept particulièrement galvaudé, elles n’auront guère été au rendez vous.

En tout cas, pas celles qui nous auraient rendu la vie plus facile.

Alors, gardons à l’esprit les limites de l’exercice démocratique de la présidentielle, comme des législatives et ne perdons pas de vue que ces élections ne sont qu’un moment de la vie politique de notre pays.

Et qu’il n’est pas impossible que l’alternative ne trouve forme qu’au travers de luttes qui ne devraient pas trouver à monter, au fil des mesures impopulaires…

RETRAITE – les régimes spéciaux

QUELQUES ELEMENTS SUR LES REGIMES SPECIAUX

Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale rectificative qui comporte les paramètres financiers de la réforme des retraites (dont nous verrons peut être dans l’année le second volet) s’attaque à la situation de cinq régimes spéciaux.

On rappellera ici que les régimes spéciaux, selon les données 2021, concernent au total rien moins que près de 6,8 millions de cotisants mais surtout 8,6 millions de retraités (pratiquement un sur deux en France) et plus de 600 000 personnes en invalidité.

C’est à dire plus de 40 % des assurés sociaux, hors fonctionnaires d’État.

Cinq de ces régimes vont faire l’objet d’une mise en extinction progressive.

Elle vise le régime de retraite de la RATP (un peu plus de 42 000 cotisants, un peu plus de 50 000 retraités), celui des personnels du comité économique social et environnemental (effectifs réduits), celui des Industries Electriques et Gazières (plus de 135 000 cotisants pour 180 000 bénéficiaires de prestations), la Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires (un peu moins de 63 000 cotisants pour environ 80 000 bénéficiaires) et le régime de la Banque de France (moins de 8 000 cotisants et près de 18 000 retraités).

On notera ici, pour rire un brin, que si le rapport Rist de l’Assemblée Nationale parle de la « fermeture des principaux régimes spéciaux », on est bien loin du total rappelé ci dessus.

250 000 cotisants sur un ensemble de 6,8 million, on est loin du compte…

La méthode mise en œuvre est, à chaque fois, la même.

La loi va fermer l’accès aux différents régimes spéciaux à compter du 1er septembre prochain.

Cette situation ne fait aucun cas de l’Histoire, comme des conditions de développement de régimes qui, pour une bonne part, ont été créés avant le régime général comme, d’ailleurs, d’autres régimes aujourd’hui disparus ou presque (on pense à celui des Mineurs).

Ces régimes ont, pour certains, des recettes qui leur sont spécifiques et une situation financière plutôt saine, bien éloignée, par exemple, de ce qu’était devenu le régime social des indépendants qui a explosé avec la sur pression des auto entrepreneurs il y a moins de quatre ans.

Ainsi, faisant partie intégrante du modus vivendi entre l’État et les entreprises publiques EDF et GDF, la contribution tarifaire d’acheminement permet l’équilibre de la Caisse des Industries Electriques et Gazières.

De même, une partie des ressources de la CRPCEN provient de l’activité des offices.

Plus les offices notariaux enregistrent d’actes, plus ces actes portent sur des biens dont la valeur est appréciée ou élevée et plus les recettes de la Caisse progressent.

En 2020, avec le Covid, la CRPCEN s’est retrouvée en difficulté financière.

Par contre, en 2021, elle a présenté un excédent de 308 millions d’euros (soit près de 4 000 euros par bénéficiaire de prestation ou 5 000 par cotisant) dont on peut se demander s’il n’intéresse pas l’État.

Dans le cas de la Banque de France, où l’équilibre est assuré naturellement par les versements de l’employeur, puisant dans la Caisse de réserve, le fait que celle ci est emplie de 15 Mds d’euros accumulés depuis une quinzaine d’années ne semble pas étranger à la manœuvre.

Tout ceci emporte plusieurs conséquences.

Un, le choix opéré va dégrader la situation financière de chaque régime puisque le déséquilibre entre cotisants et retraités est appelé à croître et embellir.

Et il faudra plusieurs dizaines d’années pour que disparaisse le dernier retraité de chaque régime ainsi disparu.

Pendant une bonne quinzaine d’années, le déficit de chacun des régimes va s’accroître peu à peu, un peu comme le garrot serrait petit à petit le cou des condamnés à mort dans l’Espagne médiévale.

Deux, si la perception de nouvelles cotisations (celle des nouveaux embauchés) va renforcer le régime général, elle ne va pas empêcher une nouvelle dégradation globale du solde des régimes obligatoires, les cotisations des régimes spéciaux étant, de manière générale, supérieures à celles appelées pour le régime général.

Car ( et ce d’aucuns seront surpris de l’apprendre mais…) les garanties spécifiques accordées aux gaziers, électriciens ou ératépistes, figurez vous qu’elles sont financées par cotisations !

Des cotisations qui sont plus élevées tant sur la part dite « ouvrière » que sur la part dite « patronale ».

Ainsi, le taux de cotisation retraite est de 6,9 % pour la part ouvrière et 8,55 % pour la part dite patronale, soit au total 15,45 %.

Pour la RATP, les taux sont, cette année, de 12,95 % côté salariés et 19,13 % pour la part patronale.

Soit un total de 32,08 %, deux fois plus élevé que le taux du régime général.

Nous aurons donc une croissance des recettes du régime général inférieure à ce qu’elle aurait pu être avec le maintien des régimes spéciaux concernés, conduisant du coup à une attrition des recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité Sociale (ou ROBSS).

Mais cette situation qui viendra justifier à l’envi de nouveaux sacrifices ultérieurs se situe surtout dans un contexte nouveau.

Outre l’excellent climat social qui devrait découler de la cohabitation, au sein de la même entreprise, de salariés effectuant les même tâches avec un statut et des garanties sociales différents, le choix opéré par le Gouvernement, pour la CNIEG ou la caisse de retraite de la RATP, participe d’une vision politique de longue haleine.

D’une part, elle conduira à solliciter de nouvelles dépenses budgétaires destinées à couvrir les déficits des régimes qui ne manqueront pas d’émerger.

La RATP qui fait déjà l’objet du versement d’une subvention d’équilibre de 800 millions d’euros devrait, à moyen terme, nécessiter le versement d’une subvention de 1 200 millions d’euros.

Mais surtout l’entreprise publique a été placée sur l’orbite de l’ouverture à la concurrence des transports urbains comme le rappelait à juste titre le rapport budgétaire sénatorial sur la mission Régimes sociaux et de retraite en indiquant le calendrier de cette ouverture.

La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a prévu la mise en concurrence de l’exploitation des réseaux de la RATP à compter du :

– 1er janvier 2021 pour les lignes de moyenne et grande couronnes (réseau de bus OPTILE) ;

– 1er janvier 2025 pour les services réguliers de transport routier (réseau historique RATP) ;

– 1er janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2032 pour le réseau Transilien ;

– 1er janvier 2030 pour les services réguliers par tramway ;

– 1er janvier 2033 jusqu’au 31 décembre 2039 pour les RER C et D, et entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2039 pour le RER E ;

– 1er janvier 2040 pour les autres services réguliers de transport guidé (métro et RER A et B).

La rapporteure des crédits, l’élue de droite Sylvie Vermeillet, représentant le Jura, décrit ensuite « les solutions » acceptables.

S’agissant du mode Bus, la RATP devra donc assurer le service jusqu’au 31 décembre 2024, et transférer dans les entreprises ayant gagné les lots les effectifs nécessaires à la continuité du service.

Ainsi, tous les salariés concourant à l’activité Bus (directement ou indirectement soit environ 19 000 salariés) seront transférés dans les sociétés ayant remporté les appels d’offres. L’activité Bus de la RATP sera de son côté transférée au sein de sa filiale Cap Ile-de-France. Les salariés concernés par ces mouvements ne seront par conséquent plus sous contrat avec l’EPIC RATP, et ne bénéficieront plus du statut du personnel et de l’ensemble des dispositions de l’EPIC. Le « sac à dos social », mis en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), prévoit cependant que les agents RATP transférés au sein des entreprises concurrentes ou de la filiale Cap-Ile-de-France, ainsi que leurs nouveaux employeurs, restent contributeurs du régime de retraite de la RATP.

Les conséquences en termes de collecte n’ont pas encore été détaillées, la CRP RATP restant dans l’attente du contenu d’un décret d’application.

Le transfert des agents de la RATP affectés au mode bus met en effet en lumière la question de la pénibilité. L’existence de contraintes spécifiques d’exploitation a conduit à la mise en place d’un cadre social territorialisé (CST), commun à tous les conducteurs opérant sur les lignes RATP appelées à être ouvertes à la concurrence. Sans mésestimer la spécificité du transport parisien, il convient cependant de la remettre en perspective en rappelant les difficultés rencontrées par les chauffeurs de transports de personnes, en particulier scolaires, dans les territoires. La durée moyenne de versement des pensions directes servies aux conducteurs RATP est d’ailleurs relativement élevée : 26,1 années en 2020. Au regard des données disponibles en matière d’espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d’autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d’un maintien du régime spécial de la RATP.

