LE JOUR OU LE PETIT JORDAN DECOUVRIT LE SECOND TOUR

« Ils » étaient prêts.

Depuis deux ans, masquant leur jeu derrière un silence bienvenu au Palais Bourbon, avec force utilisation de cravates club et de jupes plissées, oeuvrant patiemment à une « dédiabolisation » permettant de les installer comme l’opposition officielle la plus crédible et la plus responsable, les dirigeants du Rassemblement National s’apprêtaient à tirer parti de leur influence électorale, idéologique et culturelle grandissante pour accéder au pouvoir.

Le résultat des européennes avait confimé l’apparente inexorabilité de leur honorabilité croissante et laissé entrevoir le jour où l’objectif serait atteint.

Et la dissolution, qu’ils appelaient de leurs vœux, était apparue comme une divine surprise et une possibilité d’accélérer la marche en avant du Rassemblement.

Et le premier tour, malgré un léger tassement des sondages à quelques jours du vote, avait confirmé tout ce qui était attendu : première force politique, près de quarante élus dès le premier tour, avec des succès symboliquement forts comme la victoire sur le Secrétaire national du PCF Fabien Roussel et la qualification du plus grand nombre de candidats pour le second tour.

Et puis, imperceptiblement, la mécanique bien huilée qui devait mener à Matignon le neveu par alliance de Marine Le Pen a commencé à connaître des ratés et des signes d’essoufflement.

Faut dire que malgré les efforts accomplis par C News, la sphère médiatique fut envahie par le mouvement de désistement massif touchant les partis associés au sein du Nouveau Front Populaire et ceux regroupés sous la bannière du macronisme.

Le mouvement fit fondre les triangulaires potentielles de plus de 400 à moins de 100, puis vinrent les refus de débattre, les chaises vides et les candidats fantômes parachutés loin de chez eux…

Et ce qui paraissait invraisemblable s’est produit.

Le rêve poursuivi depuis cinquante ans, transmis de père en fille, puis de tante en nièce et en neveu, ayant résisté aux complots et aux trahisons, allait soudain s’évanouir face à l’implacable règle du scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

C’est à dire celle qui veut que, dépourvu d’alliance de second tour, un quelconque parti, même très influent, ne peut transformer son électorat en mandats électifs.

Le Parti communiste français l’avait chèrement payé en 1958 où son électorat de 20 % s’était transformé en dix pauvres mandats de député…

La dynamique de second tour n’a donc guère touché le RN.

Premier exemple avec la 2e circonscription du Pas de Calais, structurée autour d’Arras.

Au premier tour, le candidat RN disposait de 22 239 voix, qu’il pouvait escompter majorer des 2 180 voix de la candidate LR et des 697 suffrages de la candidate de Reconquête

Soit un total de 25 116 voix.

Face à lui, une candidate macroniste parachutée, l’ancienne Ministre Agnès Pannier Runachier ex animatrice du comité Macron dans le XVIe arrondissement, dotée de 12 838 suffrages, majorables des 11 991 votes du candidat de gauche ou des 8 303 suffrages d’un candidat centriste plus local, dont la suppléante avait un long passé d’élue PS.

Au total donc, un potentiel de 33 132 votes.

Au second tour, Agnès Pannier Runacher recueille 31 642 voix et le candidat RN 25 028.

Le tout avec un doublement des bulletins blancs et nuls au-delà de 3 000.

Autre exemple : la troisième circonscription du Loir et Cher, organisée autour de Vendôme et du Perche.

Au premier tour, le RN y arrive en tête avec 22 682 voix et peut compter au second tour sur les 748 votes de Reconquête, pour un total de 23 430 suffrages.

Face à cette candidate, un total de 20 014 voix centristes, 10 795 votes de gauche et 986 suffrages d’extrême gauche, soit un total de 31 795 votes.

Au second tour, le candidat centriste recueille 30 055 voix et la candidate RN plafonne à 24 877.

Le tout avec un millier de bulletins blancs et nuls de plus.

Conclusion : le RN n’a pas vraiment élargi son électorat au second tour quand les reports de votes entre ses candidats adverses se sont globalement plutôt bien passés.

Cette absence de dynamique de rassemblement de second tour a mené un grand nombre de candidats RN et alliés vers l’échec, avec un total de 104 élus sur 434 candidats…

Et l’accord passé avec Eric Ciotti et ses candidats sans envergure, recalés par les Républicains et même Reconquête ne faisait pas le compte.

Nous regarderons dans d’autres articles ce qu’il en est quant au plus profond des motivations des électeurs et qui trace des perspectives pour la suite…