PROCHE ORIENT : INTERROMPRE LA COURSE A L’ABIME

Depuis une dizaine de jours où chaque journal télévisé apporte son lot d’images épouvantables, entre étalage de blindés agressifs,  bombardements à l’aveugle, familles éplorées et populations dans l’inquiétude ou dans la fuite, se déroule la énième « guerre de Gaza », ce conflit larvé qui dure depuis 1948 entre l’une des démocraties les plus surarmées de la planète (Israël) et l’un des territoires les plus jeunes et les plus déshérités (la bande de Gaza).

Rappelons tout de suite les données du problème.

D’un côté, un territoire de 365 kilomètres carrés, en partie « vitrifié » lors d’une guerre antérieure pour « assurer la sécurité d’Israel », avec le quart de la superficie transformé en zone d’exclusion militaire.

Une zone qui avait la particularité d’assurer le tiers de la production agricole du territoire et dont la mise en place ajoute donc aux rigueurs d’un blocus durant depuis seize ans ( qui doit pas être loin d’être l’âge moyen de la population gazaouie) l’insuffisance des ressources alimentaires autonomes…

On se rappellera aussi, pour des raisons historiques, que la bande de Gaza recoupe, pour partie et pour partie seulement, l’antique royaume des Philistins, qui comprenait aussi quelques unes des villes voisines aujourd’hui situées dans le territoire israélien, à savoir Ashdod et Ashkelon.

Ashdod et Ashkelon (que nous avons longtemps appelé Ascalon) furent en effet deux des cinq grandes cités philistines et n’ont donc qu’un lien « biblique » relativement ténu avec la base de l’État d’Israël, à savoir les antiques royaumes de Judée et d’Israël.

Tout cela se trouvait cependant à une portée de fronde des cités philistines…

Il poussait par ailleurs dans l’antique Ascalon une plante rapportée plus tard par les Croisés, dont les bulbes parfument désormais notre cuisine.

Cet « ail d’Ascalon » est désormais plus communément appelé « échalote », même si d’autres sources historiques tendent à attester de la présence de l’échalote dans la cuisine romaine antique.

Dans le plan de partage (la solution à deux Etats) de 1947, la bande de Gaza était plus étendue vers le Nord, dans la direction de Tel Aviv Jaffa et comprenait une partie des rives de la Mer Rouge au Sud Est, partageant avec l’État juif le désert du Neguev.

La Cisjordanie, pour sa part, était essentiellement laissée sous gestion arabe, alors qu’elle est aujourd’hui littéralement morcelée entre « bantoustans «  peuplés de Palestiniens et colonies juives plus ou moins légales (du point de vue du droit international s’entend) protégées par un mur qui encercle les territoires laissés aux Arabes.

Pour avoir une idée plus précise encore des territoires concernés, on rappellera ici que la bande de Gaza représente, peu ou prou, une fois et demie la superficie de Marseille avec une population deux fois et demi plus importante quand la Cisjordanie couvre une surface équivalant celle de notre département de la Creuse .

La différence c’est que la Creuse compte 120 000 habitants (ou peu s’en faut) et la Cisjordanie plus de 3,5 millions, Palestiniens pour près de 80 %.

En tout état de cause, le partage initial comme tout règlement futur de la situation enkystée depuis soixante quinze ans procède de la dentelle faite main.

Désolé pour Calais ou Caudry, mais cela se rapprochera plutôt du point d’Alençon ou de la manière ponote…

On se souviendra en particulier que les accords d’Oslo, signés sous les auspices de Bill Clinton par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, avaient ouvert en 1993 une voie pour le règlement politique de la situation proche orientale qui n’a toujours pas, trente ans plus tard, pu trouver de prolongements.

Ce qui a interrompu le mouvement ?