Sylvie Vermeillet a raison !

Le problème c’est la pénibilité des conditions de travail des chauffeurs de bus des autres opérateurs du secteur et non le « privilège » dont les chauffeurs RATP jouiraient en pouvant partir en retraite à 57,3 ans …

Une fermeture du régime conduirait à un double mouvement :

– d’une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par la CRP-RATP ;

– d’autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d’équilibre de l’État.

(merci de confirmer l’analyse que nous avons produite ici)

Ce scénario, coûteux à court terme pour les finances publiques, pourrait cependant être contourné par la mise en place d’une compensation financière versée par le régime général et l’Agirc-Arrco, à l’instar de celle mise en place pour le régime spécial de la SNCF (cf supra). Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés de la RATP qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que la CRP-RATP devrait pour sa part continuer d’assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuels ou à venir, mais en ne percevant plus qu’un flux de cotisation en attrition. L’impact financier d’une fermeture du régime de la RATP pour l’État serait alors nul ou quasi nul.

(fin de citation)

C’est vrai qu’il suffisait d’y penser.

Solliciter le régime général et les réserves de l’AGIRC ARRCO pour faire reculer les garanties collectives des salariés et privatiser le service public des transports parisiens avec le risque de se retrouver avec le syndrome londonien d’explosion des tarifs, c’est tout de même génial !

Pour le secteur de l’énergie, je n’ose rappeler ici que ce qui a construit en partie le déficit 2022 d’Electricité de France provient de la sous – traitance d’une partie des activités de l’opérateur historique, notamment en matière de maintenance des installations et que l’abandon du statut risque donc de renforcer.

Ajoutons les obligations qui ont été imposées à l’entreprise publique de prendre à sa charge les conséquences du désordre du marché de l’électricité (dont le coût est estimé à 8 Mds d’euro sur les 17,9 Mds du résultat négatif 2022 d’EDF).

Pour Engie, devenu un élément du groupe Suez, l’affaire n’a pas été la même.

Pas d’obligation de contenir les prix.

Et une ouverture à la concurrence favorisée autant que possible.

Pour quels motifs ?

Peut être d’obscures raisons de rentabilité financière, alors.

Engie a enregistré une hausse de 62 % de son chiffre d’affaires en 2022, passant de 58 à 94 Mds d’euros…

Le conseil d’administration du Groupe a proposé un dividende de 1,40 euro par action, soit la modeste somme de 3,4 Mds d’euros au total…

Un peu comme si la hausse des prix du gaz que vous avez pu constater sur votre facture était consacrée, pour environ 4 %, à rémunérer les actionnaires d’Engie.

L’État français va ainsi percevoir environ 800 millions d’euros, tandis que les fonds d’investissement Capital Group et BlackRock mettront la main sur 165 et 150 millions d’euros.

Ah oui, le montant des cotisations encaissées par la Caisse de retraite des gaziers et électriciens est de … 3,4 Mds d’euros.

Et une dernière question pour la route, que nous allons traiter bientôt

Pourquoi la fièvre uniformisatrice des régimes de retraite n’affecte aucunement, dans le texte gouvernemental, le régime des exploitants agricoles (1 250 000 retraités), celui des salariés agricoles (2 335 000 retraités) ou la caisse des professions libérales (435 000 retraités) ?

RETRAITE, il est temps de remplir la caisse.

Ce qu’a d’ores et déjà montré le mouvement en cours sur les retraites, c’est qu’il est essentiel, pour une Sécurité Sociale fondée sur la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle, de disposer de ressources stables et, autant que possible, abondantes.

Dans le cas de l’assurance vieillesse, financée de manière principale par des cotisations sociales, la questions pourrait être résolue en grande partie pour peu qu’on décide d’agir avec vigueur pour promouvoir la création d’emplois.

Petite (façon de parler) opération arithmétique.

Soit un SMIC de 1 709,28 euros brut par mois.

Générant 264,08 euros de cotisation sociale retraite (6,9 % pour la part dite ouvrière et 8,55 % pour la part dite patronale).

Rappelons ici que cette part patronale est une vue de l’esprit, puisque cette cotisation est totalement prise en charge par l’Etat aujourd’hui.

Pôle Emploi, de son côté, a enrôlé rien moins que 3 049 800 privés d’emploi en fin d’année 2022.

Si, par je ne sais quel miracle, ces privés d’emploi étaient tous embauchés, nous disposerions, chaque mois, de plus de 800 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’assurance vieillesse et d’un total supérieur à 9,6 Mds d’euros pour l’ensemble de l’année.

La même démonstration vaut pour le travail à temps partiel imposé, dont on peut estimer les pertes entre 1 et 2 millions d’emplois en équivalent temps plein, ce qui pourrait conduire à une déperdition de ressources comprise entre 3,2 et 6,4 Mds d’euros.

Enfin, pour appréhender les conséquences de la discrimination salariale dont les femmes demeurent les victimes en France, on soulignera que chaque salaire féminin moyen génère, chaque année, du fait des décisions des employeurs, 700 à 750 euros de pertes de financement pour l’assurance vieillesse.

Le combat pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est l’un de ceux qui comptent le plus puisque ses prolongements sont multiples, d’autant qu’il rencontre naturellement celui pour l’emploi et celui pour l’extension des droits sociaux.

RETRAITE. Cotisations sociales

COTISATIONS SOCIALES, POUR LES SALARIES, LA DOUBLE PEINE

Le débat engagé dans l’ensemble du pays au sujet de la réforme des
retraites glisse peu à peu, et c’est tout à fait naturel, vers la question du
financement du régime et notamment les alternatives au choix opéré par le gouvernement de se contenter d’allonger la durée d’affiliation des salariés (et de raccourcir d’autant celle de perception de la pension, faisant un pari économique sur la létalité ?)

Le cadre du projet de loi est fixé.
On cotisera bientôt 43 ans au lieu de 42, et les retraites continueront
d’être indexées sur les prix et calculées, pour le régime général, sur les
vingt cinq meilleures années, ce qui conduira naturellement à la réduction du taux de remplacement des pensions et retraites au regard du dernier salaire perçu.

Cette règle, fixée par la réforme Balladur de 1993 (celle ci avait été
votée dans la masse des lois défendues pendant l’été par le Gouvernement de « l’ami de trente ans » de Chirac) est l’un des éléments clé de la situation d’aujourd’hui.

Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, ce sont quatre points de
PIB (c’est à dire qu’aujourd’hui, plus ou moins 100 Mds d’euros qui ne sont pas consacrés aux retraites) que l’on ne retrouve pas dans les comptes sociaux…

100 Mds d’euros, cela représente près de 30 % de perte de pouvoir
d’achat pour les 18 millions de retraités de notre pays.

On pourra ajouter, au tableau de la réforme Borne Dussopt Véran, la
« modération salariale » difficile à maintenir dans le secteur privé de plus
en plus secoué par l’annonce de résultats financiers très favorables de nos grands groupes, mais néanmoins encouragée par une gestion des
rémunérations publiques qui a littéralement constitutionnalisé le gel du
point d’indice et pratique de plus en plus intensivement la précarité de
l’emploi, le recours aux contractuels et, de fait, l’absence de déroulement
de carrière.

L’un des problèmes de la Sécurité Sociale, ceci posé, est bien celui du
statut accordé aux cotisations sociales, prélevées dans l’entreprise sur la
richesse créée (biens produits ou services rendus) et basées sur les salaires.

Ce problème affecte sensiblement moins l’assurance vieillesse que les
autres, ainsi que nous avions pu le pointer lors de l’analyse de la fiscalité
(dont les cotisations sociales ne sont qu’une sorte de cousines) et
notamment de la contribution sociale généralisée.
Tout simplement, parce que la CSG finance l’assurance maladie, les
allocations familiales, quasi exclusivement la nouvelle branche autonomie mais aussi, depuis assez peu, la dette sociale (en sus de la CRDS) et, plus étonnant, l’UNEDIC, confronté à une dette conséquente, issue de lapériode Covid.

Mais on relèvera cependant que cette utilisation de la Contribution
Sociale Généralisée a remplacé la cotisation maladie résiduelle sur la part dite « salariale », une bonne partie des cotisations famille et la cotisation chômage sur la toujours dite « part salariale ».

Notre bulletin de paie laisse d’ailleurs apparaître le montant que nous
devons, en termes de salaire net, à la disparition de ces cotisations sociales maladie et chômage.

