Ainsi, les circonscriptions urbaines autour d’Athènes et de Salonique élisent un certain nombre d’élus (Athènes A 13-14 élus ; Athènes B1 15-16 élus ; Athènes B2 11-12 élus ; Athènes B3 18-19 élus ; Le Pirée A 5 élus, Le Pirée B 8 élus, Attique Est 12 élus, Attique Ouest 4 élus, Salonique A 17 élus ; Salonique B 9 élus) pendant que de nombreux districts élisent entre 1 et 3 députés.
C’est notamment le cas des districts de l’Argolide, l’Arcadie, d’Arta, de Béotie, de Grevena, de Drama, de l’Eurythanie, de Zante, de Thesprotie, de Kastoria, de Corfou, de Céphalonie, de Kilkis, de Laconie, de Lassithi, de Lesbos, de Leucade, de Xanthi, de Preveza, de Rethymno, du Rhodope, de Samos, de Florina, de Phocide, de Chalcédoine et de Chio.
Dans ces vingt six districts électoraux, la bipolarisation est évidemment à l’oeuvre et favorise de fait le renforcement de la position des deux principaux partis.
Cette année, eu égard au résultat global obtenu par la Nouvelle Démocratie, vingt sept sièges sont allés à la Nouvelle Démocratie, quatorze au PASOK et treize à l’alliance Syriza.
Lors du scrutin de 2019, la Nouvelle Démocratie avait décroché vingt cinq sièges, Syriza dix neuf, le PASOK dix et le KKE un.
La participation au scrutin a été à peu près conforme à ce que l’on pouvait attendre d’une situation politique marquée par une certaine lassitude d’un électorat sortant de près de dix années de « plans de redressement » européens qui furent imposés notamment à la Grèce lors des succès électoraux de Syriza en janvier 2015.
On se retrouve finalement à une participation d’environ 60 % des électeurs avec de réelles différences selon les régions.
Ainsi, a t on voté à 67,7 % sur la circonscription Athènes B2, où se présentait le Premier Ministre sortant Mitsotakis, mais à 58,6 % dans la circonscription du Pirée A, ou était engagé le leader de la gauche Alexis Tsipras et à 56 % dans la capitale elle même.
Comme souvent, la participation est plus faible dans les îles : 55,1 % dans le Dodécanèse (36,6 % à Symi, 43,4 % à Kalymnos et Karpathos, 59,6 % à Rhodes qui tire l’ensemble de l’archipel vers le haut), 55,3 % à Corfou, 42,4 % à Céphalonie, 52,5 % à Leucade, 59 % dans les Cyclades (48,3 % à Ios, 53,1 % à Milo, 52,2 % à Serifos,), 50,4 % à Chio, 46,9 % à Lesbos et 49,9 % à Samos.
Pour le rapport de forces général, il s’avère favorable à la droite mais sans être totalement déséquilibré.
Les forces de centre droit et de droite (Nouvelle Démocratie, Solution grecque, Niki) dont l’influence électorale dépasse 1 % des votes ont en effet rassemblé 2 842 607 voix et 48,16 % des suffrages exprimés.
Les forces de gauche et de centre gauche (Syriza, PASOK, KKE, Mera 25 de Yannis Varoufakis et Cap vers la Liberté de Zoé Konstantopoulou) ont, pour leur part, réuni 2 612 790 voix et 44,28 %.
Au regard du scrutin précédent, la gauche perd un peu moins de 206 000 suffrages sur l’ensemble du pays quand la droite progresse de 381 699 votes.
Sauf dans le Rhodope, la liste de la Nouvelle Démocratie parvient en tête dans l’ensemble des circonscriptions, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps et lui permet évidemment d’être positionnée pour la répartition des sièges.
L’électorat de droite semble bien avoir « voté utile » pour assurer la victoire de la ND.
Notons aussi qu’il s’en est fallu de 4 878 voix pour Niki, de 6 788 suffrages pour Cap vers la Liberté et de 22 001 votes pour Mera25 pour que ces trois partis ne prennent part à la distribution des élus.
Ce qui aurait tout de même conduit à la redistribution de vingt sept mandats…
Ainsi, par exemple, le parti de Zoé Konstantopoulou a franchi la barre des 3 % dans l’ensemble des circonscriptions d’Athènes, du Pirée, de l’Attique et de Salonique mais se retrouve sans élus.
On pourra aussi rapporter le nombre de voix manquantes au nombre des bureaux de vote (21 707 sur l’ensemble du territoire) pour mesurer qu’en gros, l’affaire s’est jouée à une voix de plus ou de moins par bureau de vote…
Dans le détail des résultats, la droite a donc devancé la gauche et la Nouvelle Démocratie a donc remporté le plus grand nombre de suffrages, tout en restant, tant en voix qu’en pourcentage, dans les mêmes parages que lors du scrutin de 2019.
La ND a gagné moins d’un pour cent des votes et un peu plus de 156 000 voix.
Syriza, pour sa part, a perdu pratiquement 600 000 voix et 11,5 % environ.
Le différentiel entre les deux partis s’est donc considérablement accru, passant de 470 000 à plus d’1,2 million de suffrages, expliquant largement l’écart en termes de députés élus.
