Les observations d’une association comme ACRIMED et l’avis de certain-e-s adhérent-e-s de la liste de diffusion méritent, pour le moins, que l’on produise un éclairage sur nombre des aspects soulevés par la question du traitement médiatique accordé aux programmes politiques des uns et des autres.
Et cela vaut d’ailleurs à la fois pour l’élection présidentielle (où ce débat a été assez nettement escamoté au profit de la controverse sur le « vote utile » destiné à éviter l’inévitable duel final) que pour les présentes élections législatives.
On pourrait d’ailleurs produire d’emblée une observation en montrant que les deux finalistes de la présidentielle se retrouvent en difficulté pour les législatives, l’un n’étant pas tout à fait sûr de disposer de la majorité parlementaire lui permettant d’appliquer son « programme » (si tant est qu’il y en eût un de clairement défini) et l’autre, malgré le renforcement de son score présidentiel comme celui de son mouvement aux législatives, se trouvant dans la plus parfaite incapacité de disposer d’une solution de rechange avec 208 candidats au second tour pour 570 sièges à pourvoir en duels ou triangulaires.
Alors, au point où nous en sommes, voici que rejaillit la « vieille lune » qui voudrait que la vision économique de la gauche conduirait le pays à la catastrophe financière, et qu’une telle perspective exigerait de laisser les commandes du pays aux « modernes « de la coalition macroniste « Ensemble ! » (Clémentine Autain aurait dû déposer le nom de son petit mouvement à l’INPI, il n’aurait pas été ainsi « piqué » par les partisans du Président de la République) ou à la droite.
Ainsi, le programme économique de Mélenchon serait coûteux, irréaliste, conduirait à l’explosion des déficits et de la dette, pouvant même mener la France à se trouver mise au ban de l’Europe, comme une sorte de Grèce des années 2020.
Sans la moindre équivoque, le programme de la NUPES, s’il n’est que le simple copié collé de « L’Avenir En commun », pose un certain nombre de problèmes et de questions qui peuvent d’ailleurs être résolues pour peu qu’on les prenne sous le bon angle.
Je pense notamment au problème de l’assujettissement des retraités à l’impôt sur le revenu comme à la CSG, ou encore aux limites de la progressivité de l’impôt comme de la CSG ou à la place de la fiscalité écologique dans le schéma d’une politique de gauche attachée à la préservation de la qualité de l’environnement.
Mais cela ne règle pas la question pour autant.
C’est qu’il s’agit de nous sortir, de manière définitive, de l’historique dichotomie entre le social, apanage de la gauche, et l’économie, point fort de la droite et de tout mouvement politique disposant de l’oreille des milieux d’affaires comme Renaissance.
Comme si social et économie étaient antinomiques et que l’un n’influait pas sur l’autre.
Confusément, d’ailleurs, le lien est établi par Macron lui-même puisque le Président de la République conditionne le social (notamment le financement futur des retraites) à la croissance économique…
Au motif que, sans activité ni croissance économiques, nous ne pourrions nous payer les garanties sociales existantes…
Ainsi, il faudrait travailler jusqu’à 65 ans pour trouver de quoi financer les retraites, notamment avec l’activité professionnelle des 60 – 65 ans.
Mais cette analyse semble oublier que, malgré le recul de l’âge de la retraite à 62 ans, un tiers seulement des 60 – 65 ans est encore en activité.
Et que la réforme promise par Macron semble surtout promettre un passage obligé par la case « chômage », probablement de longue durée, les fameux « seniors » étant abonnés à Pôle Emploi pour quasiment deux ans en moyenne.
Que le social retrouve l’économie est une évidence de longue date.
Soyons clairs : l’Histoire a largement prouvé que les conquêtes sociales et ouvrières ont profondément modifié autant la structure de nos économies que celle des emplois et des métiers.
Elles ne sauraient être considérées comme un simple greffon d’humanité ou d’humanisme dans une jungle économique impitoyable mais bel et bien comme un vecteur déterminant de l’activité.
Sans la Sécurité Sociale, aurions – nous autant d’emplois dans le secteur hospitalier ou dans le médico – social, au sens large ?
Aurions – nous, de même, un secteur du tourisme, facteur (soit dit en passant) d’équilibre de notre balance des paiements, développé comme celui que nous connaissons sans que le droit aux vacances ait été établi puis élargi à partir de 1936 ?
Je me permettrai ici d’oser dire que les médecins libéraux peuvent être quasiment considérés comme des fonctionnaires, eu égard au fait que c’est l’argent de la Sécurité Sociale qui assure le fonds de roulement de leurs cabinets respectifs…
Mais pour aller plus loin, il importe, me semble – t- il, de revenir sur l’une des réformes essentielles du premier quinquennat Macron, à savoir, dans le droit fil de la calamiteuse loi El Khomri du quinquennat Hollande, les ordonnances Pénicaud.
Le programme de la NUPES entend revenir sur le contenu de ces « réformes » qui, avec la réduction sensible du nombre des instances représentatives du personnel (notamment par la suppression des CHSCT), du nombre de leurs membres et de leurs compétences et moyens d’intervention, ont profondément réduit les effets économiques de ce qu’on appelle « le dialogue social ».