Ce tour de passe passe, qui assure la persistance du taux de la CSG
au niveau actuel (9,2%), nous a permis de bénéficier d’une réforme
imposée de l’assurance chômage, d’une réduction des allocations logement et du développement de la crise des urgences à l’hôpital et des déserts médicaux en médecine de ville…

Toujours est il que l’assurance vieillesse est le seul champ de la
Sécurité Sociale à ne pas être financé de manière importante par la CSG et d’être ainsi, de fait, le plus proche de la Sécurité Sociale d’origine, financée par la voie de cotisations.

Dire qu’il s’agit là d’une des raisons profondes de cette insistance du
Gouvernement à réformer notre régime de retraite me semble assez
évident.

Et que ce n’est sans doute pas pour rien que l’ensemble des
partenaires sociaux de la « partie patronale » (MEDEF, CPME, U2P) est
favorable au texte actuellement en discussion.

Parce que si les « charges sociales «  (traduction de cotisations) sont
lourdes à payer pour les entreprises, il n’en est pas de même lorsqu’elles
sont supprimées et remplacées par des compensations fiscales…
Les exonérations sociales sont, depuis une trentaine d’années, un des
éléments des politiques publiques.

Mais les dernières années ont connu une très sensible accélération du
processus, notamment avec la transformation du Crédit d’impôt
Compétitivité Emploi (CICE) en allégement pérenne de cotisations
sociales.

En 2016, on comptait rien moins que 37,3 Mds d’euros
d’exonérations sociales dans les comptes de l’Etat (compensées par
affectation de produits fiscaux tels une part de la TVA) dont 3,7 Mds
restaient en pertes de recettes sociales.

Le basculement du CICE en allégement de cotisations a porté en
2022 le total des exonérations à 78,8 Mds d’euros dont 2,6 Mds non
compensés.

Ce sont donc plus de 75 Mds d’euros qui sont ainsi mobilisés, au sein
des ressources fiscales, pour compenser le « cadeau «  ainsi fait aux
entreprises.

Comme nous l’avons indiqué, c’est la TVA qui est le principal produit
fiscal qui est sollicité, pour plus de 60 Mds d’euros au total.
La TVA prend notamment à sa charge l’allégement général sur les bas
salaires (34,9 Mds d’euros pour 2022) et la bascule CICE/allègement
pérenne (22,9 Mds d’euros, finançant en totalité l’assurance maladie).

On notera aussi que le régime social des indépendants, que Macron a
finalement décidé « d’aligner «  et « d’adosser » au régime général, après sa véritable explosion liée au développement des auto entrepreneurs, a généré 1,8 Md d’euros d’allégements de cotisations.
Que provoque ce processus ?

Pour les salariés, c’est la double peine.
Les cotisations sociales constituent en effet, qu’on le veuille ou non,
un élément de rémunération du travail.
Quand elles sont « exonérées », c’est donc une partie du salaire qui
n’est pas payée.
Et la compensation, que ce soit par la TVA, les droits sur l’alcool ou
ceux sur le tabac, étant fondée d’abord et avant tout par affectation d’un
impôt de consommation, est de fait payée par les mêmes…

On n’a pas vraiment mesuré, jusqu’ici, les conséquences de ces
politiques d’allégement du « coût du travail », au delà de la considération
générique qui voudrait que la part des salaires dans la richesse créée par le travail ait baissé.
Car ce qui pèse, à mon avis, dans cette affaire, c’est que les
allégements de cotisations participent à l’attrition et la diminution
« systémique » des ressources de la Sécurité Sociale, et singulièrement de l’assurance vieillesse par contagion de la pratique des bas salaires, sans reconnaissance réelle des niveaux de qualification entre autres méfaits.

Les métiers dits en tension sont, de ce point de vue, le témoignage de
la rupture entre une logique d’allégements dépassés et une aspiration
nouvelle, de plus en plus développée, pour une activité professionnelle
digne, respectueuse du salarié et logiquement mieux rémunérée.

Toujours est il que trouver sans trop d’efforts des ressources
nouvelles pour la Sécurité Sociale passe clairement par la mise en cause de ces politiques d’exonérations sociales coûteuses et socialement nuisibles.

De plus, l’affectation de taxes comme la TVA au financement de la
Sécurité Sociale constitue un obstacle majeur à toute réduction éventuelle de son taux normal…

Ou au maintien de certains taux réduits…
C’est à dire d’une atteinte au pouvoir d’achat.
Vous avez envie, vous aussi, d’une TVA à 25 % et d’une CSG se
rapprochant de 15 %

RETRAITE

LES INVISIBLES, LA SUITE

Parmi les découvertes de ce conflit social majeur provoqué par
l’annonce de la réforme des retraites, figure au plus haut point la véritable
révélation de la présence massive des femmes dans la vie économique et
sociale des entreprises et de fait, du pays.
Le lycéen des années soixante dix l’apprenait, ne serait ce qu’au
contact d’un corps professoral de plus en plus féminisé (en 2019, plus de
70 % des enseignants sont des femmes, dont près de 84 % dans le premier
degré de l’enseignement public), mais cette place des femmes dans
l’activité économique est devenue décisive, se rapprochant de plus en plus
de celle des hommes, et contestant à juste titre sa primauté.
Ce n’est pas par hasard ni pour rien que se posent les questions de
l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, ni celles de la
promotion des travailleuses salariées dans les hiérarchies et les fonctions.
Cette situation a évidemment trouvé une illustration dans la situation
des retraites, avec une évolution que même le COR, dans ses touffus
rapports, ne peut qu’attester.
Ainsi, une retraitée née en 1940 disposait d’une pension représentant
60 % d’une pension attribuée à un retraité né la même année.
Pour la génération 1953, et donc âgée de 67 ans en 2020, la pension
d’une retraitée se situe à 63 % de celle d’un homme de la même génération.
Le mouvement est d’ailleurs continu et devrait, en l’état actuel des
choses, conduire, à horizon 2070 (pour une bonne part, nous ne le verrions
donc pas), à ce que la retraite d’une femme représentera 92 ou 93 % de
celle d’un homme.
Le fait qu’il demeurât, alors, tendanciellement, un « gap » entre
salaires féminins et salaires masculins montre, de mon point de vue, la
tâche qui incombe aux salarié(e)s d’aujourd’hui pour une véritable
pratique de la non discrimination.
Les sources de l’évolution sont connues et identifiées.

Il s’agit essentiellement de la progression de l’emploi féminin (nous
venons de le voir avec le mouvement de la fonction publique), et de la
progression d’un emploi de plus en plus « longue durée », même si les
carrières ne sont pas toutes linéaires.
A preuve, le fait que le COR constate désormais que les carrières
accomplies par les femmes sont d’une durée très proche de celle des
hommes, atteignant en effet plus de 39 ans désormais pour une moyenne
de 39,6 ans.
Au delà de cette moyenne, la tendance de long terme est
l’accroissement de la durée d’assurance des femmes et leur « égalité «  de
fait avec la situation des hommes.
Le COR, lui même, annonce tranquillement qu’à partir des natifs de
1970 (qui commenceront à partir en retraite dans les années 2030), les
durées d’assurance seront les mêmes…
Tout simplement parce que le taux d’activité féminin continue de
monter et rattrape celui des hommes.
Mais ce qui fait obstacle à l’égalité réelle, c’est, évidemment, le
niveau des salaires et la question de la position des femmes dans l’échelle
hiérarchique.
En témoigne une administration féminisée comme l’Education
Nationale (les personnels non enseignants sont encore plus féminins que
les personnels enseignants) où seulement 42 % des postes de direction
d’administration centrale ou déconcentrés sont attribués à des femmes.
De fait, la différence persistante entre salaires féminins et salaires
masculins tient, dans le secteur public comme dans le secteur privé, à cette
incapacité des dirigeants publics ou privés de confier à des femmes
certains postes dits à responsabilité.
Comme la carrière est déterminante pour fixer le montant de la
pension et/ou de la retraite, on mesure que la lutte est encore nécessaire
pour réduire aussi les 4 à 500 euros d’écart mensuel qui demeurent entre

