Quelques remarques sur la dette


La hausse continue de la dette publique, qui dépasse au 31 décembre
les 3 100 Mds d’euros, ne doit pas faire oublier un certain nombre de
points.
La dette des collectivités locales, comme nous l’avons déjà précisé,
est d’abord et avant tout une dette d’investissement, ce qui implique
qu’elle dispose par nature d’une contrepartie.
La dite contrepartie étant de fait l’équipement public (école,
gymnase, centre culturel) ou ouvrage (chaussée, aménagement de trottoir,
etc.) que l’emprunt a permis de réaliser.
Pour la dette sociale, une bonne partie découle des insuffisances de
trésorerie des organismes prestataires et de leur accumulation, puisque les
fameux « déficits sociaux » ne proviennent que des quelques centaines ou
milliards d’euros dépensés au-delà des ressources de la Sécurité Sociale.
Elle ne procède que de manière plus marginale de la dette
hospitalière, même si celle ci existe.
Et se situe aux alentours des 30 Mds d’euros.
En 2020, un plan de reprise de cette dette par l’État a été mis en place
pour 10 Mds d’euros.
Une solution utilisée pour la principale dette d’un ODAC, à savoir
SNCF Réseau, qui a fait l’objet d’une consolidation de 35 Mds d’euros, les
conditions financières obtenues par France Trésor étant autrement
meilleures, de manière générale, que celles négociées par les directeurs
financiers d’hôpitaux.
Pour la consolidation de la dette de France Travail, largement
développée pendant la pandémie et l’indemnisation du travail à temps
partiel, il semble bien que la mise en cause des allocations versées aux
privés d’emploi soit la piste la plus sérieusement explorée.

Le coeur du sujet demeure donc la dette de l’État, résultat de
l’accumulation des déficits budgétaires depuis un demi siècle environ mais
surtout de choix de gestion des affaires publiques contestables.
En bonne partie, tout se passe désormais comme si l’argent public
était utilisé pour « accompagner » les choix des entreprises plus que pour
impulser des décisions porteuses de développement de l’activité, de
l’emploi et des bassins de vie.
La baisse uniforme de l’impôt sur les sociétés, la mise en déclin et
l’extinction progressive de la taxe professionnelle devenue contribution
économique territoriale, la montée en charge de la contribution sociale
généralisée en lieu et place des cotisations sociales prélevées sur la
production, la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée et son utilisation de
plus en plus différenciée, l’allégement global de la fiscalité du patrimoine
désormais dépourvue d’ISF sont autant de choix qui ont été opérés et dont
nous ressentons aujourd’hui les conséquences.
Mais l’orientation générale des politiques publiques, abandonnant
notamment de plus en plus la dépense budgétaire directe au profit des
crédits d’impôt ou de l’affectation de recettes de compensation, vassalisant
de fait la mobilisation des deniers publics aux décisions du secteur privé
est aussi discutable.
Ainsi, la ristourne dégressive sur les bas salaires, mise en place en
2002/2003, a été généralisée sans recours constaté à la réduction du temps
de travail et constitue, pour les entreprises, un puissant frein à la
négociation en vue des revalorisations salariales.
Et il est bien d’autres mesures dont la pertinence économique et
sociale n’est pas assurée à tout coup et le coût, pour les finances publiques,
non négligeable.
Ainsi, le remboursement intégral des frais d’optique et dentaire, dans
la limite d’un plafond donné, présente la caractéristique de favoriser outre
mesure l’importation de matériels fabriqués loin de l’Hexagone.
Il est grand temps de redonner des marges de souplesse à la gestion
des affaires publiques.
Quand la seule baisse de l’impôt sur les sociétés coûte 60 Mds
d’euros pour le seul « effet taux », quand 60 Mds de TVA sont reversés à

la Sécurité Sociale pour les allégements de cotisations, quand 13,4 Mds de
droits sur les tabacs comblent le trou de la Sécurité Sociale agricole, plus
de 16 Mds de la taxe sur les salaires compensent les cotisations sociales
exonérées, plus de 50 Mds de TVA sont consacrés à remplacer la fiscalité
locale et 4 Mds de mieux à remplacer la redevance audiovisuelle, les
comptes publics s’approchent d’une forme de sclérose ou de thrombose
qui dénaturent la gestion publique.
Et conduisent, soit dit en passant, au recours arbitraire aux
procédures d’adoption sans vote du budget.