C’était plus ou moins annoncé et paraissait donc comme couru.
Et cela n’a pas loupé, dépassant même les espérances les plus pessimistes qui pouvaient se faire jour.
Le choeur des surveillants généraux de la dépense publique s’est perdu en conjectures en pointant la publication d’un déficit public de 5,5 % du produit intérieur brut et d’une dette explosant définitivement la barre des 3 000 Mds d’euros, situation due en grande partie au laxisme de l’État, aux lubies des élus locaux et à l’impécuniosité des assurés sociaux.
Les choses sont, dès lors, d’une grande simplicité.
Il est temps de prendre des mesures et de « serrer les vis » avant que tout le système ne soit en péril.
Comme je suis un peu taquin, j’ai opté dans un premier temps pour quelques opérations simples.
COMPARAISON N’EST PAS RAISON ?
J’ai pris les données fournies par l’INSEE.
Et relevé notamment que notre pays comptait au 1er janvier 2023, selon les estimations de l’Institut, 68 133 433 habitants.
Si on prend le déficit de 154 Milliards d’euros tel que notifié aux autorités européennes dans un premier temps, on aboutit à un chiffre de 2 260 euros par habitant, signe évident d’un comportement dépensier pour le moins dispendieux.
On se retrouve en effet avec une dépense non financée, tous champs publics concernés, de 6,20 euros par jour et par habitant, preuve de notre évidente prodigalité.
Si on prend la dette maintenant, qu’est ce que cela donne ?
La dette brute est fixée à 45 500 euros environ par habitant soit, pour une famille de quatre, la valeur d’un pavillon situé en lotissement de banlieue avec un carré de pelouse et une place de garage…
Si on compare le patrimoine des ménages à la dette publique (ce qui n’est pas tout à fait juste), on constatera juste que, fin 2021, ce patrimoine représentait la somme de 215 000 euros environ par habitant, assez loin de la faillite, tout de même.
Entrons un peu dans les détails.
CE QUE L’ON NOUS DIT SUR DEFICIT ET DETTE
On aura remarqué que le déficit notifié (154 Mds d’euros) se trouve très proche du déficit de l’État tout seul, qui atteint 155,3 Mds d’euros.
Dans les faits, le compte des administrations publiques locales, celui des organismes divers d’administration centrale et celui des administrations de Sécurité Sociale présentent donc au global un solde positif d’un peu plus d’un milliard d’euros, largement porté par le rendement de la CSG et de la CRDS qui effacent le déficit de la Sécurité Sociale, consolidé au sein des écritures de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES).
Peu de bruit est fait, d’ailleurs, sur le fait que ladite CADES est en train, avec les impôts largement payés par les salariés et les retraités, d’effacer peu à peu la dette sociale.
Le Gouvernement explique le déficit Etat ainsi (je cite)
« Le déficit de l’État s’accroît de 6,9 Md€. Hors effet de la reprise de dette de SNCF Réseau de 10 Md€ en 2022, il s’accroît de 16,9 Md€. Ses recettes sont pénalisées par les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires et le recul de l’impôt sur les sociétés. Côté dépenses, la fin des mesures Covid et le reflux de la charge d’intérêts ne suffisent pas à compenser le fort ralentissement des recettes. »
S’il fallait d’ailleurs se convaincre que les pertes de recettes sont à la source de la progression du déficit, sans doute pouvons nous relever également, dans la note de l’INSEE, les éléments suivants :
«En 2023, les recettes des administrations publiques sont pénalisées par le ralentissement de l’économie, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus. Au total, les recettes augmentent de 2,0 % en euros courants, alors que le PIB en valeur augmente de 6,2 %. »
Et pour confirmer les effets de cette moins value de recettes, il est indiqué, dans la note, un élément clé (je cite)
« En 2023, les dépenses des administrations publiques progressent de 3,7 % en euros courants après +4,0 % en 2022 et +4,3 % en 2021. Cette croissance est inférieure à celle des prix (+5,5 % pour le prix du PIB), ce qui explique la baisse du ratio dépenses/PIB. »
MAIS ALORS D’OU VIENT LE MAL ?
Recettes insuffisantes et dépenses de plus en plus maîtrisées (à la notable exception des dépenses liées à la dette publique) devrait conduire le Gouvernement à rechercher les voies et moyens pour améliorer le rendement des impôts.
Lutter contre la fraude fiscale, par exemple, une dure lutte dont les résultats sont régulièrement mis en cause par la mise en œuvre de transactions résolutoires du contentieux…
Eh bien non !
Alors que le système d’allocation chômage a retrouvé les voies de son équilibre financier courant, c’est vers la réduction des droits des privés d’emploi que l’on s’oriente, sous le double effet ciseau de l’allongement de la durée de cotisation nécessaire à l’ouverture des droits à allocation et du raccourcissement de la période d’indemnisation.
Pour faire bonne mesure, nous devrions voir augmenter le ticket modérateur sur les séjours hospitaliers et les boîtes de médicaments.
Dans le même ordre d’idées, on parle aussi de prélever 100 euros par stage financé avec le compte personnel de formation des salarié-e-s, compte qui n’a de personnel que le nom puisque ces comptes ont été créés après captation par l’État des contributions des entreprises à la formation….
Le 21 février, 10 Mds d’euros de dépenses publiques, pourtant votés par le Parlement lors de la discussion budgétaire après recours à force articles 49 – 3, ont d’ores et déjà été annulés par un simple décret.
Une somme qui représente plus de 2 % du budget voté et deux fois et demi le budget de la Culture, ou presque autant que le budget de la Justice.
Le tout, rappelons – le, pour rapprocher les comptes publics de notre pays des critères de convergence européens (les fameux 3 % de déficit public, entre autres), élément clé au centre de la construction européenne que les électeurs auront l’occasion d’interroger le 9 juin prochain lors du renouvellement du Parlement européen.
UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE
C’est peu de dire que le débat sur les comptes publics est assez nettement biaisé et que, dans les jours qui ont précédé la fatale annonce, on a tenté de le cantonner entre hausse inconsidérée des impôts et réduction courageuse et nécessaire des dépenses.
En se gardant bien, évidemment, de préciser lesquelles.
Ce qui a l’avantage de relancer la machine à formuler les propositions aussi sottes que grenues consistant par exemple à supprimer l’aide médicale d’État ou à conditionner le revenu de solidarité active à l’exécution d’un certain volume de travail d’intérêt général…
Il faut clairement, interroger les politiques fiscales menées depuis plusieurs années.
Selon une estimation, le processus de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (et ce seul élément) a coûté aux finances publiques rien moins que 61 Mds d’euros depuis 2017.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi, de sa création en 2012 par le Gouvernement Hollande – Ayrault à sa « pérennisation » par l’équipe Macron – Philippe, aura coûté fin 2024 rien moins que 225 à 230 Mds d’euros, sans qu’il n’y ait consensus des économistes sur la réalité des emplois créés à l’actif de cette mesure.
La disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui coûte 4 à 5 Mds d’euros aux deniers publics depuis 2017, au regard de la spéculation immobilière et du dynamisme des marchés boursiers, celle de la taxe d’habitation, qui gèle plus de 20 Mds de TVA chaque année et de fait, empêche toute évolution de cette taxe à la baisse, sont également à interroger.
Car l’un des travers de notre système fiscalo social est aujourd’hui de voir les recettes fiscales utilisées à autre chose qu’à financer réellement l’action publique.
L’exemple de la TVA, mise à toutes les sauces dans la section « compensation » de la peu ragoûtante cuisine budgétaire, est sans doute le plus significatif.
Surtout qu’elle est aussi l’un des impôts les plus injustes.