Salauds de pauvres ! Faisait dire à Grandgil, le peintre de la Traversée de Paris le romancier Marcel Aymé.
Le message semble avoir été repris au premier degré par le Premier Ministre qui paraît décidé à revoir à la baisse les allocations chômage sous le double effet de l’allongement de la période de cotisation de référence et du rétrécissement de la période de perception de l’allocation ; comme à mettre en question bien des aides sociales, du RSA aux aides au logement, en passant par les primes à la rénovation énergétique.
Il faut faire des économies puisque, à peine éveillé, le Mozart de la finance, avant de refaire quelques rounds, vient de se rendre compte que les comptes ne sont pas à jour, et que ces mécomptes risquent de creuser un sérieux passif entre le pouvoir et la population de notre pays.
Aux chômeurs, moins d’allocations !
Aux patients des hôpitaux, une hausse du prix de journée !
Aux salariés en formation, un forfait pour participer à un stage !
Aux demandeurs de logement social, des logements intermédiaires par dizaines de milliers, inaccessibles à 75 % d’entre eux !
Aux élèves de lycée, 400 millions de moins pour embaucher des profs !
Aux usagers des transports parisiens, rien de neuf que le ticket à 4 euros pendant les JO et le Grand Paris Express avant tout autre équipement !
Ainsi, alors que le Président de la République encourait le courroux des élus guyanais lors de son déplacement vers Cayenne, les Ministres associés de Gabriel Attal se disputaient le droit de formuler la proposition « d’économie » la plus impopulaire possible dans le cadre d’un séminaire à Matignon.
Tout se passe comme si nous étions revenus au temps des plans Barre (Barre I et II, que l’humour populaire complétait d’un « Barre …toi »), mis en œuvre dans les années 70, entre les deux chocs pétroliers, à l’époque où l’économie française avançait, lentement mais sûrement, vers le million de chômeurs…
Le séminaire en question ne s’est pas posé, semble t il, la question (justement) de savoir si, plutôt qu’un excès de dépenses, c’est plutôt d’un déficit de recettes que souffrirait le budget de l’État.
Et pourtant les rédacteurs de notes INSEE ont écrit pas plus tard qu’hier (je cite)
« En 2023, les dépenses des administrations publiques progressent de 3,7 % en euros courants après +4,0 % en 2022 et +4,3 % en 2021. Cette croissance est inférieure à celle des prix (+5,5 % pour le prix du PIB), ce qui explique la baisse du ratio dépenses/PIB. »
Donc, les dépenses baissent mais c’est ce qu’il faut encore faire baisser pour réduire le déficit…
Un déficit joyeusement creusé par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (25 à 30 Mds de recettes perdues en 7 ans), la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi et sa « pérennisatione » (225 à 230 Mds d’euros depuis 2012), la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (61 Mds d’euros de pertes de recettes depuis 2017), la suppression de la cotisation valeur ajoutée des entreprises (10 Mds au moins par an depuis 2021) et par l’affectation grandissante de recettes fiscales à la compensation de allégements fiscaux et sociaux décidés par ailleurs.
Si nos impôts, taxes, cotisations et contributions sociales finançaient effectivement des dépenses publiques en direct, nous n’aurions probablement pas de déserts médicaux, de lycées délabrés, de facs surpeuplées, de transports publics dégradés et à la fiabilité douteuse, de services postaux de plus en plus aléatoires, de familles mal logées, de logements insalubres et surpeuplés loués à prix d’or, de décharges sauvages, de traitement défaillant des déchets industriels et ordures ménagères, et j’en passe…
Il est sans doute temps que nous fassions des choix nouveaux dans l’ensemble des domaines et notamment dans celui, fort consommateur de deniers publics, de l’aide apportée aux entreprises.
La période Covid a montré la pertinence d’un soutien public sous la forme de garanties financières des emprunts souscrits par les sociétés dites non financières.
Une pertinence plus nette que celle des mesures d’allègement des cotisations sociales (ristourne dégressive ou CICE) qui favorisent bas salaires, inégalités de rémunérations entre hommes et femmes et distribution au profit du capital des gains de productivité et dont le coût global est nettement moins élevé.
Mais ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.