D’une situation « normale » de 2019 où la ND, arrivée en tête, avait obtenu 108 sièges et Syriza 86 (22 sièges de différence), nous passons donc à une ND pourvue de 146 élus et une alliance Syriza réduite à 71 mandats.
L’affaiblissement de l’alliance menée par Alexis Tsipras marque aussi un réalignement des forces à gauche.
Si Mera25, le mouvement de Ioannis Varoufakis, l’ex Ministre des Finances, à la pensée hétérodoxe, du premier Gouvernement Tsipras, a perdu les neuf élus dont il disposait au sein de la Vouli et si « Plefsi Eleftherias « (Cap vers la Liberté), le mouvement de Zoé Konstantopoulou n’a pas encore réussi, malgré un renforcement de son influence, à pousser les portes du Parlement , il n’en est pas de même du PASOK et du KKE, partis présents au sein de l’Assemblée depuis le retour de la démocratie en 1974.
Le premier, qui a exercé le pouvoir à plusieurs reprises au fil de victoires électorales spectaculaires (plus de 48 % et 172 élus sur 300 en 1981 ; près de 47 % et 170 élus en 1993 ; près de 44 % et plus de 3 millions de voix en 2009 pour 160 députés) a connu une forme de descente aux enfers dans la décennie 2010, connaissant même une division de ses forces.
Ainsi, en janvier 2015, les tendances du PASOK (fusion de l’ancien PS grec et du Parti du centre) se sont trouvées éparpillées entre le PASOK maintenu, la Gauche démocratique (ou DIMAR pour Dimokratiki Aristera), le Mouvement des socialistes démocrates (ou KIDISO pour Kinima Dimokraton Sosialiston) et La Rivière (en grec, To Potami).
Ce qui a eu, entre autres conséquences, de détacher du vote socialiste une bonne partie des couches moyennes (notamment des fonctionnaires) précarisées par la crise financière post olympique qui a frappé le pays et amené la victoire électorale de Syriza.
Mais aussi le plan de « soutien » européen avec ses conditions drastiques.
Le PASOK a regagné cette année plus de 218 000 suffrages, passant de 8,1 à 11,5 % et de 22 à 41 députés.
Le KKE, ou »Parti communiste grec » dit de l’extérieur pour sa fidélité affichée à l’URSS, notamment à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, quand il s’était agi de décider de ce que l’on ferait de la Grèce (Monarchie contrôlée par la Grande Bretagne ou République fondée par la Résistance), a connu également une progression de son influence.
Il a en effet obtenu 7,2 % des voix, en progression de 127 000 suffrages et de 15 à 26 députés.
Le parti gagne trois députés à Athènes, un au Pirée, un en Attique et gagne une représentation sur Ioaninna, Kozani, en Magnésie, en Messénie (une région du Péloponnèse largement orientée à droite), à Trikala, en Phtiotide et à La Canée, obtenant un deuxième siège en Crète, dans une île qui fut longtemps le fief du PASOK.
Le KKE atteint 16,5 % des voix sur le district de Samos et a perdu un siège sur Lesbos malgré un score en hausse à 13 % des suffrages.
Il devance le PASOK dans les quatre circonscriptions d’Athènes et les deux du Pirée.
Le rapport de forces entre gauche et droite, au-delà des réalignements, demeure favorable à la gauche sur Athènes B2 (50,3%), en Arcadie (47,5%), dans le Nome d’Arta (54,1%), en Achaïe (51,7%), en Béotie (48,8%), entre autres résultats.
La gauche est en tête dans les Iles Ioniennes et dispose encore de bonnes positions en Crète ou dans la périphérie d’Egée Septentrionale.
De manière plus anecdotique, notons que les Grecs expatriés ont plutôt voté à gauche, avec plus de 51 % des votes.
En France, le total de la gauche dépasse les 59 %.
Majorité de gauche aussi en Allemagne avec notamment un ensemble de plus de 79 % des votes à Berlin.
Ceci posé, on peut se perdre en conjectures sur ce qui a motivé la victoire de Mitsotakis (lui même fils d’un ancien Premier Ministre, frère de l’ancienne maire d’Athènes Dora Bakoyanni au moment des JO de 2004 et, par conséquent, oncle de l’actuel maire de la capitale), compte tenu qu’il avait fait partie des Gouvernements ayant « maquillé » la réalité de l’impasse budgétaire qui a plongé la Grèce dans la crise profonde dont elle n’est pas encore sortie, malgré ou à cause des cures d’austérité imposées à haute dose par les institutions européennes.
Le taux de chômage demeure élevé, les relations avec le voisin turc se sont envenimées du fait de la question migratoire et le respect des libertés fondamentales laisse quelque peu à désirer dans un pays où un certain nombre de personnalités ont été placées sur écoute téléphonique, les manifestations populaires réprimées avec autant de sévérité qu’en France et certains journalistes trop curieux tout simplement éliminés.
Le fait que l’électorat de gauche soit en recherche d’une proposition politique pertinente et construite constitue, semble t il, le motif principal pour lequel il ne s’est pas suffisamment mobilisé pour inverser le résultat.
En attendant, surfant sur son succès, Kyriakos Mitsotakis a décidé de prononcer la dissolution de la Vouli, à peine élue, pour un nouveau scrutin, doté d’une prime majoritaire, qui se tiendra le 25 juin prochain.