En attendant qu’un Gouvernement ne soit formé et puisse, éventuellement, commencer de travailler et proposer un certain nombre de mesures, la présente note tend à proposer une sorte de tour d’horizon de la situation du pays au seuil de cet été 2022.
QUELQUES ASPECTS DE DROIT…
Ne doivent pas être oubliés.
Ainsi, en l’absence éventuelle d’une équipe pourvue de la confiance de l’Assemblée, un certain nombre de sujets peuvent fort bien être appréhendés par la voie réglementaire.
Ainsi, la hausse du SMIC, celle des minima sociaux et même la fixation du taux de rémunération du Livret A (elle est d’ailleurs prévue le 1er août prochain, tout en ne respectant pas la formule de révision) peuvent fort bien être décidés sans que le moindre texte de loi ne soit adopté en l’état.
Ainsi l’article L 262 – 3 du code de l’action sociale et des familles, relatif au RSA, dispose (je cite)
Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262-2 est fixé par décret. Il est revalorisé le 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
(fin de citation)
Si, par contre, d’aventure, un Gouvernement entend « déconjugaliser » l’allocation adulte handicapé (un thème qui, au bout de cinq ans, semble partagé par la majorité des partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale), il faudra passer par un texte de loi…
Dans un autre ordre d’idées, le plafonnement des frais bancaires pour chèque impayé tient aussi du champ réglementaire (article D 131 – 25 du code monétaire et financier).
Un même dispositif peut être mis en œuvre pour favoriser la modération de la progression des loyers de logement puisque l’article 18 de la loi 89 – 462 du 6 juillet 1989, toujours en vigueur, offre toujours la possibilité de mise en œuvre d’un encadrement des loyers comme on l’a vu sur Paris, Lille ou certains établissements de coopération intercommunale de banlieue (Plaine Commune ou Est Ensemble).
Ces dispositifs ont d’ailleurs été reconduits (par arrêté du 6 mai dernier pour Plaine Commune par exemple) et il semble nécessaire d’agir pour que soient couvertes les parties du territoire confrontées à la tension sur le « marché du logement ».
De manière plus générale, on ne peut cependant qu’appeler à l’ouverture d’un cycle de négociations salariales de branche (qui n’ont besoin d’aucun projet de loi) en partant de la situation de l’économie qui, en 2021, aura tout de même dégagé plus de 540 Mds d’euros d’excédents bruts d’exploitation et généré la distribution de 80 Mds d’euros entre dividendes des entreprises du CAC 40 et mise en place d’opérations de rachat/destruction d’achats.
Tout simplement parce que la hausse du pouvoir d’achat passe aussi par le « dialogue social ».
SITUATION DE L’EMPLOI
On peut légitimement se demander ce qui a pu conduire la population d’un pays proche du plein emploi (en tout cas, selon le discours officiel) à manifester ces deux derniers dimanches sa profonde insatisfaction.
C’est que la réalité a probablement été enjolivée.
Les données de Pôle Emploi évoquent, en effet, pour le premier trimestre 2022, la situation suivante
- 2 962 800 chômeurs dits de catégorie A (à temps plein),
- 740 600 chômeurs dits de catégorie B (c’est-à-dire travaillant mois d’un mi – temps par mois)
- 1 540 800 chômeurs dits de catégorie C (c’est-à-dire à activité partielle supérieure au mi – temps.)
Le halo de chômage intègre donc, en qualité d’inscrits auprès des
Services de Pôle emploi, plus de cinq millions de personnes.
Ce nombre est en baisse sur le début du premier quinquennat Macron mais montre que nous sommes du « plein emploi ».
Sur les dernières années, entre le début 2018 et le début 2022, les mouvements d’entrée et de sortie constatés chez Pôle Emploi n’ont jamais été négatifs, les pertes d’emploi étant sans cesse excédentaires de 90 à 140 000 postes de travail par trimestre.
De ce point de vue, le mouvement des entrées et sorties de liste de Pôle Emploi est fort affecté par les radiations dites « administratives » et moins par les reprises effectives d’emploi, sous quelque forme que ce soit.
De janvier 2018 à mars 2022, le nombre de chômeurs radiés a atteint 649 000 situations (certains privés d’emploi pouvant figurer dans cette comptabilité à plusieurs reprises, évidemment), celui des cessations d’inscription s’est élevé à 3 508 100 personnes (même observation) et les reprises d’emploi effectives à 1 751 100 inscrits.
C’est-à-dire que la reprise d’emploi, même temporaire, ne couvre que 30 % des motifs de sortie du registre de Pôle Emploi.
Et, comme sur la période, le nombre de privés d’emploi n’a pas baissé de plus de 475 000 unités en catégorie A, cela laisse penser que la qualité des emplois proposés est assez discutable…
Notons également, de ce point de vue, que s’agissant des 15/24 ans déjà en activité professionnelle, un quart se trouve en situation d’alternance, de formation et d’apprentissage (26,7 % au total selon l’INSEE), et un cinquième en emploi précaire (21 % de CDD).
Sur l’ensemble de la population active, on compte 2 % de salariés en intérim, 2,9 % en alternance et formation, 7,7 % en CDD et 12,6 % en indépendants, le nombre de ceux-ci ayant connu une évolution sensible liée notamment aux emplois « ubérisés ».
On rappellera que, selon l’ACOSS, plus de 700 000 auto – entrepreneurs n’ont aucune activité réelle en termes de chiffre d’affaires.
Enfin, signe de ces temps de « stagflation », la création d’emplois privés marchands est en baisse au premier trimestre 2022 avec un total de 64 200 créations de postes.
Au lieu de 183 400 au premier trimestre 2021, par exemple.
SITUATION BUDGETAIRE
Si le dernier décompte de l’année en cours (situation fin avril 2022) est en apparence assez positif, puisque le déficit public s’est réduit à moins de 70 Mds d’euros en cumulé, les temps ne s’annoncent pas forcément très bons.
La majoration des recettes, singulièrement de TVA, est assez nettement due à la hausse des prix et l’amélioration du solde largement liée à la quasi – disparition des aides des plans d’urgence divers et au ralentissement des dépenses du plan de relance.
Pour le solde, la gestion des comptes publics et des crédits budgétaires a de plus en plus à voir avec une austérité assez banale et une mobilisation au coup par coup pour faire face aux exigences du temps, une sorte de gestion « au fil de l’eau » comme le montrent l’action sur le prix des carburants ou les tarifs de l’énergie.
Autre signe préoccupant : la remontée des taux d’intérêt de la dette avec un taux moyen des émissions de l’année 2022 de 0,67 % et un taux à dix ans atteignant désormais 2,25 %.
On est loin des taux négatifs connus durant tout le quinquennat 2017 – 2022 qui n’ont cependant pas empêché la dette négociable de croître et embellir de … 495 Mds d’euros environ.
Autre signe complexe : à la fin du mois d’avril 2022, le quart des émissions d’obligations de l’année (10 543 millions) a été réalisé sous forme d’obligations à taux variable, c’est-à-dire indexées sur l’inflation.
En avril 2021, seulement 742 millions d’obligations avaient été levées avec indexation.