Fraude fiscale ; Fraude sociale

La somme participe de la fraude sociale et se trouve considérée comme la première source de fraude.

Le débat sur la fraude sociale, dont l’écho est de plus en plus présent dans le pays, est pourtant centré sur la fraude concernant les prestations servies et, notamment, le RSA ou certaines allocations logement.

Le rapport 2022 de la Cour des Comptes sur l’exécution des lois de financement de la Sécurité Sociale fournit une estimation des choses.

Montants estimés des préjudices subis du fait de fraudes ou de fautes :

– pour les prestations légales versées par les CAF, entre 2,5 et 3,2 Md€ de fraudes en 2020 ;

– pour l’assurance maladie, entre 1,1 et 1,3 Md€ de fraudes et de fautes pour six prestations versées ou droits attribués en 2018 ou en 2019 qui ne représentent que 27 % du total du montant des prestations légales versées par l’assurance maladie (soins infirmiers et de masso-kinésithérapie, actes des médecins généralistes, produits de santé délivrés par les pharmacies d’office, transports de patients et complémentaire santé solidaire) ;

– pour les caisses de retraite en 2020, entre 0,1 et 0,4 Md€ de fautes au titre des prestations versées

Et le rapport indique (je cite)

Le manque de rigueur dans les modalités de règlement des actes, séjours, biens et prestations facturés par les professionnels et les établissements de santé conduit à un préjudice pour l’assurance maladie estimé à 3,4 Md€ pour 2022 (hors séjours dans les établissements publics et privés non lucratifs de santé, qui ne sont pas facturés directement à l’assurance maladie).

Dans une mesure non estimée par la Cnam, mais potentiellement importante, ces erreurs correspondent à des fraudes ou à des fautes des professionnels et établissements.

Pourtant, des solutions techniques existent afin de mettre fin aux préjudices qu’elles occasionnent.

Pour régler les professionnels et les établissements en tiers payant (soit 96 % des dépenses de prise en charge de frais de santé en 2021), l’assurance maladie utilise une application informatique ancienne dont le paramétrage en vigueur ne bloque qu’une part très limitée des factures qui contreviennent aux interdictions de cumul ou d’association de certains actes médicaux ou paramédicaux fixées par les nomenclatures tarifaires

( fin de citation)

De fait, il semble bien qu’une part importante de la fraude sociale n’ait qu’assez peu à voir avec les agissements des assurés mais beaucoup plus avec ceux de professionnels de santé plutôt indélicats, considérant les caisses d’assurance maladie ou autres comme des guichets de banque et de distribution de liquidités.

Evidemment, à ce stade, nous ne pouvons qu’avoir une attention sur la fameuse affaire des cartes Vitale « en trop », agitée par certains beaux esprits pour laisser penser que certains assurés, notamment d’origine étrangère et parfois décédés (suivez mon regard), continueraient de bénéficier de prestations sans en avoir le droit.

Un certain nombre de personnes, comme Agnès Verdier Molinié ou encore le magistrat Charles Prats (qui fut dans sa jeunesse l’un des fondateurs de l’UNI, syndicat de droite étudiant et enseignant en même temps) y voient d’ailleurs l’essentiel de la fraude sociale.

Leur discours est d’ailleurs assez souvent repris par des relais politiques connus.

Ainsi, la proposition de loi déposée le 25 avril dernier par le groupe du Rassemblement National, intitulée « Lutter contre la Fraude sous toutes ses formes », évoque t elle l’existence de 2,5 millions de cartes Vitale en surnuméraire, et souligne une fois encore le cas des retraités d’origine étrangère percevant des prestations à l’étranger.

Le rapport de la Cour des Comptes apporte sur ces questions quelques précisions.

Outre le fait qu’une carte Vitale n’est pas une carte de paiement, même si son format ressemble à celui d’une carte de crédit, il convient de rappeler qu’elle a besoin d’être activée pour « fonctionner ».

La Cour souligne (je cite)

L’existence de plusieurs cartes Vitale au nom d’un même assuré peut faciliter ces détournements. Selon la direction de la sécurité sociale et la Cnam, il n’existe plus de cartes Vitale en surnombre pour les assurés du régime général de sécurité sociale depuis 2018 et, dans les autres régimes, le nombre de cartes surnuméraires est désormais marginal (moins de 1 000 fin septembre 2022, concentrées dans les régimes des Mines, de l’Assemblée nationale et du Sénat, contre 2,4 millions fin 2018). « 

Et précise

L’utilisation de la carte Vitale est subordonnée à la validité des droits de l’assuré. En pratique, si l’assurance maladie a fermé les droits, une tentative d’utilisation dans une pharmacie entraîne l’invalidation de la carte. En revanche, la carte peut toujours être utilisée auprès d’un autre professionnel de santé, si ce dernier ne vérifie pas les droits de l’assuré sur le service ADR de l’assurance maladie.

L’enjeu financier correspondant est limité : en 2022, l’assurance maladie a réglé 6,6 M€ de frais de santé au titre de cartes en fin de vie, pour lesquelles les droits avaient été fermés, ce qui représente moins de 0,01 % de ses règlements

( fin de citation)

Pour la question des pensions de retraite, outre le fait que les administrations de Sécurité Sociale ont tendance, ces dernières années, à pratiquer l’échange automatisé d’informations (comme c’est aussi le cas en matière fiscale, soit dit en passant), ne se pose que la question du suivi des pensionnés et, dans le cas précis, des événements susceptibles d’interrompre le versement des prestations…

La plupart des estimations, pour certaines quasi apocalyptiques, se fondent sur l’extrapolation des résultats d’échantillonnages de population de retraités.

La Cour des Comptes rappelle que la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse a effectué une recherche sur 472 retraités de nationalité algérienne âgés de plus de 80 ans et rentrés au pays.

Une quarantaine d’entre eux, âgés en moyenne de 89 ans, ne se sont pas rendus à la convocation et ont donc vu leurs prestations suspendues.

Mais l’organisme de contrôle de l’usage des fonds publics indique aussi

En 2021, la branche vieillesse du régime général a versé 3,8 Md€ de pensions de retraite de droit propre et de droit dérivé, soit 3 % du montant total de ses prestations, à 1,1 million de retraités résidant à l’étranger.

À la différence de celui des pensionnés résidant en France, les caisses de retraite ne sont pas informées du décès des pensionnés résidant à l’étranger. De ce fait, les pensionnés résidant à l’étranger doivent adresser une fois par an un certificat d’existence, tamponné par les autorités civiles locales. Depuis 2019, ce certificat est commun à l’ensemble des régimes de retraite. Cette modalité de contrôle peut néanmoins être contournée, si l’autorité locale n’exige pas la présentation physique de l’assuré et n’a pas connaissance d’un éventuel décès, si elle cède à une tentative de fraude ou bien si son cachet est falsifié.

(fin de citation)

Nous ferons ici plusieurs observations.

Un, les sommes en jeu sont à la fois importantes et somme toute assez résiduelles.

Moins de quatre milliards d’euros de prestations pour 1,1 million de personnes, cela fait un versement moyen de 3 450 euros par an.

Deux, la coopération entre administrations pourrait régler une bonne partie des questions.

Trois, faisons tout de même observer que notre économie a été, de longue date, tributaire de l’existence d’une main d’oeuvre immigrée, venue notamment d’Algérie comme des autres pays du Maghreb qui, soit dit en passant, a souvent servi au patronat de source de fraude sociale et fiscale, ne serait ce que par l’usage et l’abus du travail dissimulé.

Nous en parlerons dans le prochain épisode.