emploi masculin et emploi féminin.
Un autre facteur aggravant de la situation réside bien entendu dans le
travail à temps partiel, qui frappe bien plus les femmes que les hommes
dans ce pays puisqu’il concerne près de 4,2 millions de salariés, et donc
essentiellement des salariées.
En l’espèce, il s’agit même de 3,26 millions de femmes et d’un peu
moins d’un million d’hommes
Assez peu choisi et souvent imposé (notamment dans les secteurs du
commerce, des services et de la restauration), le travail à temps partiel
frappe donc près de 30 % des femmes (28,1 % en 2021 selon la DARES),
mais moins de 10 % des hommes (7,6%).
Le travail à temps partiel frappe notamment les seniors en fin de
carrière professionnelle qui décident ainsi, d’une certaine manière, de
terminer « en roue libre » avant la retraite.
Mais il est sans doute abusivement pratiqué pour les jeunes (26,7 %
pour les moins de 24 ans, ce qui fait litière de l’autosatisfecit officiel sur
l’emploi des jeunes) et les salarié(e)s embauché(e)s sous statut
« d’employé » (près de 32%).
Et comme le souligne le Ministère du Travail, au vu de leurs
conditions d’emploi, on peut distinguer trois types d’emplois à temps
partiel.
30 % des emplois à temps partiel, dits « courts », cumulent des
facteurs de précarité. Ces emplois sont caractérisés par des durées de
travail hebdomadaires réduites (souvent inférieures à 15 heures) et
davantage de contrats à durée limitée (contrat à durée déterminée, intérim
ou saisonnier).
29 % des temps partiels sont « atypiques », occupés par des salariés
travaillant plus souvent le samedi, le dimanche, le soir ou encore la nuit de
manière régulière.
Enfin, 41 % des emplois à temps partiel peuvent être qualifiés de
« stables ». Ces emplois sont en contrat à durée indéterminée, ont des
durées hebdomadaires de travail majoritairement supérieures à 24 heures

et s’exercent peu en horaires atypiques.
Toujours est il que le travail à temps partiel est une mine de cadeaux
fiscaux et sociaux pour les entreprises, qui allie faible pression sur la
masse salariale et productivité exacerbée…
Comme quoi, à parler retraite, on finit toujours par parler travail…

RETRAITE, des questions se posent…

REFORME DES RETRAITES : DES QUESTIONS QUI SE POSENT

Après notre analyse du texte du projet de loi, quelques questions se posent et appellent éclaircissements…

La France n’est – elle pas, en Europe, l’un des pays où l’âge d’ouverture des droits (AOD) à retraite ou pension est le plus faible ?

Avec un âge légal de liquidation de 62 ans (AOD), la France se situe en effet, en apparence, dans le groupe des pays de retraite possible précoce.

Mais la précocité ne doit pas faire oublier que le fait de solliciter la liquidation pose notamment la question de la perception de la retraite complémentaire, alors dépendante de la durée d’assurance.

On sait que cette distinction entre âge légal et durée d’assurance est précisément le motif qui pousse nombre de personnes à prolonger leur carrière…

Des pays voisins de la France ont engagé des réformes de leur système de retraite, toutes allant d’ailleurs dans le sens d’un recul de l’âge d’ouverture des droits et d’un accroissement, parfois, de la durée d’assurance nécessaire.

En Allemagne, nous sommes en route pour les 67 ans à l’horizon 2031, le pays étant marqué par le vieillissement de sa population (AOD actuel 65 ans et 10 mois)

En Belgique, les salariés vont passer de 65 ans à 66 ans en février 2025 et 67 dès février 2030.

A noter cependant que si la durée d’assurance peut atteindre 45 ans dans le royaume fédéral, la retraite anticipée est possible à 60 ans (et 44 ans de carrière), 61 ou 62 ans (pour 43 ans de carrière) et 63 ans (pour 42 ans de carrière).

En Espagne, l’AOD est de 65 ans, mais la durée d’affiliation requise est de … 37,5 annuités !

Ce qui doit résoudre sans doute une bonne partie des problèmes liés aux carrières accomplies par les femmes…

Aux Pays Bas, l’AOD augmente à raison de l’espérance de vie.

Ainsi, un assuré social né le 30 décembre 1964 sera autorisé à liquider sa pension de base à compter du 30 juin 2032 (67 ans et 6 mois) tandis qu’un assuré né le 3 janvier 1970 devra attendre le 3 octobre 2037 ( 67 ans et 9 mois).

En Suède et en Norvège, l’âge requis se situe toujours à 62 ans, mais la pension est moindre que si l’on décide de partir plus tard.

Dans le cas de la Norvège, l’existence du Fonds de pension national (Folketrygdfondet,) fondé sur les revenus du pétrole de la Mer du Nord change évidemment les données et permet de garantir les pensions de base dont le montant progresse entre 62 et 67 ans, véritable âge pivot du système local.

En fait, seule la Grèce, avec une retraite possible à 62 ans et 40 années d’assurance accomplies, voire par anticipation en cas d’exposition à des travaux pénibles ou insalubres, semble plus “favorable”

Quelle place est faite aux femmes, souvent contraintes de travailler au-delà de l’AOD en France pour ne pas souffrir de décote, dans les autres pays d’Europe ?

L’Union Européenne semble avoir une étrange conception de l’égalité, consistant en fait à réduire les “avantages” jusqu’ici accordés aux femmes.

Ainsi, dans plusieurs pays, elles bénéficiaient d’un AOD différent de celui des hommes.

Ce qui s’accompagnait bien souvent de durées d’assurance plus courtes.

Aujourd’hui, les réformes en cours reculent l’AOD des femmes plus vite encore que celui des hommes, notamment en Autriche (où tout le monde sera bientôt soumis à l’AOD des hommes à 65 ans), mais surtout dans les anciens pays de l’Est où cette différenciation était la règle commune (Bulgarie, Croatie, Lituanie, Tchéquie, Roumanie).

L’Europe et donc l’adhésion aux canons économiques libéraux se traduit par le recul des garanties sociales des peuples de ces pays…

Les régimes de base y sont souvent flanqués d’un système par capitalisation…

Quel problème pose l’allongement de la durée d’assurance associée à la présente réforme ?

Elle situe la France au sein des pays exigeant la plus longue durée d’affiliation au régime de base ou général de l’assurance vieillesse, puisque les autres pays, malgré des AOD parfois plus tardifs, présentent des durées parfois sensiblement plus courtes.

Ainsi, en Tchéquie (pays à la démographie dégradée, au faible taux de chômage, dont l’économie vaut environ le dixième de celle de la France), les mères de famille qui peuvent “gagner”jusqu’à trois ans de versement de leur retraite par anticipation (huit mois pour le premier enfant puis un an à compter du deuxième) n’ont à justifier que de 35 ans d’assurance.

Nous avons vu plus haut ce qu’il en était en Espagne, vu que le pays est pour l’heure sur la base de 37,5 annuités.

Même dans un pays aussi peu riche que la Bulgarie (le PIB par habitant y représentant environ 30 % du PIB français et la production annuelle environ deux semaines de production française), la durée d’affiliation nécessaire sera, en 2027, de 37 ans pour les femmes et de 40 ans pour les hommes.

Qu’en est – il pour le rachat d’annuités ?

Des dispositifs de cette nature existent dans le droit social français mais leur coût demeure élevé, puisque différence est faite entre rachat destiné à la simple validation de trimestres manquants et rachat également dévolu à l’amélioration du montant de la pension ou de la retraite.

C’est notamment vrai pour les années d’étude qui sont, de notre point de vue, au cœur du débat sur les retraites du futur, eu égard à la hausse constante du nombre de jeunes engagés dans un parcours de formation et notamment en milieu universitaire.

L’Allemagne fédérale reconnaît les années d’études (ce qui relativise la question de l’AOD), même si le corollaire de cette situation vient de la faiblesse relative des pensions fédérales qui ne sont pas financées sur les mêmes bases que les retraites françaises.

Le droit social français, avec l’existence du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), dispose peut – être de l’outil permettant la prise en compte des années d’études.

Ce Fonds qui intervient déjà au regard des périodes de chômage, vient de retrouver la voie des excédents de trésorerie.

IL faut dire qu’il est surtout financé par l’affectation de la CSG sur les revenus de placement et du patrimoine, qui a beaucoup progressé ces derniers temps, signe que tout ne va pas si mal en France…

Les retraités seront-ils ou non mis à contribution pour “financer “ la réforme en cours ?

Oui, c’est déjà le cas.

Et la situation ne vient pas forcément de l’application de la CSG sur les pensions et retraites.

Mais plus insidieusement, de l’ensemble des mesures contenues dans les lois votées sur le sujet depuis 1993 et notamment la désindexation entre niveau des pensions et retraites et évolution des salaires et simple référencement à l’évolution des prix.

Cette règle, qui n’a d’ailleurs même pas été respectée, est limpide.

Une fois fixé le niveau de la pension lors de sa liquidation, elle se trouve bloquée, de fait, au “pouvoir d’achat” à la date n et dérive donc, peu à peu, de un à deux points par an par rapport aux salaires.

Selon la DREES, le taux de remplacement (pension/salaire) est passé de 79,2 % pour un retraité à carrière complète né en 1938 à un taux de 74,7 % pour un retraité né en 1950.

