RETRAITE. Cotisations sociales

COTISATIONS SOCIALES, POUR LES SALARIES, LA DOUBLE PEINE

Le débat engagé dans l’ensemble du pays au sujet de la réforme des
retraites glisse peu à peu, et c’est tout à fait naturel, vers la question du
financement du régime et notamment les alternatives au choix opéré par le gouvernement de se contenter d’allonger la durée d’affiliation des salariés (et de raccourcir d’autant celle de perception de la pension, faisant un pari économique sur la létalité ?)

Le cadre du projet de loi est fixé.
On cotisera bientôt 43 ans au lieu de 42, et les retraites continueront
d’être indexées sur les prix et calculées, pour le régime général, sur les
vingt cinq meilleures années, ce qui conduira naturellement à la réduction du taux de remplacement des pensions et retraites au regard du dernier salaire perçu.

Cette règle, fixée par la réforme Balladur de 1993 (celle ci avait été
votée dans la masse des lois défendues pendant l’été par le Gouvernement de « l’ami de trente ans » de Chirac) est l’un des éléments clé de la situation d’aujourd’hui.

Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, ce sont quatre points de
PIB (c’est à dire qu’aujourd’hui, plus ou moins 100 Mds d’euros qui ne sont pas consacrés aux retraites) que l’on ne retrouve pas dans les comptes sociaux…

100 Mds d’euros, cela représente près de 30 % de perte de pouvoir
d’achat pour les 18 millions de retraités de notre pays.

On pourra ajouter, au tableau de la réforme Borne Dussopt Véran, la
« modération salariale » difficile à maintenir dans le secteur privé de plus
en plus secoué par l’annonce de résultats financiers très favorables de nos grands groupes, mais néanmoins encouragée par une gestion des
rémunérations publiques qui a littéralement constitutionnalisé le gel du
point d’indice et pratique de plus en plus intensivement la précarité de
l’emploi, le recours aux contractuels et, de fait, l’absence de déroulement
de carrière.

L’un des problèmes de la Sécurité Sociale, ceci posé, est bien celui du
statut accordé aux cotisations sociales, prélevées dans l’entreprise sur la
richesse créée (biens produits ou services rendus) et basées sur les salaires.

Ce problème affecte sensiblement moins l’assurance vieillesse que les
autres, ainsi que nous avions pu le pointer lors de l’analyse de la fiscalité
(dont les cotisations sociales ne sont qu’une sorte de cousines) et
notamment de la contribution sociale généralisée.
Tout simplement, parce que la CSG finance l’assurance maladie, les
allocations familiales, quasi exclusivement la nouvelle branche autonomie mais aussi, depuis assez peu, la dette sociale (en sus de la CRDS) et, plus étonnant, l’UNEDIC, confronté à une dette conséquente, issue de lapériode Covid.

Mais on relèvera cependant que cette utilisation de la Contribution
Sociale Généralisée a remplacé la cotisation maladie résiduelle sur la part dite « salariale », une bonne partie des cotisations famille et la cotisation chômage sur la toujours dite « part salariale ».

Notre bulletin de paie laisse d’ailleurs apparaître le montant que nous
devons, en termes de salaire net, à la disparition de ces cotisations sociales maladie et chômage.

Ce tour de passe passe, qui assure la persistance du taux de la CSG
au niveau actuel (9,2%), nous a permis de bénéficier d’une réforme
imposée de l’assurance chômage, d’une réduction des allocations logement et du développement de la crise des urgences à l’hôpital et des déserts médicaux en médecine de ville…

Toujours est il que l’assurance vieillesse est le seul champ de la
Sécurité Sociale à ne pas être financé de manière importante par la CSG et d’être ainsi, de fait, le plus proche de la Sécurité Sociale d’origine, financée par la voie de cotisations.

Dire qu’il s’agit là d’une des raisons profondes de cette insistance du
Gouvernement à réformer notre régime de retraite me semble assez
évident.