L’assassinat de Rabin par un extrémiste juif et la mise en cause progressive de l’autorité de l’Organisation de Libération de la Palestine par la montée en puissance des forces du Hamas et du Djihad islamique, soutenus par les régimes arabes les plus conservateurs, mais aussi par les gouvernements israéliens de droite et d’extrême droite qui ont progressivement supplanté le parti travailliste (celui des fondateurs de l’État) aux affaires.

Car la région proche orientale a beaucoup changé.

Quand éclate la guerre des Six Jours (en 1967) qui va conduire l’armée israélienne à pénétrer dans le territoire égyptien, à monter sur le plateau du Golan au dessus de Damas et à occuper la Cisjordanie, l’OLP a le soutien des régimes égyptiens (Nasser), syrien (Hafez) et irakien (Aref).

Le royaume hachémite de Jordanie (Hussein) se trouve aussi aux côtés des Palestiniens.

1967 marque une défaite historique des armées arabes, battues par la mobilité extrême des force israéliennes qui feront main basse sur la bande de Gaza, le désert du Sinai, le Golan et la Cisjordanie, finissant leur course devant le Mur des Lamentations, le présumé vestige de l’antique Temple de Jérusalem.

(On rappellera ici que de multiples travaux d’archéologie n’ont pas encore pu formellement attester de l’affectation religieuse du bâtiment intégrant le vestige fréquenté par la population juive).

L’une des conséquences du conflit des Six Jours fut de repousser les populations palestiniennes vers la bande de Gaza, mais aussi vers le Liban et la Jordanie, peuplant les camps de réfugiés dont on sait ce qu’ils sont devenus.

La présence massive de populations palestiniennes a fini, dans les deux cas, par conduire à de dramatiques guerres civiles en 1970 (le fameux « Septembre Noir ») puis à partir de 1976 au Liban.

La seconde a duré nettement plus longtemps, conduisant à des bouleversements politiques tragiques au Liban, jalonnés de massacres de populations civiles (Tell al Zaatar, Sabra et Chatila), d’assassinats (Joumblatt, Gemayel, Hariri) et d’instabilité politique récurrente marquée par l’émergence de forces politiques « confessionnelles » comme le Hezbollah pro iranien ou le parti chiite de Nabih Berri.

Dans le cas du Liban, l’équilibre politique fragile conçu sous le mandat français, avec une représentation de chaque communauté religieuse et un partage des fonctions éminentes entre elles.

La population libanaise, dominée par les chrétiens maronites dans les années 20, s’est trouvée peu à peu transformée, notamment parce que l’immigration palestinienne a pesé de plus en plus lourd dans la population totale du pays.

Cette situation propre au Liban illustre d’ailleurs un aspect clé de la situation, à savoir l’existence d’une diaspora palestinienne dans l’ensemble de la zone moyen orientale ( et même au-delà) et l’on compte ainsi plus de 4 millions de Palestiniens en Jordanie, plus de 500 000 en Syrie, et plusieurs centaines de milliers dans l’ensemble des pays du Maghreb, du Machrek ou de la Péninsule arabique.

Mais la diaspora est aussi présente en Occident ou en Amérique Latine, où elle a, en quelque sorte, doublé l’émigration syro libanaise de la fin du XIXe siècle.

Ainsi, un pays comme le Chili compte un demi million de ressortissants d’origine palestinienne, la plupart du temps de confession chrétienne (comme une bonne partie des Palestiniens de Cisjordanie d’ailleurs), attentifs au sort de leurs lointains cousins, et il existe même un club de football local nommé le Club Deportivo Palestino, deux fois champion du Chili, opérant dans un stade situé dans la commune populaire de La Cisterna, dans la région métropolitaine de Santiago.

Lors des deux guerres du Golfe, la population palestinienne vivant exilée, loin du berceau de la communauté, souffrit beaucoup des mesures prises notamment au Koweit et dans les autres pays de la Péninsule à leur endroit.

Nous verrons dans d’autres publications les données plus récentes de la situation.