Le taux de remplacement des retraités à venir sera plus mauvais encore, notamment dans le secteur public où se fait et fera ressentir l’effet de plusieurs années de gel du point d’indice.

Dans le privé, le relèvement continu et poursuivi du nombre des retraités à carrière complète contrebalance le mouvement inexorable de réduction du niveau de vie relatif des pensionnés et retraités.

Cette dégradation devrait d’ailleurs s’accroître avec le recul de l’AOD et le rétrécissement entre celui-ci et l’âge de suppression de la décote.

Et donc de la réduction des surcotes et de la progression des décotes…

Implicitement, l’encouragement qu’apporte l’article 13 du projet de loi au développement du cumul emploi retraite est le signe qui confirme l’intention profonde du Gouvernement.

A la fois, “cristalliser” le volume des retraites solidaires dans les limites de 14 % du PIB et créer un appel d’air au développement de la retraite par capitalisation.

RETRAITE, travailler les apparences pour masquer le fond

PROJET DE LOI DE REFORME DES RETRAITES TRAVAILLER LES APPARENCES POUR MASQUER LE FOND

Ainsi, pour des raisons liées aux règles de fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement vient de déposer un « projet de loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale pour 2023 » comprenant la plupart des mesures destinées à réaliser quelques « économies » au compte des retraites, pour « réduire les déficits » et ainsi « préserver le régime de retraite par répartition auquel tous les Français sont attachés ».

Comme cela fait le huitième texte, depuis 1993 et la loi Balladur, portant sur le sujet, que l’on sait qu’il y aura un second texte dans l’année pour résoudre certains aspects du dossier et qu’il est probable que l’on aura un neuvième texte avant cinq ans, on peut légitimement nourrir quelques interrogations, si ce n’est inquiétudes.

LE DECOR DE FOND

Le projet de loi est donc une loi de financement de la Sécurité Sociale.

On observera de suite que ce choix, guidé par le souci de « gagner du temps » du point de vue du Gouvernement, n’est pas sans présenter quelques risques.

Ce qui a évidemment provoqué l’invocation de l’article 47 de la Constitution ci après reproduit

Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique.

Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

(fin de citation)

Ce choix peut se trouver justifié puisque l’article LO 111-3-12 du code de la Sécurité Sociale stipule (je cite de nouveau)

Peuvent figurer dans la loi de financement rectificative les dispositions relatives à l’année en cours :

1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes ;

2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves ;

5° Si elles ont pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, ayant un effet sur :

a) La dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier ;

b) La dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses ;

6° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;

7° Rectifiant la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ;

8° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

(fin de citation)

Sans commenter l’ensemble des points ici relevés en détail, il suffit juste de se dire qu’une loi de financement rectificative peut très bien porter sur autre chose que le seul champ de l’assurance vieillesse et, partant, que l’opposition parlementaire peut opter pour une « obstruction intelligente » revenant sur les enjeux de santé publique par propositions sur l’assurance maladie, de politique familiale avec les allocations familiales ou encore les recettes de la Sécurité Sociale, notamment les allégements et exonérations de cotisations sociales dont le coût se mesure aujourd’hui en bas salaires et, apparemment, de faible productivité du travail…

Quant à la forme de « priorité » accordée au traitement de la question de l’assurance vieillesse, on relèvera ici qu’il s’agit de la branche de la Sécurité Sociale la moins « fiscalisée », le principal des recettes des régimes légaux obligataires (pour ne pas oublier les fonctionnaires d’État ou des collectivités locales par exemple) est constitué de cotisations.

Ainsi, le régime général, qui devrait encaisser 126 Mds de cotisations cette année pour un ensemble de 156 Mds d’euros de ressources.

On est loin de la branche autonomie, financée à près de 90 % par la CSG et pour le solde par d’autres impôts (notamment la contribution générée par le Lundi de Pentecôte)

Cette orientation est, de mon point de vue, porteuse de sens.

Il va sans dire que le choix du Gouvernement est également guidé par la volonté politique de « doubler «  le mouvement de contestation sociale qui monte et s’est déjà exprimé depuis l’annonce de la « réforme ».

Réforme, une sorte de gros mot dont certains devraient songer à réduire l’usage, la notion de recul social ayant quelque peu tendance à en devenir l’homonyme.

LE PROJET DE LOI

Le texte soumis au Parlement comprend vingt articles et obéit aux règles fixées par les lois de financement de la Sécurité Sociale ;

De manière liminaire, examen du cadrage macro économique du texte, avec les variations qu’il implique dans les comptes de la Sécurité Sociale tels que votés en loi de financement initiale.

Puis mesures relatives aux recettes.

Ainsi, l’article premier supprime, pour l’assurance vieillesse, la spécificité de cinq régimes spéciaux, à savoir celui des industries électriques et gazières (en gros, la retraite des agents d’EDF GDF), celui de la RATP, celui de la Banque de France, celui des agents du Comité Economique Social et Environnemental et celui de la CRPCEN (Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires).

Le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que ces cinq régimes dégagent aujourd’hui des excédents et qu’ils seront donc dégradés au fil du temps, puisque les personnels actuellement placés sous statut vont progressivement faire valoir leurs droits à pension et que la cotisation des nouveaux entrants va alimenter le régime général.

On notera par ailleurs que plusieurs de ces régimes disposent de ressources fiscales affectées.

C’est le cas pour la CRPCEN, puisque la Caisse perçoit une partie des « frais de notaire » affectant les opérations de rédaction des actes notariés. 

C’est aussi le cas pour le régime des industries électriques et gazières puisque la Caisse de retraite perçoit, pour son compte, la Contribution Tarifaire d’Acheminement (plus d’1,1 Md d’euros) qui pourra de fait être « acheminée «  vers sa disparition, puisqu’elle faisait partie du mode de financement des droits spécifiques des agents avant la réforme de 2004 qui a modifié le statut d’EDF.

Quant il n’y aura plus d’agents EDF sous statut 1946 en activité, ce sera plus facile…

Le cas du régime de la Banque de France est plus complexe, puisqu’il comporte une part non négligeable de « capitalisation », celle ci représentant en effet le quart des ressources du régime.

La caisse a provisionné ses engagements depuis 2006, notamment parce qu’une partie des résultats (qui auraient pu être distribués aux agents de la Banque) a été capitalisée dans l’institution de retraite.

Elle dispose aujourd’hui de 15 Mds d’euros de réserves, selon un rapport de la Cour des Comptes, ce qui semble motiver l’initiative gouvernementale.

Notons également que d’autres régimes spéciaux ne sont pas ainsi « captés » par la réforme.

Il s’agit notamment du régime géré par l’Etablissement National des Invalides de la Marine (retraités de la marine marchande), régime très largement fiscalisé puisque 80 % de son budget découle d’une subvention d’équilibre de l’État.

Le régime présente une situation très déséquilibrée avec un peu plus de 25 000 cotisants et plus de 100 000 retraités.

Comme la France a, il y a quelques années, fait le choix de développer un « pavillon de complaisance » (en l’espèce le fameux pavillon Kerguelen), les navires battant pavillon français sont de plus en plus rares.

Autres régimes non concernés par le texte : celui de la Comédie Française et celui de l’Opéra de Paris.

Il s’agit de régimes à faible niveau de cotisants (moins de 2 000) qui tiennent compte des spécificités des métiers.

Imagine t on le Cygne Noir du Lac des Cygnes ou le Prince Charmant de la Belle au bois dormant interprétés par un danseur de 62 ans ?

Enfin, deux régimes sont situés hors champ de la réforme, à savoir celui des professions libérales et, surtout, celui de l’agriculture (régime des exploitants comme celui des salariés).

Concession probable au fonds de commerce électoral de Renaissance et des Républicains…

L’article 2 du projet de loi crée le fameux « index de l’emploi des seniors »censé mesurer les conditions du maintien dans l’emploi des salariés âgés.

La mesure n’est guère contraignante, l’article laissant même aux partenaires sociaux le choix des critères de mesure retenus et ne prévoyant comme sanction que … la non publication de l’index.

A noter que l’index est limité aux entreprises de plus de 300 salariés, ce qui réduit d’autant plus le champ de l’affaire, d’autant que ne semble pas posée la question des établissements secondaires de groupes comptant plus de 300 salariés.

Ceci posé, cet index ne sera pas obligatoire avant juin 2024…

L’article 3 consacre l’abandon de la réforme consistant à inclure le recouvrement des cotisations AGIRC ARRCO dans le champ de compétences des URSSAF. Il n’appelle donc pas de commentaire particulier.

