Nous avons vu quelles étaient certaines des données de la situation en matière d’immigration dans notre pays.
Si l’on regarde encore quelque peu les données chiffrées, et singulièrement celles des titres de séjour en cours de validité, le Ministère de l’Intérieur nous donne là encore quelques indications assez précises.
Les services du Ministère établissent un distinguo entre titres de séjour et documents provisoires.
Sur les 3 883 443 titres ainsi délivrés, 386 517 (soit 9,95%) sont des titres provisoires, accordés pour plus de 205 000 pour des motifs humanitaires (dans la démarche de mise en œuvre du droit d’asile entre autres) et pour plus de 78 000 dans le cadre du regroupement familial.
Dès lors, les objectifs du projet de loi se dessinent avec plus de précision.
Comme il va évidemment être impossible de remettre en cause la présence sur le sol français de ressortissants communautaires (53 670 personnes) ou Britanniques (plus de 160 000) ou de créer des difficultés aux 2 240 525 résidents disposant d’une carte de séjour de dix ans (soit 58,45 % des immigrés enregistrés), on va donc viser les groupes les plus « vulnérables », c’est à dire les ressortissants en attente de regroupement familial, ceux disposant de titres provisoires de courte durée et les demandeurs au titre du droit d’asile.
Les mesures contenues dans le projet de loi, qu’il s’agisse de la version originale du texte, commentée comme nous l’avons vu, par le Conseil d’État, ou ajoutées par la commission des Lois du Sénat, première saisie au fond du texte (le Sénat étant chargé de la première lecture du texte à partir de ce lundi 6 novembre) se présentent de fait comme une sorte de course d’obstacles destinée à trouver quelques motifs valables de rejet administratif des demandes d’asile ou de regroupement familial.
Ainsi, la commission des Lois préconise t elle de rajouter six mois à la durée minimale de présence d’un étranger en France pour demander à bénéficier du regroupement familial, et ajoute t elle aussi une exigence nouvelle en matière de ressources qui doivent être « régulières » en plus d’être « stables « et « suffisantes », et une autre visant à la maîtrise de la langue française.
Problème : le fait d’écrire les choses ne crée pas spontanément d’échelle de valeur, ce qui laisse ouverte la porte à bien des interprétations et, par voie de conséquence, à l’émergence d’un contentieux administratif non négligeable.
A noter également l’étonnante mesure consistant (article 1er D du texte de la commission des Lois) à confier aux services de la mairie de résidence du demandeur le soin de vérifier, dans un délai donné, les conditions de logement et les ressources dudit demandeur.
Et, par dessus le marché, l’absence de réponse de l’autorité municipale vaudra rejet de la demande…
Dans un pays plutôt habitué à la tacite acceptation, on notera cet étonnant retournement législatif…
La situation des étudiants n’est pas oubliée avec la mise en avant d’un article durcissant les conditions de maintien de l’étudiant étranger sur le territoire français à raison du « sérieux » apporté à la poursuite de son cursus.
Dans le même ordre d’idées, quatre amendements déposés par les trois sénateurs RN, l’ex RN Stéphane Ravier, le Président du Groupe LR Bruno Retailleau et le « centriste » Alain Duffourg proposent, en choeur, la suppression de l’article 3 du projet de loi, qui vise à permettre de régulariser certains salariés étrangers dans les « métiers en tension ».
Les entrepreneurs du bâtiment, des travaux publics, du secteur agricole ou de l’hôtellerie restauration, assez mal habitués à employer ainsi des « extra » sans parler de certaines agences d’intérim et services de placement risquent fort de ne pas avoir à changer de méthode, sans prendre vraiment le risque d’être inquiété par les services de police, des douanes ou des finances publiques…
Ce qui préoccupe en effet le plus le Gouvernement semble de poursuivre les réseaux de passeurs bien plus que les donneurs d’ordre.
Le texte est donc bel et bien celui d’un repli frileux de la France face aux mouvements d’un Monde qu’elle n’arrive plus à comprendre.
Que l’on songe à ces données simples.
Les pays qui composaient jadis l’Afrique Occidentale Française et l’Afrique Equatoriale Française comptent aujourd’hui près de 220 millions d’habitants, soit plus de trois fois la population de la France, Outre Mer compris.
La production mesurée de ces différentes Nations constitue un total d’environ 300 Mds de dollars, soit moins de 11 % de la production de l’économie française.
En clair, il faut moins de quarante jours à l’économie française pour produire ce que ces pays africains produisent en un an.
D’évidence, la seule réponse aux problématiques de l’émigration et de l’exil qui en est le faux frère jumeau demeure celle du développement.
Pas sûr de ce point de vue que le choix préconisé par la commission des Lois (lier aide au développement et contrôle des flux migratoires dans les pays d’origine) soit le plus indiqué.
La logique de fermeture qui accompagne le projet de loi est aussi une logique de déclin qui risque de réorienter les flux (notamment d’étudiants) vers d’autres pays.
Au moment où la France vient d’inaugurer la Cité Internationale de la Langue Française dans les murs du château de Villers Cotterêts, n’oublions pas que l’Algérie vient de faire de l’anglais la première langue étrangère de son enseignement.