Même la CFDT, dont les dernières années ont montré qu’elle n’était pas dépourvue de réceptivité aux attentes gouvernementales sur certains sujets, commence à trouver l’affaire quelque peu saumâtre.
Ainsi, le rapport d’évaluation 2021 sur la loi Pénicaud indique notamment
L’élargissement et la concentration sur le CSE d’un champ très vaste de sujets à aborder ne crée pas mécaniquement une meilleure articulation des enjeux stratégiques, économiques et sociaux, et peut constituer un élément de fragilisation de l’engagement des élus (surcharge de travail de représentation, difficultés deconciliation avec l’activité professionnelle, parfois renforcées pendant la crise en raisonde la forte sollicitation des instances existantes, manque d’expertise sur l’ensemble des sujets, etc.).
Cela crée un besoin renforcé d’accompagnement que les élus, syndiqués et non-syndiqués, expriment de façon récurrente, ainsi que la crainte de difficultés de recrutement pour les prochaines élections et d’affaiblissement des instances.
(fin de citation)
Qu’on ne s’y trompe pas, cette situation était probablement le but recherché…
Et je ne parle pas ici de la réforme du statut de la Fonction Publique, auditée par Mc Kinsey et promue par Amélie de Montchalin, qui a copié les ordonnances Pénicaud en réduisant le rôle des Commissions Administratives et Comités Paritaires dans le dialogue social des trois versants du secteur public (Etat, hôpital et collectivités locales) et inscrit le recrutement intensif de contractuels comme solution au problème des vacances de postes…
Le seul problème dans l’ensemble de ces mesures, c’est qu’elles ont généré une course au « moins disant social », dont les accords portant sur des « ruptures conventionnelles collectives » ou nommés « accords de performance collective » (en général assortis d’une bonne dose de modération salariale et d’une remise en question des trente – cinq heures) sont une illustration éclairante.
Et on peut en mesurer les conséquences micro et macro – économiques, à savoir absence de création d’emplois et baisse de la masse salariale en valeur et en volume, donc de recettes pour la Sécurité Sociale et l’ensemble des éléments de la chaîne fiscalo – sociale.
Autant dire que ce que beaucoup de contempteurs du programme de la NUPES oublient (et peut être aussi les responsables, candidats ou militants de l’alliance), c’est que la réforme du droit social, dans son ensemble, est un facteur essentiel dans la réalisation des objectifs fixés.
La démocratie sociale, appuyée sur des instances représentatives du personnel aux pouvoirs et compétences renforcés, c’est l’instrument d’un plus juste partage de la valeur ajoutée, par les revalorisations salariales de branche comme d’entreprises, par le financement vertueux de la Sécurité Sociale et, par voie de conséquence l’outil indispensable de la réduction des déficits publics comme d’une réduction « vertueuse » de la dépense publique…
Signe qu’il faut aller plus loin dans le débat économique, justement.
Jean Luc Mélenchon met en cause, ces derniers jours, le camp macroniste sur la possible mise en place d’une « TVA sociale »…
Une sorte de vice caché du programme du Président qui ne voudrait pas avouer que les futures baisses de cotisations sociales accordées aux entreprises (singulièrement sur les retraites mais pas seulement) seraient ainsi « amorties ».
En toute amitié, Jean Luc, faut se réveiller !
Parce que c’est d’ores et déjà le cas.
En 2022, l’Etat va ainsi virer au compte de l’assurance maladie rien moins que 53,8 Mds d’euros de produit de la TVA, soit plus ou moins le quart de la taxe perçue.
En clair, 4,6 à 4,7 % du prix d’un pantalon, d’une voiture ou la prestation de services d’un teinturier sont, déjà, de la « TVA sociale ».
Et ce sont au total 75 Mds d’euros qui sont ainsi consacrés par l’ Etat à « alléger « le coût du travail, en compensation des cotisations non perçues par la Sécurité Sociale.
Et pour quoi faire ?
En fait, en lieu et place d’une aide à la création d’emplois, mener une politique de financement de bas salaires, rivés sur le SMIC, ou à peine au – dessus et à peine au – dessous, une aide au travail à temps partiel imposé et un financement « consumérisé » de la précarité du travail qui fait porter sur le consommateur salarié ce qui rémunère parfois (avec la prime d’activité) le consommateur salarié plus pauvre que lui…
Et ceux qui donnent à la gauche, parfois, et à longueur de colonnes dans le Figaro, l’Express, les Echos, le Point et j’en passe, des leçons de gestion des comptes publics devraient réfléchir à une idée simple que je me permets d’exposer ci-dessous.
Tous les ans, et c’est inscrit en loi de finances, l’Etat emprunte 260 Mds d’euros sur les marchés financiers (avec des taux qui remontent depuis l’automne dernier).
Eh bien, il utilise, pour des motifs divers (compensation comme nous venons de le voir mais pas seulement), 200 Mds à « soutenir » les entreprises sans examen attentif de l’efficacité de ces « dépenses ».
Il y a peut – être du « grain à moudre »là – dedans.