Sinon que les partenaires sociaux, gestionnaires des caisses de retraite complémentaires, ne semblent pas avoir eu confiance…

Et que les réserves des régimes complémentaires obligatoires sont assez bien garnies (environ 70 Mds d’euros) et le résultat 2022 largement positif (près de 4 Mds d’euros)

L’article 4 présente un tableau d’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale, détérioré de 400 millions d’euros par les premiers effets de la réforme présente.

Et l’article 5 consacre l’objectif d’amortissement de la dette sociale à hauteur de 17,7 Mds d’euros, payés à la fois par la CRDS et une part de la CSG.

Notons ici ce que dit l’exposé des motifs de l’article.

En 2023, la dette restant à amortir par la caisse d’amortissement de la
dette sociale (CADES) devrait s’élever à 146,1 milliards d’euros,
241,6 milliards d’euros ayant déjà été amortis par la caisse.


Le transfert de dette sociale à la CADES prévu par l’article 1er de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie s’est poursuivi en 2022 à hauteur de 40 milliards d’euros, venant réduire le besoin de financement induit par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19

( fin de citation)

En français courant, cela signifie que la « dette sociale » est maîtrisée malgré un accroissement lié au virement, au passif de la CADES, des déficits sociaux enregistrés notamment pendant la crise sanitaire.

L’autre aspect, c’est qu’il reste du grain à moudre pour « consolider » la dette ultérieure qui proviendrait de déficits constatés sur l’assurance maladie ou l’assurance vieillesse.

On relèvera que le montant du passif de la CADES (141,6 Mds d’euros) constitue l’équivalent du versement de 8,3 années.

Ce qui donne les années 2024, 2025, 2026, 2027, 2028, 2029, 2030, 2031 alors que la disparition de la CRDS est prévue en 2033.

Comme le disait le rapport sur les comptes de la Sécurité Sociale en 2020 dans l’un des scenarii d’amortissement.

En clair, avec sa réforme des retraites, le Gouvernement a l’intention de faire payer deux fois aux assurés sociaux le même déficit, outre de verser 2 à 3 Mds par an d’intérêts…

L’article 6 consiste à valider le rapport annexe rattaché au projet de loi, retraçant les conséquences des mesures contenues dans les différents articles.

La lecture de ce rapport donne quelques indications supplémentaires sur le sens profond de la réforme.

Je cite

Dans le champ des régimes de base de retraite, la trajectoire intègre les dispositions présentées dans la présente loi, portant une hausse progressive de l’âge d’ouverture des droits (AOD) de soixante deux à soixante quatre ans, au rythme d’un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération de la durée d’assurance requise (DAR), au rythme d’un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations jusqu’à présent. La trajectoire intègre également des mesures d’accompagnement et de hausse des minima de pensions. Ces mesures viseront en premier lieu à dispenser de la hausse de l’AOD les personnes inaptes au travail ou reconnues invalides. Elles permettront également aux assurés ayant commencé à travailler précocement de partir plus tôt que l’âge de droit commun avec notamment un renforcement du dispositif « carrières longues », développeront les transitions entre l’activité et la retraite et amélioreront les dispositifs de prévention et de réparation de l’usure professionnelle.

Enfin, les minima de pension seront revalorisés pour les nouveaux retraités à partir de 2023 mais également pour ceux déjà partis à la retraite et bénéficiant du minimum contributif.

La réforme emporte également des mesures en recettes, avec des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs publics (CNRACL) et par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations AT MP. La présente annexe porte sur le champ des régimes obligatoires de base et du FSV à l’horizon 2026, mais la réforme des retraites présentée dans la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale aura des impacts financiers qui monteront en charge au delà de 2026, ainsi que sur les régimes complémentaires. Le système de retraite pris dans son ensemble retournera ainsi à l’équilibre à l’horizon 2030. Une étude d’impact financière spécifique a été jointe au projet de loi.

(fin de citation)

On aura donc en ces quelques lignes un intéressant résumé du texte.

Pivots de la réforme : recul de l’âge de départ de deux ans, augmentation de la durée d’affiliation.

Conséquences : l’ensemble des dispositifs de départ anticipé eset repoussé de deux ans, ce qui signifie que l’âge légal actuel va être présenté demain comme une sorte de « privilège ».

Quant à l’affaire des 1 200 euros (revalorisation des minima), elle va se trouver financée par deux voies.

Un, une contribution des entreprises d’environ 1 Md d’euros qui sera compensée, à due concurrence, par une réduction de la contribution due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ou comment l’on branche des tuyaux imprévus entre les branches de la Sécurité Sociale…

L’autre affaire, c’est la hausse de la cotisation CNRACL, c’est à dire le régime de retraite des agents des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers.

Cela fait pas loin de 40 ans que cette Caisse de retraite est « mise à toutes les sauces » pour prendre en charge une partie de la politique sociale du pays, au-delà de sa mission naturelle, c’est à dire solder les pensions des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

La Caisse est un organisme où le ratio démographique est encore nettement positif (on se situe à deux cotisants pour un retraité) qui encaisse près de 23 Mds d’euros de cotisations et verse 22,8 Mds d’euros en prestations.

Elle se retrouve en déficit parce qu’elle est particulièrement sollicitée au titre de la compensation démographique inter régimes où elle a laissé, en 2021, 959 millions d’euros, après 1,25 Md l’année d’avant.

La hausse prévue de la cotisation employeur de la CNRACL n’a donc comme raison d’être que de permettre à l’État de se défausser sur les collectivités locales du financement des minima de pension.

Avec l’article 7, nous entrons enfin dans le vif du sujet avec la disposition prévoyant le recul de l’âge de la retraite à soixante quatre ans et l’accélération du passage aux quarante trois annuités.

Le principe est si simple qu’il faut ensuite vingt cinq paragraphes et cent soixante deux alinéas pour tirer les conséquences, dans un certain nombre de professions (et notamment les catégories actives de la Fonction Publique), de la modification des règles du jeu.

Je fais observer ici que le recul de l’âge de la retraite emporte, entre autres effets, un rétrécissement du délai entre âge légal d’ouverture des droits (AOD) et âge de mise en retraite d’office et/ou d’annulation de la décote.

Ce qui veut dire que, tendanciellement, les comptes de l’assurance vieillesse vont s’améliorer par une augmentation du montant des décotes sur pensions et une réduction du montant des surcotes.

Une sorte « d’effet ciseau » ou de supplice chinois assurant la réduction de la pension moyenne en valeur relative de remplacement des revenus d’activité.

L’autre effet systémique, c’est évidemment, l’amélioration du rapport années cotisées/années de perception de la pension.

Ou comment la réforme joue une partie de son équilibre sur les tables de létalité…

L’article 8 porte sur la question de la retraite anticipée des personnes handicapées, invalides du travail et autres catégories d’assurés souffrant de problèmes de santé récurrents.

L’article crée un droit à la retraite anticipée qui n’est que le maintien de l’âge de soixante deux ans pour faire jouer son droit à pension.

La grande avancée sociale de l’article est donc de porter de l’âge de 60 ans à celui de 62 ans le droit à retraite anticipée.

Un bel exemple de justice et d’équité, non ?

L’article 9 concerne la question de l’usure professionnelle.

Outre qu’il crée un fonds de prévention de l’usure professionnelle, et prévoit un certain nombre de mesures pour le suivi longitudinal des salariés exposés à des risques patents de pénibilité et d’usure, le tout passant entre autres par des accords dont les stipulations seront assez largement dépendantes de l’état des rapports de forces dans certaines professions, l’article vise, manifestement, à éviter autant que faire se peut la sollicitation de la branche AT – MP.

Branche la plus pénalisante et la plus révélatrice des pratiques du patronat…

Accessoirement, pour ceux qui auraient oublié de lire leur fiche de paie, il n’y a pas de « part ouvrière » dans les cotisations AT MP.

L’article 10 se préoccupe de la solidarité entre les régimes de retraite et notamment des moyens de financer le minimum contribution et le « rattrapage » des petites pensions.

La mesure passe entre autres par une réaffectation d’une partie du produit des accises sur les alcools au profit, si l’on peut dire, de la retraite agricole de base des exploitants.

Un même type de mesure est prévu pour le régime général, l’objectif étant de mener les pensions minimales à 85 % du SMIC, c’est à dire environ 1 200 euros.

L’article 11 ouvre droit à validation des périodes d’insertion professionnelle d’un certain nombre de personnes ayant connu, dans le courant des années 80, dans le cadre des politiques publiques de formation professionnelle.

Le présent article porte sur cinq dispositifs de stage de la formation professionnelle : les travaux d’utilité collective (TUC), les stages pratiqués en entreprise du plan Barre (1977-1988), les stages « jeunes volontaires » (1982-1987), les stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) et les programmes d’insertion locale (1987-1990). Près de 1,7 million d’assurés ont participé à un contrat TUC entre 1984 et 1990 et près de 1,15 million de personnes ont intégré les quatre autres dispositifs entre 1977 et 1992.