Et que ce n’est sans doute pas pour rien que l’ensemble des
partenaires sociaux de la « partie patronale » (MEDEF, CPME, U2P) est
favorable au texte actuellement en discussion.

Parce que si les « charges sociales «  (traduction de cotisations) sont
lourdes à payer pour les entreprises, il n’en est pas de même lorsqu’elles
sont supprimées et remplacées par des compensations fiscales…
Les exonérations sociales sont, depuis une trentaine d’années, un des
éléments des politiques publiques.

Mais les dernières années ont connu une très sensible accélération du
processus, notamment avec la transformation du Crédit d’impôt
Compétitivité Emploi (CICE) en allégement pérenne de cotisations
sociales.

En 2016, on comptait rien moins que 37,3 Mds d’euros
d’exonérations sociales dans les comptes de l’Etat (compensées par
affectation de produits fiscaux tels une part de la TVA) dont 3,7 Mds
restaient en pertes de recettes sociales.

Le basculement du CICE en allégement de cotisations a porté en
2022 le total des exonérations à 78,8 Mds d’euros dont 2,6 Mds non
compensés.

Ce sont donc plus de 75 Mds d’euros qui sont ainsi mobilisés, au sein
des ressources fiscales, pour compenser le « cadeau «  ainsi fait aux
entreprises.

Comme nous l’avons indiqué, c’est la TVA qui est le principal produit
fiscal qui est sollicité, pour plus de 60 Mds d’euros au total.
La TVA prend notamment à sa charge l’allégement général sur les bas
salaires (34,9 Mds d’euros pour 2022) et la bascule CICE/allègement
pérenne (22,9 Mds d’euros, finançant en totalité l’assurance maladie).

On notera aussi que le régime social des indépendants, que Macron a
finalement décidé « d’aligner «  et « d’adosser » au régime général, après sa véritable explosion liée au développement des auto entrepreneurs, a généré 1,8 Md d’euros d’allégements de cotisations.
Que provoque ce processus ?

Pour les salariés, c’est la double peine.
Les cotisations sociales constituent en effet, qu’on le veuille ou non,
un élément de rémunération du travail.
Quand elles sont « exonérées », c’est donc une partie du salaire qui
n’est pas payée.
Et la compensation, que ce soit par la TVA, les droits sur l’alcool ou
ceux sur le tabac, étant fondée d’abord et avant tout par affectation d’un
impôt de consommation, est de fait payée par les mêmes…

On n’a pas vraiment mesuré, jusqu’ici, les conséquences de ces
politiques d’allégement du « coût du travail », au delà de la considération
générique qui voudrait que la part des salaires dans la richesse créée par le travail ait baissé.
Car ce qui pèse, à mon avis, dans cette affaire, c’est que les
allégements de cotisations participent à l’attrition et la diminution
« systémique » des ressources de la Sécurité Sociale, et singulièrement de l’assurance vieillesse par contagion de la pratique des bas salaires, sans reconnaissance réelle des niveaux de qualification entre autres méfaits.

Les métiers dits en tension sont, de ce point de vue, le témoignage de
la rupture entre une logique d’allégements dépassés et une aspiration
nouvelle, de plus en plus développée, pour une activité professionnelle
digne, respectueuse du salarié et logiquement mieux rémunérée.

Toujours est il que trouver sans trop d’efforts des ressources
nouvelles pour la Sécurité Sociale passe clairement par la mise en cause de ces politiques d’exonérations sociales coûteuses et socialement nuisibles.

De plus, l’affectation de taxes comme la TVA au financement de la
Sécurité Sociale constitue un obstacle majeur à toute réduction éventuelle de son taux normal…

Ou au maintien de certains taux réduits…
C’est à dire d’une atteinte au pouvoir d’achat.
Vous avez envie, vous aussi, d’une TVA à 25 % et d’une CSG se
rapprochant de 15 %