La reconnaissance, même un peu tardive, de ces stages est une bonne mesure mais d’un coût limité et ne risque en fait que de compléter une carrière où il manquerait quelques trimestres.

L’article 12 porte sur la question des aidants.

Il vise, dans un premier temps, à modifier la répartition des ressources fiscalisées de la Sécurité Sociale en faisant glisser quelques éléments de la taxe sur les salaires dédiée à la branche famille vers la branche autonomie.

C’est à dire que la prise en compte du rôle des aidants dans le calcul des pensions et retraites se fera à coût constant, puisque le succès potentiel de la mesure sera probablement gagé, à l’avenir, sur une nouvelle répartition du produit de la taxe sur les salaires.

Et, accessoirement, sur la réduction du crédit d’impôt « emplois à domicile ».

Avec l’article 13, nous sommes au bout des articles « novateurs «  du projet de loi, avec une série de mesures favorisant la transition entre emploi et retraite.

Il s’agit de donner des droits nouveaux aux personnes cumulant emploi et retraite (500 000 aujourd’hui), une situation que la dégradation du taux de remplacement des pensions, induite par le texte, risque de généraliser.

Et, ensuite, de favoriser le développement de la retraite progressive.

On rappellera à ce sujet que des dispositifs de cessation progressive d’activité ont existé, dans le passé, notamment dans la fonction publique et que leur suppression a, manifestement, pesé sur l’évolution de la pyramide des âges dans le secteur public…

Il me semble cependant qu’un tour de négociation collective sur les fins de carrière serait assez bienvenu, plutôt que le bricolage circonstancié prévu par le projet de loi.

Avec les articles 14 à 20, nous voici face aux articles prévoyant les premières conséquences financières de la réforme.

L’article 14 relève ainsi le budget de l’assurance maladie de 100 millions en dépenses, du fait de la prise en compte de « l’usure professionnelle ».

L’article 15 consacre un ONDAM en baisse sur 2022, du fait du moindre impact de la crise sanitaire.

L’article 16 maintient le budget AT MP au niveau voté en loi de financement.

L’article 17 consacre le budget prévisionnel de la caisse nationale d’allocations familiales (55,3 Mds de dépenses prévues) avec une hausse assez sensible, la part des transferts avec l’assurance vieillesse étant loin d’être secondaire pour ce qui concerne les majorations pour enfants ou encore la prise en charge APVF.

L’article 18 consacre l’inscription d’un total de 37,5 Mds au budget d’une branche autonomie qui n’est pas encore parfaitement équilibrée, quelques années après sa création.

L’article 19 précise la charge laissée au compte du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), instrument qui se préoccupe entre autres de solder l’équivalent des cotisations des chômeurs.

La situation du Fonds appelle quelques remarques.

Le Fonds semble revenu à une situation excédentaire en 2022.

Chargé en effet de financer les cotisations théoriques liées au chômage, à la formation, à la maladie et une partie du minimum vieillesse, il a été particulièrement alimenté cette année par la CSG sur les produits de placement et du patrimoine, signe de l’indécence des marchés financiers.

Ainsi, la CSG revenus du capital est passée de 17,9 à 19,5 Mds d’euros…

Le Fonds, dont la dette a été « consolidée «  au passif de la CADES, devrait donc présenter une position de report à nouveau positif, situation inconnue depuis 2001.

Peut être de quoi trouver le financement de nouvelles prestations ou de cotisations fictives ?

Enfin l’article 20 consacre la hausse de 400 millions du budget de l’assurance vieillesse, conséquence du projet de loi.

Mais cela ne durera pas…

(la suite au prochain numéro)

RETRAITE, contes et mécomptes

RETRAITE : CONTES ET MECOMPTES DE LA REFORME

Dans le projet rétrograde avancé de réforme des retraites que vient de présenter la Première Ministre, l’un des arguments les plus utilisés est celui, usé jusqu’à la corde, de la situation financière de l’assurance vieillesse, qui serait soumise à de sombres prévisions sous le double effet de la raréfaction des actifs et de l’accroissement du nombre de retraités.

On peut d’ailleurs en être d’autant plus surpris que, par le biais de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement se faisait fort, dans les années à venir, de parvenir au “plein emploi”, situation qui ne peut que conduire à l’amélioration de la situation financière des différents organismes sociaux, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse comme de l’assurance maladie ou des prestations familiales.

Ceci dit, le juge de paix, en matière de comptes sociaux, cela demeure le rapport annuel sur les comptes sociaux publié par l’ACOSS, un document disponible par voie électronique mais ne présentant pas le caractère d’une littérature de Franche rigolade.

Que nous dit il sur la caisse nationale d’assurance vieillesse?

(Attention, les chiffres vont suivre. Ils ne concernent que le régime général ici, le régime des fonctionnaires s’équilibrant par lui-même dans le cadre d’une autorisation budgétaire)

Pour ce qui concerne les dernières années, constatées ou probables en termes de comptes, cela donne

2019 : dépenses 137 125 millions d’euros

recettes 135 717 millions d’euros

Déficit – 1 408 millions d’euros (environ 1 %)

2020 : dépenses 139 642 millions d’euros

recettes 135 913 millions d’euros

Déficit – 3 729 millions d’euros (environ 3 %). 2020, c’est l’année COVID

2021 : dépenses 143 903 millions d’euros

recettes 142 799 millions d’euros

Déficit – 1 104 millions d’euros (environ 0,7 à 0,8 %)

2022 : dépenses 150 750 millions d’euros

recettes 148 936 millions d’euros

Déficit – 1 814 millions d’euros (environ 1,2 %)

2023 : dépenses 158 446 millions d’euros

recettes 156 128 millions d’euros

Déficit – 2 318 millions d’euros (environ 1,5 %)

Nous avons donc, constaté ou prévu, un déficit global de 10 373 millions d’euros du régime général d’assurance vieillesse.

Pour plus de 700 Mds d’euros de prestations servies qui ne représentent pour autant qu’une partie des retraites et pensions, puisque l’assiette fiscale de ces revenus est située entre 335 et 350 Mds d’euros par an.

Pour prendre une image rapide, on pourrait dire que la CNAV a des fins de mois difficiles et termine, en général, l’année avec un petit découvert bancaire.

Dans l’absolu, d’ailleurs, on pourrait imputer à la CADES ces cinq années de déficit et résoudre l’affaire avec un point de CSG ou un an de CRDS, sans avoir à réformer les retraites.

Mais le document de l’ACOSS recèle d’autres surprises.

Regardons en particulier la partie du rapport relative aux recettes et notamment les mesures destinées à créer des moins – values de recettes comme les allégements de cotisations sociales (ristourne sur les bas salaires, pérennisation du CICE par exemple, allégements dits ciblés, etc…)

Justement, dans ce cadre, il existe une catégorie d’exonérations qui, contrairement à la lettre du code de la Sécurité Sociale, ne font pas l’objet d’une compensation quelconque et fonctionnent donc, pour la CNAV, “à fonds perdus”.

Ces mesures privent également les travailleurs et travailleuses concerné-e-s du moindre droit.

Puisque pas de cotisation, pas de validation.

Passons en revue le coût de ces mesures.

2019 : 1 838 millions d’euros

2020 : 1 717 millions d’euros

2021 : 2 039 millions d’euros

2022 : 2 339 millions d’euros

2023 : 2 468 millions d’euros.

L’ensemble de ces mesures, qui font participer la CNAV, à son corps défendant, aux politiques publiques de l’emploi, présente donc un coût cumulé, sur la période sous revue, de 10 401 millions d’euros.

Soit un total légèrement supérieur (de 28 millions d’euros) au cumul des déficits.

Et encore ai-je laissé de côté les abandons de créances pour non recouvrement (ou retards de paiement autorisés).

Ainsi, en 2020, fameuse année du “quoi qu’il en coûte”, la CNAV a accepté d’encaisser plus tard 2,8 Mds d’euros de cotisations, soit plus de 70 % du déficit de cette année – là.

What else ?

RETRAITE

RETRAITE : PAS DE TOTEM NI DE TABOU, JUSTE LA TORTURE

On pourrait croire que le débat sur la « réforme des retraites » est somme toute urbain et presque anodin puisque, avec l’objectif d’attirer à soi une partie du mouvement syndical, le Gouvernement a feint de produire quelques avancées sur le sens donné au texte prochainement présenté au Parlement et devant l’opinion séduite et médusée.

A ce stade du débat, rappelons – nous où nous en sommes rendus, au fil des précédentes réformes qui ont, toutes, veillé à « sauvegarder le régime de retraites auxquels nous sommes tous attachés » et qui se sont toutes attachées, finalement, à accroître durée de cotisation et décroître niveau de pensions et de vie.

Oh, attention, les impressions sont souvent trompeuses.

Parce qu’en réalité, quoiqu’on en dise, le niveau des retraites et pensions a constamment progressé depuis la création de la Caisse Nationale d’assurance vieillesse, dans la France de la Libération où tout était à reconstruire, et où le fait de lutter contre la pauvreté des « vieux » a participé au redressement économique et social du pays.

Oui, les retraités de 2023 sont moins pauvres que ceux de 1970, eux mêmes moins pauvres que ceux de 1956 (quand on a créé le minimum vieillesse) et moins pauvres de ceux de 1945.

Oui, ils sont moins pauvres, mais si Balladur n’était pas passé par là, ils seraient assez nettement plus riches…

Au fait qu’un certain nombre de retraités (et notamment des retraitées) vivent encore sous le seuil de pauvreté, s’ajoute désormais le développement d’une masse croissante de salariés sous payés, ce qui pose le problème du financement des retraites d’aujourd’hui (si la base de financement est étroite, comment trouver les recettes?) et, surtout, de la consistance des droits futurs.

Quant les salariés les plus modestes de ce pays tournent en dessous de 17 000 euros annuels de revenus fiscaux, quelle retraite peuvent ils escompter ?

Bon, où en sommes nous ?

Age légal de départ en retraite : 62 ans (réforme Touraine, merci Hollande)

Durée de cotisation pour retraite à taux plein ; 43 ans au terme de la réforme Touraine, mouvement engagé sous Balladur et confirmé par la réforme Fillon de 2003.

(Aparté : il faudra un jour faire le procès de François Fillon dans son action publique. Voilà tout de même un zigue qui a cassé le service public des télécommunications, entrepris la première démolition de la SNCF, attaqué les retraites solidaires, promu la capitalisation et conclu son action, entre autres, par des attaques fondamentales contre le service public de l’éducation, avec son directeur de cabinet, un certain Jean Michel Blanquer avant de couvrir, comme Premier Ministre, la « sociétisation » de la Poste et l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité dont nous constatons ces temps ci les effets ravageurs).

Modalités de calcul de la pension ; les vingt cinq meilleures années et la désindexation des pensions et retraites sur l’inflation (c’est à dire la perte de pouvoir d’achat programmée pour ces revenus), c’est Balladur 1993.

Même si l’affaire peut paraître ancienne, c’est cette réforme qui s’est avérée la plus meurtrière pour la situation sociale et économique des retraités, nonobstant ce que nous avons déjà dit.

Malgré ces embâcles encombrant le fleuve des retraites, ce qui a constitué l’amélioration du niveau global du revenu des retraités et pensionnés, c’est qu’ils ont présenté, pour un certain nombre, et même un nombre certain, des carrières complètes, parfois même des surcotes, avec relativement peu d’accidents de parcours et une promotion sociale globale.

Ce sont les fameux enfants du baby boom entamé durant les dernières années de la Seconde Guerre Mondiale et largement amplifié après la Libération, quand notre pays pouvait encore vivre d’espoir…

Les conventions collectives, le statut de la Fonction Publique, les garanties du droit du travail ont, de manière générale, sécurisé les parcours professionnels (même si du point de vue hommes/femmes, il y avait et il y a encore de la marge) et permis l’atteinte des objectifs généraux du projet d’Ambroise Croizat, visant à faire de la retraite « une nouvelle étape de la vie » et non « l ‘antichambre de la mort ».

On aura remarqué que les atteintes au régime solidaire de retraite vont de pair, depuis une bonne trentaine d’années, avec les attaques menées contre les garanties collectives des travailleurs et travailleuses au quotidien de leur activité.

La mortifère (du point de vue du statut) loi de Montchalin sur la fonction publique, avec sa facilitation forcenée au recrutement de contractuels, de vacataires et de non titulaires divers en est l’une des illustrations les plus éclatantes dans la dernière période.

Elle réduit en effet les êtres vivants, les acteurs du service public, à ne plus être que des chiffres, éléments de l’enveloppe budgétaire octroyée à leur service et/ou leur administration.

L’état de notre Education Nationale en témoigne.

Ceci posé, où en est on pour l’actualité, maintenant qu’Elisabeth Borne, trop bonne, nous a indiqué que le recul de l’âge de départ n’était pas « un totem ».

Sauf que, si j’ai bien suivi, faudra quand même faire entre 42 et 43 ans, d’ici 2030 (année où les effets du baby boom de la Libération sont censés commencer à s’effacer), de cotisation pour partir en retraite à taux plein.

Si on fait 62 ans – 42 ans, on se retrouve avec un début de carrière à 20 ans et même 19 ans pour la dernière génération frappée.

Bon, ne cherchez pas, sauf exceptions et notamment parce que ça couine du côté de la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers, vous pouvez oublier la retraite à 62 ans.

Surtout si vous avez eu l’idée stupide de faire des études, sans passer par la voie de l’apprentissage et de l’alternance, ou sans prendre le temps de vous inscrire à Pôle Emploi, histoire de valider quelques trimestres, même sans gagner le moindre salaire…

Bref, la Première Ministre ne fait rien qu’à habiller d’inacceptable ce qui est une remise en question du droit à pension.

Et tout cela, pourquoi ?

Pour le plaisir de nous faire marner deux trois ans au delà de l’âge légal de liquidation des pensions ?

Nous faire participer au redressement de comptes d’une assurance vieillesse qui n’est d’ailleurs pas vraiment en déficit ?

Non, juste parce qu’il s’agit de maintenir la rentabilité du capital, parce que celle ci exige que les dépenses de retraite soient plafonnées à 14 % du PIB, pour laisser le reste aux actionnaires, autant que possible.

Revenus ou profits, c’est l’enjeu.

Comme souvent.

Actualité scientifique : sensationnelles découvertes en France !

Nous ne nous en sommes pas encore remis.
Mais la France, dont on dit pourtant si souvent qu’elle est entrée en
phase de déclin depuis qu’elle a ouvert ses portes à une immigration
incontrôlée, semble encore capable d’effectuer de remarquables
découvertes susceptibles de changer la face du monde, comme ce fut le cas au début du XXe siècle, par exemple, avec la découverte du radium par les époux Curie.

Au mois de septembre, alors que l’on s’interrogeait sur le fait de
savoir si c’était encore l’été ou déjà l’automne, un savant français, très en
vue dans les allées du pouvoir, a ainsi mis en évidence, au terme de moult
expériences, que l’on obtenait de l’eau chaude si l’on décidait de chauffer
de l’eau froide au moyen d’une source d’une chaleur.
Cette stupéfiante découverte, à peine brevetée, a ouvert
immédiatement un débat, toujours en cours, sur la quantité d’énergie
nécessaire pour que l’eau dite chaude atteigne la température de 19 degrés , ou soit contenue entre 17 et 19 degrés.

La vive controverse ainsi ouverte a, assez étonnamment, évité
d’investir le problème du chauffage de l’eau jusqu’à 35 ou 40 degrés,
destinée à être utilisée pour la vaisselle…Nous étions encore dans la stupéfaction et la perplexité qu’on
annonçait une nouvelle découverte spectaculaire.

Une autre équipe de savants qui utilise gracieusement des locaux
situés au 68 de la rue du Rocher, a en effet pu déterminer, après une
expérimentation sur une centaine de cobayes rémunérés, que le port du col roulé pouvait constituer une réponse adaptée pour lutter contre les attaques du froid l’hiver.
Aussi sûrement que le fait de jeter l’argent par les fenêtres en faisant
fonctionner les systèmes de chauffage à pleine puissance !

Une telle découverte, tout à fait essentielle, a cependant provoqué
une levée de boucliers du syndicat des plombiers chauffagistes, craignant pour le devenir de leur activité, avec les recommandations exprimées dès son annonce.

A contrario, elle a été saluée comme telle par la fédération des
éleveurs de moutons de Haute Auvergne et celle de Basse Provence, ces
professionnels ayant enfin le sentiment de voir leurs efforts et leur travail reconnus et récompensés.
Le seul problème, c’est qu’une bonne partie des pulls à col roulé sont
désormais fabriqués en acrylique, ce qui fait, de longue date, le bonheur
des entreprises chinoises produisant cette matière première indispensable.
Comme quoi, une fois encore, notre pays risque de perdre le bénéfice
du travail de ses équipes scientifiques au profit des industries étrangères.

Affaire à suivre, au moment où commencent à circuler des éléments
et quelques informations partielles sur l’invention d’un outil
révolutionnaire et d’une simplicité stupéfiante pour couper le beurre…